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tête est même plus petite que la moyenne, eu égard à sa taille. Mais, d'autre part, nous avons une grosse hypertrophie de la mandibule, une fosse pituitaire élargie et l'évidence manifeste que nous apportent ses souliers de la grande taille de ses pieds, pendant sa vie.

Le crâne et plus particulièrement la face des géants ont depuis longtemps déjà attiré et retenu l'attention du public et des médecins. Dans le Dictionnaire de d'Orbigny ('), publié en 1868, on trouve les lignes suivantes : « Dans le balancement des éléments de l'organisme, le développement des formes est au détriment de celui du cerveau. Les Grecs l'avaient si bien compris qu'ils avaient donné à leur Apollon une taille moyenne et un front large, élevé, où rayonnait l'intelligence, et à Hercule une tête de crétin. » Sans vouloir préjuger de la mesure exacte de l'intelligence ni de la taille d'Hercule, il est incontestable que les traits apolloniens ne semblent guère avoir été rencontrés chez les géants Lombroso trouve à son géant une « face rappelant dans sa monstruosité celle du gorille et du lion » (voir p. 296); Woods Hutchinson, voyant une seule fois le géant Caleb, remarque chez lui une «< expression de tête de cheval » caractéristique (Obs. XIV). Parfois il y a une grosse malformation: ainsi le géant Wilkins (Obs. XV), observé successivement par Dana en 1893 et par Lamberg en 1896, présentait ce que le premier auteur appelle une hémiacromégalie de la tête, c'est-àdire un développement très remarquable d'une moitié de la face, portant sur l'os frontal et les maxillaires supérieur et inférieur du côté gauche, s'accompagnant d'un rétrécissement de la cavité nasale du même côté. Les photographies de ce sujet révèlent à première vue, encore qu'incomplètement, cet aspect curieusement tordu et asymétrique de la face.

En dehors de l'impression plus ou moins horrible ou repoussante que peut produire la face des géants, si l'on cherche à préciser par des mensurations anthropologiques les modifications survenues à son niveau, on voit que chez la plupart elles ne diffèrent en rien des malformations acromégaliques et qu'elles sont surtout apparentes et accusées chez les géants acromégaliques.

{') Dictionnaire Universel de Ch. d'ORBIGNY, 1868, t. VI, p. 505.

Il nous suffira de rappeler la description qu'ont donnée Brissaud et Henry Meige de la face du géant Jean-Pierre Mazas et que nous leur avons empruntée (voir page 222). Dans son masque hideux, on retrouve l'aspect caractéristique, mais poussé jusqu'à l'exagération, du facies acromégalique. Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'inégal développement du crâne, de dimensions à peu près normales, et de la face énormément agrandie, surtout dans le sens vertical.

La face prend ainsi un aspect démesurément allongé et ovalaire, tenant surtout à l'agrandissement de deux diamètres en particulier le diamètre bimalaire et la hauteur générale de la face. Le front, d'ordinaire bas et étroit, surplombe les yeux enfouis dans d'énormes saillies orbitaires, formées par le développement exagéré des sinus frontaux; ce développement exagéré, qui se retrouve sur tous les sinus de la face et aussi sur les os malaires, produit, au niveau de ces derniers, l'agrandissement du diamètre bimalaire qui était si évident à la dernière période de la vie de notre tambour-major (Obs. VIII). Le nez est toujours volumineux; l'augmentation des os propres, qui entrent dans sa constitution, était très apparente sur le crâne de la géante Aama (Obs. III). Mais les parties molles et les cartilages qui le composent sont aussi très hypertrophiés et l'on peut retrouver chez les géants toutes les variétés de gros nez: arrondis, retroussés, busqués en nez de polichinelle, etc.

