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serais bien tenté d'invoquer encore une action analogue dans des crânes magdaléniens.

III. Pathogénie. Maintenant que j'ai analysé le mode de croissance qui s'est produit dans ce cas de gigantisme, il resterait à découvrir quelle est la cause déterminante de tous ces troubles. Venant après des pathologistes tels que MM. LUCAS-CHAMPIONNIÈRE et CAPITAN qui ont observé ce géant dans les hôpitaux, il m'est difficile d'ajouter quelque chose.

« On ne peut rien tabler sur les renseignements du malade, dont l'intelligence est très médiocre, et qui ment comme tous les dégénérés. Il se nomme F..., est âgé de 27 ans, son gigantisme aurait débuté vers 18 ans. Son habitus peut, au contraire, nous donner des indications utiles. Je ne reviendrai pas sur la forme générale du corps et de la tète décrite plus haut: j'ajouterai seulement que les oreilles sont détachées, le lobe est visible, elles ont 72,5 de long et 41 de large. La face est sans expression, l'intelligence semble avoir bien diminué depuis quelques années, elle a suivi sans doute la mème décroissance que la force musculaire.

Ce qui frappe le plus c'est l'état d'infantilisme où est resté le sujet : la barbe manque totalement, le corps est tout à fait glabre, quelques poils ont cependant poussé au pubis depuis l'âge de 22 ans. C'est également à cet âge que la puberté serait apparue, les désirs vénériens étant toujours restés fort peu développés. C'est du moins ce que je lui ai fait avouer et il faut reconnaître que c'est tout à fait en accord avec l'état des organes génitaux. La peau qui les recouvre n'est pas plus pigmentée que sur le reste du corps, les testicules sont petits, la verge au-dessous de la moyenne.

«Est-ce cet infantilisme qui aurait déterminé la croissance exagérée de F...? On serait tenté de l'admettre. OTTO AMMON, dans son étude sur l'infantilisme en Bavière (1), n'a-t-il pas trouvé que les jambes sont relativement plus longues chez les infantiles parce qu'elles continuent à croître au lieu de s'arrêter, comme c'est l'habitude, au moment de la puberté ou peu après? Ne sait-on pas que chez les eunuques mutilés dans l'enfance, la taille devient supérieure à la moyenne surtout par l'allongement des membres inférieurs? Tout cela est vrai et cependant les infantiles et les eunuques ne deviennent pas des géants de deux mètres.

« C'est pourquoi il me semble qu'on doit invoquer un trouble plus profond. Infantilisme et gigantisme ne sont ici probablement que des résultats concomitants d'une cause que je n'ai pas la prétention de découvrir, mais qui, sans doute, a son siège dans une de ces glandes trophiques dont les variations fonctionnelles influent si puissamment sur la croissance générale de l'organisme. Il serait naturel de penser tout d'abord à la glande pituitaire, mais il ne me semble pas que ce

(1) Voir Anthropologie, 1896, p. 284.

soit un cas très net d'acromégalie. Rien n'empêche d'ailleurs d'admettre ici un cas mixte où viendrait converger l'influence de plusieurs glandes trophiques parmi lesquelles les testicules ont pu jouer leur rôle.... Malheureusement nous entrons ici dans le champ des hypothèses actuellement invérifiables.

De cette étude si précise de Papillault, que nous avons tenu à reproduire intégralement, on peut dégager les conclusions générales suivantes :

Chez un géant infantile,

a. Le tronc est proportionnellement à peu près normal et l'allongement anormal porte surtout sur les membres;

b. Les membres inférieurs sont proportionnellement plus accrus que les membres supérieurs;

c. Les segments proximaux des membres (fémur, humérus) sont moins accrus proportionnellement que les segments distaux;

d. La main et le pied sont un peu moins accrus que le segment distal correspondant.

Il serait superflu d'insister sur l'analogie de ces conclusions, particulières au géant Charles, avec celles, beaucoup plus générales, qui se dégagent des plus récents travaux de Manouvrier et Papillault sur les variations des proportions du corps suivant la taille. (Voir chapitre III du livre I, page 40).

Déjà, à l'époque où il observait le géant Charles, Papillault concluait que le trouble systématique, constaté dans les différentes proportions de son corps, devait s'expliquer par des modifications existant dans l'état des différents cartilages juxtaépiphysaires, qui, par suite, réagissaient inégalement à la cause anormale et inconnue qui excitait et prolongeait leur activité proliférative.

Nos recherches radiographiques sont venues pleinement confirmer cette hypothèse : les cartilages, dont les rayons de Röntgen nous ont montré la persistance, sont précisément ceux qui, à l'état normal, s'ossifient le plus tardivement (épiphyses voisines du genou, épiphyses éloignées du coude). C'est au niveau de ces cartilages encore actifs que s'est produit en trois ans l'allongement des différents segments des membres que rend plus évident la comparaison des chiffres recueillis en

1899 et en 1902. Cette comparaison montre, de plus, que les différents segments des membres ne se sont pas accrus d'une manière égale et proportionnelle, et, à cet égard, il semble que les conclusions de Papillault, exactes en 1899, ne le soient peutêtre plus autant en 1902.

