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ne considérons que les faits dont nous pouvons fournir la preuve; on voit à chaque pas les sources où nous avons puisé. Les doctrines que nous analysons peuvent se vérifier dans des ouvrages qui existent : nous n'écartons que les longueurs et les inutilités; nous épargnons aux astronomes un tems dont ils peuvent faire un beaucoup meilleur usage; et en leur présentant sous une forme plus abrégée et beaucoup plus commode, tout ce qui peut résulter d'instruction de la lecture d'un grand nombre de volumes, nous avons desiré que cette instruction ne leur coûtât jamais que ce qu'elle pourra valoir.

Nota. Cette première partie a été lue dans l'assemblée publique de l'Académie royale des Sciences, le 17 mars 1817.

SECONDE PARTIE.

Nous croyons avoir suffisamment démontré, dans le cours de notre Histoire, qu'à la réserve du gnomon, connu depuis long-tems des Chinois, tous les instrumens astronomiques sont des inventions des Grecs. Nul autre peuple plus ancien n'a produit aucun observateur qui méritât véritablement ce nom. Nous pouvons ajouter que chez les Grecs mêmes, les vrais observateurs ont été peu nombreux. Le premier instrument dont il soit fait mention est l'héliomètre, que Méton posa publiquement et consacra dans Athènes. Nous n'en connaissons. bien précisément ni la grandeur ni les usages. Mais de toutes les observations de Méton, on ne cite que des solstices. Il se peut donc que son héliomètre ne fùt qu'un gnomon destiné à mesurer les ombres solsticiales. Eratosthène fit placer à Alexandrie des armilles équatoriales; ce fait est certain. On ne voit pas aussi clairement qu'il y ait aussi fait placer l'armille solsticiale; mais on peut conjecturer avec quelque vraisemblance, qu'elle fut employée par Timocharis et Aristylle, dont nous avons quelques déclinaisons d'étoiles. Il est assez naturel de croire que c'est à l'armille solsticiale qu'il a mesuré les deux distances d'où il a conclu l'obliquité de l'écliptique et le degré du méridien (voyez le chap. d'Ératosthène, tome I, p. 86). Mais depuis Timocharis jusqu'au tems d'Hipparque, on ne trouve aucune observation qui exige aucun instrument d'une forme quelconque. Il paraît même qu'Eratosthène ne fit pas un usage bien fréquent des armilles qu'il avait inventées. On ne rapporte de lui aucun équinoxe, ni le tems d'aucun solstice. Il n'a donc

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

PREMIÈRE PARTIE.

Nous avons déjà plusieurs histoires de l'Astronomie, les unes géné

rales et les autres particulières, mais toutes plus ou moins incomplètes. Celle de Weidler, publiée en 1741, est une nomenclature des astronomes de tous les âges et de tous les pays. On y trouve les dates de leurs naissances et de leurs morts, et la liste de tous leurs ouvrages. C'est un répertoire très-bien fait, très-bon à consulter, mais il ne fait qu'indiquer les livres qu'un astronome peut avoir intérêt d'étudier.

Celle de Bailly, beaucoup plus célèbre et plus étendue qu'aucune autre, a été entreprise dans l'intention de prouver aux gens de lettres et aux gens du monde, l'importance et l'utilité de l'Astronomie; de tracer le tableau de ses phénomènes les plus imposans; de donner une idée des travaux et des découvertes principales des Hipparque, des Ptolémée, des Copernic et des Képler, et de tant d'autres savans illustres que les lecteurs, pour la plupart, sont réduits à n'estimer que sur parole. Cette histoire est terminée par des discours éloquens et pleins d'intérêt, où l'auteur a fait l'exposé des dernières découvertes, des progrès successifs de l'Astronomie, de ce qu'elle peut laisser encore à desirer, enfin de ce qu'on peut espérer du tems et des efforts du génie.

C'est dans ces discours principalement et dans quelques digressions semées dans le cours de l'ouvrage, que l'auteur a fait preuve d'un grand talent. C'est-là qu'on rencontre ces deux beaux portraits de l'astronome et du géomètre, portraits qu'il avait dessinés d'après nature, et dont ses deux maîtres, La Caille et Clairaut, avaient fourni les traits les plus saillans. En tout tems ces discours seront lus avec plaisir et avec fruit; on n'y aperçoit aucune trace des hypothèses favorites de l'auteur; il n'y parle qu'en passant de ce peuple ancien qui nous a tout appris, excepté son nom et son existence (1). Au contraire, en remontant de nos jours aux tems les plus anciens, Bailly trouve d'abord une Astronomie

(1) Les mots soulignés sont de d'Alembert. Voici comment il s'exprime au tome II de sa Correspondance avec Voltaire, pag. 259.