La langue atteint souvent un volume extraordinaire, très nettement disproportionné même avec la taille gigantesque du sujet auquel elle appartient. Les lèvres, surtout la lèvre inférieure, sont grosses; cette dernière, proéminente et pendante, aggrave encore le prognathisme du maxillaire inférieur, dont l'hypertrophie localisée et disproportionnée est assurément, sinon le meilleur signe, du moins l'un des plus caractéristiques et des plus faciles à reconnaître de l'acromégalie.

Le menton en galoche, gros, massif, avec à la fois augmentation de la hauteur du maxillaire et projection en avant de son bord inférieur, est noté chez bon nombre de géants. Langer y avait déjà insisté en 1871, et, tout récemment, Papillault montrait qu'à mesure que la taille s'élève la hauteur de la symphyse mentonnière augmente ainsi que la longueur de la

branche horizontale (diamètre gonio-mentonnier), d'où résulte un prognathisme plus ou moins marqué.

En somme, l'on peut dire que les trois grands signes caractéristiques de l'acromégalie à la face hypertrophie localisée et prognathisme du maxillaire inférieur; — saillie exagérée des pommettes; augmentation des os propres du nez et des sinus frontaux, se retrouvent à un degré plus ou moins accentué chez les géants acromégaliques.

Après la face, les pieds et les mains offrent chez les mêmes sujets les déformations propres à la maladie de P. Marie. Sans doute, personne ne songe à s'étonner que les géants aient de grandes mains et de grands pieds; mais il y a lieu de remarquer que le développement des extrémités de leurs membres est lui-même disproportionné par rapport à l'hypercroissance généralisée qu'ils présentent.

L'histoire des géants est à cet égard remplie d'anecdotes que nous avons déjà mentionnées (voir page 28). C'est l'empereur romain Maximin Ier qui prenait pour bague le bracelet de sa femme, c'est le géant Nicolas, dont il est question dans les Chroniques de Hollande (1557) de Hadrianus Berlandus, et qui était si grand que son soulier avait 5 pieds; c'est le géant Antoine Payne, haut de 2,22, qui vivait en Cornouailles à la même époque et dont la longueur des pieds est restée proverbiale C'est un homme de 9 pieds, vu par Plater, en 1613, et dont la main avait une longueur de 1 pied 6 pouces; c'est Patrick Cotter, le successeur du géant irlandais Charles Byrne, qui mesurait à sa mort, en 1806, 8 pieds 4 pouces, dont le pouce était à peu près de la grosseur du poignet d'un homme ordinaire et dont le soulier n'avait pas moins de 17 pouces de long(').

Plus récemment nous voyons que les pieds du géant espagnol Joachim Eleiceagui, haut de 2,50, qui se montra à Paris en 1845, avaient une longueur de 42 centimètres (*).

Enfin Jean-Pierre Mazas (Obs. IX, page 216), parmi les derniers exploits que sa maladie lui permettait encore d'accomplir, pouvait couvrir une pièce de cinq francs avec son pouce. Et

(1) Voir GOULD AND PYLE, Anomalies and Curiosities of Medicine. Londres et New-York, 1898.

() Voir E. GARNIER, Les Nains et les Géants. Paris, 1884.

le géant Caleb, retirant une de ses bagues, avait coutume de faire passer au travers d'elle une pièce d'un demi-dollar.

C'est à Woods Hutchinson que nous devons l'histoire de ce géant Caleb; il l'a publiée dans le New-York Medical Journal (21 juillet 1900). La description qu'il fait de la face est tout à fait remarquable.

OBSERVATION XIV. (Woods Hutchinson.)
Le géant Caleb.

Il y a encore un cas que je puis difficilement m'empêcher de mentionner ici, bien que je doive avouer qu'en tant qu'observation médicale il est de la plus faible valeur. C'est le cas d'un géant qui voyageait avec une troupe de nains, les Liliputiens, et connu sous le nom du géant CALEB », que je vis par hasard voici deux ans. On le disait haut de 8 pieds 3 pouces, et il paraissait bien les avoir. Son seul aspect sur l'estrade me fit penser tout de suite à l'acromégalie et lorsque, à ma grande satisfaction, il vint à la fin du premier acte se promener parmi l'assistance, afin qu'on pût vérifier qu'il était un véritable géant, sans échasses, je vis que sa face, ses mains et ses pieds étaient bien ceux qu'on rencontre dans cette affection.

