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A ne considérer que les trois tailles confirmées par l'observation scientifique :

21 ans.

27 ans

50 ans.

1 m. 86 (Capitan).

1 m. 99 (Papillault).

2 m. 04 (Launois et Roy).

on peut donc affirmer que CHARLES a continué de grandir progressivement depuis l'âge de 21 ans il a gagné 18 centimètres, en une

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période de 9 ans; cet accroissement est d'autant plus important à signaler qu'il s'est fait à un àge où d'ordinaire la taille a acquis ses dimensions définitives.

Actuellement, bien qu'il ait atteint sa 30 année, il grandit encore. La persistance de cette croissance nous a été démontrée par l'examen des épreuves radiographiques de divers segments de son squelette. Sur les remarquables clichés que nous devons à M. INFROIT, on peut nettement reconnaitre la persistance des cartilages de conjugaison et la non-soudure d'os, dont les plus retardataires devraient être définitivement ossifiés à 24 ou 25 ans. Sur la radiographie du genou gauche (fig. 12), on reconnait que le plateau tibial et la tête du péroné sont séparés par un intervalle assez large de leurs diaphyses respectives. De même, au niveau du poignet et de la main (fig. 11), on peut voir un espace clair séparant nettement du corps de l'os les épiphyses radiales et cubitales inférieures; il en est de même encore pour la base des phalanges, des phalangines et pour celle du premier métacarpien. On sait que l'épiphyse supérieure du péroné se soude habituellement de 19 à 22 ans, celle du tibia à 24 ans au plus tard; les épiphyses inférieures des os de l'avant-bras se soudent à la diaphyse, pour le cubitus, de 20 à 22 ans chez la femme, de 21 à 25 ans chez l'homme; pour le radius, de 20 à 25 ans. Quant aux phalanges et au premier métacarpien, leur ossification se termine définitivement de 18 à 20 ans, elle soude d'abord les segments distaux, puis les segments proximaux.

Telle est l'étude anthropologique que nous avons pu faire du Grand Charles en 1902; mais, si nous l'observions pour la première fois, il n'était pas un inconnu pour nombre de médecins. Capitan (') l'avait rencontré à l'hôpital de la Pitié, en 1895, dans le service d'Albert Robin, et l'avait montré à ses collègues de la Société d'Anthropologie: Pierre Marie l'avait aperçu pendant le court séjour qu'il fit à Bicêtre; J. Lucas-Championnière (2) lui avait donné des soins à l'Hôtel-Dieu et l'avait présenté à l'Académie de Médecine. Papillault (), enfin, avait utilisé les documents recueillis sur lui pour ébaucher une étude sur le mode de croissance d'un géant.

Les données, réunies par chacun de ces auteurs, sont intéressantes à rapprocher des constatations ultérieures que nous

(1) CAPITAN, Médecine moderne, no 82, 14 octobre 1895; et Présentation d'un géant, Bull, de la Soc. d'Anthropologie, 18 mai 1899.

(2) J. Lucas-Championnière, Présentation d'un géant dont les phénomènes de grandissement tardif se caractérisent comme ceux du grandissement des jeunes sujets. Bull. de l'Acad. de Méd., 9 mai 1899, 5o série, t. XLI, p. 481.

(3) G. PAPILLAULT, Mode de croissance chez un géant. Bull. de la Soc, d'Anthropologie, 1er juin 1899.

avons faites de notre côté; elles montrent, en effet, les modifications qui se sont succédé et permettent de suivre notre géant pendant une phase assez longue de son existence.

L'observation, recueillie par Capitan, a été résumée par lui de la façon suivante :

« CHARLES F., fondeur en cuivre, âgé de 21 ans, mesurant 1,86 et pesant 85 kilogrammes, est le 17 enfant de 20. Il fut admis en août à la salle Piorry pour des douleurs dans les jambes.

« Antécédents héréditaires (1). — Père. Lutteur de foire, mort à l'âge de 48 ans, assassiné; petit de taille, mais extrêmement fort. Il n'avait que 1,49 de taille mais pesait 98,500. Il s'adonnait à la boisson.

« Mère. Vivante; a 44 ans et pèse 90 kilogrammes, constitution très forte, petite de taille, nerveuse.

Frères et sœurs. CHARLES a 10 frères et 9 sœurs, tous vivants et en excellente santé, tous petits de taille. Il y a 7 filles et 9 garçons qui sont mariés. Les 7 filles ont mis au monde 9 garçons et 2 filles. Les 9 garçons ont mis au monde 8 filles et 9 garçons. Au dire du malade, cette nombreuse famille jouit d'une santé parfaite.

« Antécédents personnels. A 9 ans, notre sujet a la fièvre typhoïde et la petite vérole. Il entre pour se faire soigner à l'hôpital Trousseau et il y reste 15 mois. De sa douzième jusqu'à sa seizième année, il souffre pendant chaque hiver d'un eczéma. A l'âge de 16 ans, il entre pour se faire soigner à Saint-Louis. Après un séjour de 5 mois dans ledit hôpital, il en sort guéri.

A 19 ans, il prend une chaudepisse qu'il guérit au bout de 2 mois. Jusqu'à l'âge de 18 ans, sa croissance est normale. Il présente la taille et l'aspect d'un jeune homme de taille ordinaire. A 18 ans, une croissance subite commence et débute par des douleurs excessives dans tous les membres, douleurs qui le mettent au lit pendant 5 mois. Durant ce temps, il grandit très rapidement et, quand il se releva, sa taille avait augmenté d'environ 30 centimètres. Depuis lors, il continual à grandir et il grandit encore.