En ce qui concerne le membre inférieur droit, il semble tout d'abord que l'allongement n'ait pas été très considérable : le grand trochanter, qui était il y a trois ans à une hauteur de 1,118 au-dessus du sol, est aujourd'hui à 1",129; il n'a donc subi qu'une augmentation de 11 millimètres. Mais il faut tenir compte de l'affaissement de la voûte plantaire (la hauteur de la malléole interne, de 87 millimètres, en 1899, n'atteint plus aujourd'hui que 79 millimètres); il reste ainsi pour le segment fémoro-tibial un allongement global de 19 millimètres, qui se répartit de la manière suivante: en trois ans, le fémur a gagné 12 millimètres et le tibia 7 millimètres. Pour apprécier cel allongement, il faut encore observer que les mesures ont été prises sur le membre inférieur droit, resté rectiligne, mais qui, ayant à supporter seul tout le poids du corps, s'est certainement moins accru que le membre inférieur gauche. En examinant les photographies, il apparaît nettement que ce dernier, tout difforme et inaccessible qu'il soit aux mensurations précises, a une longueur supérieure à celui du côté droit, et cela en négligeant même l'inclinaison compensatrice du bassin. Quant au pied (droit), sa longueur a augmenté d'une manière appréciable (12 millimètres). Mais à droite comme à gauche le pied et les orteils sont trop déformés par les attitudes vicieuses pour qu'on puisse songer à comparer avec quelque précision des mensurations prises dans des conditions par trop différentes et par trop variables.

Il n'en est pas de même pour les mesures prises sur le membre supérieur (gauche); elles sont susceptibles d'une assez suffisante rigueur : la longueur totale du membre supérieur, comprise entre l'acromion et l'extrémité du médius, qui était en 1899 de 912 millimètres, est aujourd'hui de 965 millimètres; elle s'est donc accrue de 51 millimètres. La répartition de l'accroissement sur les différents segments du membre peut être indiquée de la façon suivante :

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En comparant ces chiffres, on remarque que l'allongement a porté principalement sur l'humérus, puis sur la main et les doigts, épargnant pour ainsi dire le segment anti-brachial.

Par ce mode de croissance, tout à fait anormal, notre géant échappe donc aux règles posées il y a trois ans, comme aussi aux règles très générales de la croissance chez les hommes grands. Il est en effet admis que l'allongement porte sur les segments distaux des membres plus que sur leurs segments proximaux, et moins sur les extrémités (mains, pieds) que sur les segments distaux (Papillault).

Parmi tous ces désordres d'une croissance gigantesque qui semble ne suivre aucune loi, nous signalerons particulièrement l'énorme développement qu'ont atteint les membres inférieurs. Cet allongement des membres inférieurs réalise un type tout à fait particulier de géant, de taille un peu plus qu'ordinaire (0,96) quand il est assis, grand échassier, haut sur pattes quand il est debout (2,04). Ce type diffère totalement de celui des géants au grand tronc, ou tout au moins au tronc développé proportionnellement avec le reste du corps, type qu'on retrouve surtout chez les géants acromégaliques et dont le géant tambour-major que nous avons étudié (voir observation VIII, page 159) est un bel exemple.

Cet allongement excessif des membres inférieurs est à rapprocher de celui qui a été signalé, depuis longtemps déjà chez les eunuques opérés avant la puberté et aussi chez les jeunes animaux ayant subi la castration de convenance ou expérimentale. Ce rapprochement nous conduit à rechercher les rapports qui peuvent exister entre l'atrophie génitale observée chez les géants infantiles et les troubles divers du développement squelettique.

CHAPITRE III

ATROPHIE GENITALE ET INFANTILISME (1)

De même que le genu valgum peut se rencontrer fréquemment chez les infantiles, les acromégaliques et les géants, de même l'atrophie génitale peut s'observer dans ces trois variétés de dystrophie:

1o Dans l'acromégalie. - Dès les premières descriptions qu'il donna de la maladie qui porte justement son nom, P. Marie a insisté sur les troubles des fonctions génitales (arrêt des règles chez la femme, impuissance chez l'homme, etc.); ils ont été retrouvés par tous les auteurs, français et étrangers, qui se sont occupés de cette affection. Dans son tableau synoptique des symptômes de l'acromégalie, Sternberg (*), place, parmi les signes subjectifs constants, la perte de l'instinct sexuel et la rapproche de la polyphagic et de la polydipsie; parmi les signes objectifs, inconstants, il signale l'atrophie des testicules, susceptible de coïncider parfois avec l'hypertrophie du pénis. Après avoir décrit les hypertrophies localisées caractéristiques de l'affection, Woods Hutchinson s'exprime ainsi au sujet des modifications observées dans la sphère génitale :

«Un autre symptôme singulier et très constant, constituant ainsi l'unique exception à la loi régionale de ces hypertrophies, est la diminution des fonctions sexuelles, qui se rencontre dans environ 65 pour 100 de la totalité des cas, diminution qui peut même s'étendre à la taille des organes externes; ceux-ci, d'après mes recherches, n'ont jamais été trouvés hypertrophiés, bien qu'ayant subi d'ordinaire un développement moyen. En réalité, on les a trouvés imparfaitement développés et audessous de la taille moyenne dans beaucoup de cas, et spé

(') D'une manière générale et dans une proportion beaucoup plus sensible que ne le comporterait la légère différence de la taille moyenne chez l'homme et chez la femme, le gigantisme s'observe bien plus souvent dans le sexe masculin : sur 14 cas étudiés, DANA trouvait 10 hommes. Nous-mêmes, parmi toutes les observations que nous avons colligées, nous n'avons retenu que 5 observations de femmes géantes.

(2) STERNBERG, Die Akromegalie, Specielle Pathologie und Therapie (Nothnagel), VII Band, II Theil, 1897.

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