La première impression que me fit sa face fut assez singulière bien que grosse et massive et avec cette expression de tête de cheval caracté ristique de la maladie, elle ne me parut pas à première vue avoir la partie inférieure beaucoup plus développée que la partie supérieure ou crânienne. Mais l'inspection ultérieure me fit découvrir que cette symétrie apparente était produite par une augmentation énorme du front. saillant, proéminent et surplombant, sous lequel les yeux petits étincelaient d'une manière repoussante. Je ne doute pas que cet aspect ne soit dû à l'énorme augmentation des sinus frontaux qui est caractéristique de l'affection, attendu que les parties moyenne et postérieure du crâne n'étaient en aucune façon proportionnées au développement excessif de la portion frontale. La mâchoire inférieure était énorme et massive; son articulation épaisse et invisible.

Les mains étaient énormes et offraient l'aspect en battoir caractéristique; pour la taille de ses doigts, elle était mise en évidence d'une manière assez singulière: il retirait une de ses bagues et priait quelqu'un de faire passer au travers une pièce d'un demi-dollar. Ses pieds étaient également de taille énorme; sa démarche était penchée et branlante. Par malheur pour moi, je pensais le retrouver le lendemain matin pour prendre des mensurations exactes et le photographier; mais j'appris en allant à son hôtel que la troupe avait pris le train de

minuit et depuis ce temps je ne pus rien apprendre sur lui. Ainsi que je l'ai déjà dit, je présente ce cas comme une simple observation faite à l'œil nu, et comme aussi pouvant être intéressante, sans qu'on puisse toutefois la considérer comme une addition effective à la littérature scientifique concernant le sujet.

Le géant du Minnesota présentait, en même temps qu'une croissance générale gigantesque, une hypertrophie particulière d'une portion du segment céphalique. Dana, qui nous en donne la description proposa de considérer cet exemple comme un cas de somatomégalie avec hémiacromégalie de la tête, dénomination. qui lui avait été suggérée par son collègue le D' Frank P. Foster.

OBSERVATION XV. (Dana, 1893;

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Lamberg, 1896; Villers, 1898; Peter Bassoe, 1903.)

Le géant du Minnesota, Wilkins.

Voici d'abord l'observation publiée par Dana (') en 1893:

Lewis Wilkins, âgé de 19 ans, de métier fantasque, naquit dans le Minnesota. Son père était natif de New-York; sa mère, née dans le Canada, était d'origine anglaise. Ses parents étaient bien portants, de taille normale (1,61 pour le père, 1,70 pour la mère). Il a six frères et sœurs, tous de taille normale. C'est le second enfant. Il a toujours été grand pour son âge, mais sans que rien le rendit remarquable. Toutefois il grandissait constamment et atteignit à l'âge de 17 ans une hauteur de plus de 7 pieds (2,10). Il a maintenant 20 ans et a gagné 1 pouce 1/2 (4) dans la dernière année. Sa taille actuelle est de 7 pieds 4 pouces (2,25); son poids de 325 livres; ses proportions générales sont bonnes pour la plupart; mais ses pieds el ses mains sont particulièrement énormes et le côté gauche de la face montre une remarquable hypertrophie osseuse, portant sur l'os frontal et les maxillaires supérieur et inférieur. L'hypertrophie répond exactement à la distribution du nerf trijumeau; elle donne au visage un aspect curieusement tordu et asymétrique que la photographie ne montre que d'une manière impar

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FIG. 65.

Le géant Wilkins. (DANA, 1893.)

(1) Acromégalie et gigantisme avec hypertrophie faciale unilatérale. - The Journal of nervous and mental Diseases, 1893.

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