Actuellement c'est un grand garçon dont nous ne décrirons pas la conformation générale nettement indiquée sur les figures ci-dessus (fig. 2 et 3). Mais ce qui frappe surtout, c'est l'aspect absolument infantile de la face, complètement imberbe, et qui est plutôt celle d'un gamin que celle d'un jeune homme. Ses membres sont assez grêles, son bassin à type féminin, ses seins assez développés. Il a une absence complète de système pileux, mème au pubis. Les organes génitaux sont normaux mais peu développés, ce sont ceux d'un jeune homme de 14 à 15 ans. Il n'existe pas chez lui de stigmates hystériques. A noter cependant une hyperesthésie surtout marquée aux membres inférieurs. Au

(1) Tous les renseignements sur les antécédents et la famille du malade nous ont été fournis exclusivement par lui (CAPITAN).

dynamomètre, malgré tous ses efforts, il ne peut donner que 38 à droite et 55 à gauche. En somme, on dirait d'un gamin démesurément agrandi, surtout en hauteur.

L'analyse morale de ce sujet est assez difficile. Il est bavard, vantard et cherche à vous tromper. D'une façon générale, son individualité psychique ressemble à son organisme physique. C'est à ce point de vue également un gamin, mais un gamin méchant, vantard, orgueilleux, débauché et brutal. Faisant parade de sa force physique qu'il dit considérable (nous avons vu ce qu'il donne au dynamometre), racontant volontiers ses exploits génitaux, ses batailles. Il semble d'ailleurs complètement manquer de sens moral. Avec cela son intelligence paraît assez bornée, au moins pour les faits d'ordre un peu élevé. Il ne sait ni lire, ni écrire. Il a pourtant cette facilité d'élocution de l'ouvrier parisien et une certaine intelligence pratique d'ordre matériel. Il fait fréquemment des excès alcooliques (1).

En somme, chez ce sujet, il y a une sorte de développement excessif, suivant ses divers diamètres, pourrait-on dire. Il est resté au physique comme au moral ce qu'il était avant cette poussée. Il s'est simplement agrandi. C'est un jeune adolescent vu à travers un verre grossissant, mais fixé au point où il était avant de grandir et ne se différenciant en rien aujourd'hui qu'il a 21 ans, sauf par sa taille, de ce qu'il était à 17 ans. Aussi pourrait-on dénommer ce cas, d'une façon juste quoique paradoxale dans la forme un cas d'arrêt de développement par gigantisme. »

J. Lucas-Championnière avait accompagné sa présentation à l'Académie de Médecine de la note suivante :

« Le sujet que je présente est âgé de 27 ans et sa taille mesure 2,02. Cet homme est vigoureux, bien constitué. Actuellement, il est dans un état de fatigue et de dépression qui, joints à une difformité du genou gauche, ne lui permettent pas de se tenir sur ses jambes sans béquilles. Mais le développement de son système musculaire est assez considérable pour lui permettre de se livrer comme bateleur à des exercices de force. C'est ainsi qu'il brise une bouteille de verre entre ses mains.

((

« Ce garçon a fait, à 20 ans, son service militaire. Il était entré avec la taille de 1,89. Il quitta le régiment au bout de trois ans avec une taille de 1,94.

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Depuis, il n'a cessé de grandir. Il a aujourd'hui, à 27 ans,

(1) CAPITAN a d'ailleurs étudié ce sujet au point de vue psychologique dans un travail paru dans la Revue de l'École d'Anthropologie en 1895 et intitulé : Contribution à l'étude de l'influence physique et morale du milieu social sur les sujets atteints d'arrêt de développement.

2,02 et il semble bien que sa taille progresse toujours. Il est du reste le fils d'un géant, dont la taille était, dit-il, de 2,32 et il espère arriver à une taille considérable du même genre.

« J'ai vu cet homme, pour la première fois, au mois d'août de l'année dernière. Il était entré dans mon service de l'hôpital pour une entorse de l'articulation tibio-tarsienne gauche qu'il s'était faite sans avoir exécuté un mouvement bien violent. On conçoit, à cause de l'immense longueur du levier que représente le membre inférieur, la facilité qu'un tel sujet doit avoir à se faire de ces sortes de lésions.

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Ayant eu l'occasion à cette époque de l'étudier attentivement, je pus constater que la jambe malade était parfaitement droite.

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Depuis cette époque, le sujet a pati, il a été constamment. souffrant et il a grandi de plus d'un centimètre. En même temps, il a souffert de douleurs dans les cuisses et juste au niveau des condyles du fémur, surtout à gauche.

«Il s'est présenté à moi récemment à l'Hôtel-Dieu et j'ai pu constater qu'il s'est développé au niveau de ce genou gauche un genu valgum, qui n'est pas encore très accentué, mais qui, cependant, donne lieu à une déformation très netie.

« Ce genu valgum a tous les caractères ordinaires de cette déformation et il disparaît lors de la flexion du membre.

«La formation de ce genu valgum a accompagné la poussée de grandissement récemment caractérisée, elle paraît s'accentuer.

«Elle s'est accompagnée d'un état de faiblesse et de malaise très marqué. Le sujet ne doute pas que, dans ces conditions, son grandissement ne continue, comme il l'observe depuis plusieurs années.

«On peut voir que ce sujet, lors de cet accroissement tardif et anormal, présente des phénomènes tout à fait analogues à ceux qu'on observe chez les jeunes sujets qui grandissent rapidement aux époques normales de l'accroissement.

<< Aussi le grandissement se fait chez lui toujours par poussées successives.

«Chez le géant, comme chez le jeune sujet, l'accroissement n'est pas le résultat d'un allongement régulier et continu du squelette. L'accroissement se fait par périodes intermittentes.

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