« Le rêve de Bailly, sur ce peuple ancien, qui nous a tout appris, excepté son nom » et son existence, me paraît un des plus creux qu'on ait jamais eus; mais cela est bon

a

perfectionnée par l'analyse; puis une Astronomie déjà singulièrement améliorée par l'invention du télescope; plus loin, une Astronomie fondée sur la Géométrie plus élémentaire, et sur l'usage des instrumens propres à la mesure des angles; enfin, dans l'antiquité, une Astronomie qui ne suppose que des yeux, de l'attention, de la patience et du tems. D'après cette division si naturelle et si juste, Bailly n'avait aucun besoin de recourir à la supposition gratuite d'un peuple perdu, qui avait tout inventé, tout perfectionné, et duquel il ne reste que des notions éparses, dont les unes se retrouvent chez les Chinois, d'autres chez les Indiens ou les Chaldéens, qui n'en ont connu ni la valeur ni l'origine, notions qui enfin ont pénétré dans la Grèce.

Est-il bien vrai que ces notions supposent une Astronomie perfeotionnée? Au reste, il ne faut pas se tromper sur le sens de ce mot. Jamais Bailly n'a osé assurer que son peuple eût connu le télescope, ni sondé les profondeurs de l'Analyse; ce qu'il a dû entendre, c'est uniquement une Astronomie qui avait su tirer un parti avantageux de quelques théorèmes de Géométrie élémentaire, et qui s'était aidée de quelques instrumens, tels que l'astrolabe d'Hipparque, les armilles d'Eratosthène et le quart de cercle de Ptolémée. Mais tant de secours sont-ils véritablement nécessaires pour rendre raison de quelques périodes imparfaites, ou de quelques idées qui ont pu naître tout naturellement et sans aucune communication, chez tous les peuples qui ont eu, dans tous les tems, un intérêt presque égal de connaître la véritable longueur de l'année, la succession des saisons et l'ordre dans lequel elles doivent ramener les travaux de l'agriculture et les époques favorables à la navigation ?

Pour répondre à cette question, qui n'est nullement difficile, il nous a suffi de remonter aux sources, et de consulter, dans leur langue, les historiens et les philosophes qui nous ont transmis ces notions vagues. Que nous ont rapporté Platon et Eudoxe de leurs voyages en Égypte ? qu'ont-ils pu apprendre de ces prêtres à qui Thales avait montré comment on pouvait mesurer la hauteur des pyramides par la longueur de leurs ombres? Une année de 365 jours d'abord, et puis de 365 jours et six heures, avec l'idée du zodiaque incliné de 24° sur l'équateur.

Dès les premiers vers de son poëme, Manéthon nous annonce qu'il va démontrer à l'univers les hautes connaissances du peuple qui ha

n, à faire des phrases... J'aime mieux dire avec Boileau, en philosophie comme en poésie, » Rien n'est beau que le vrai. » Voyez aussi la pag. 296 du même volume.

bite les plaines sacrées de l'Égypte. Mais que voyons-nous dans ce poëme? Un éloge emphatique d'un Pétosiris et d'un Nécepsos, qu'il vante sans indiquer un seul de leurs travaux ; une imitation servile du poëme d'Aratus et toutes les rêveries de l'Astrologie judiciaire.

Les prêtres d'Égypte apprennent à Hérodote que le Soleil a quatre fois changé son cours, que deux fois il s'est levé où il se couche, et couché où il se lève. Ces prêtres étaient très-mystérieux, ce qui convient fort à l'ignorance et au charlatanisme. Aussi n'est-ce point à ce peuple si peu communicatif que Bailly fait honneur de son Astronomie perfectionnée. Il serait presque tenté de l'attribuer aux patriarches. Sur la foi de l'historien Josephe, il leur donne une grande année de 600 ans, que de son autorité il transforme en une période lunisolaire qui appar¬ tiendrait bien plutôt aux Égyptiens, lesquels auraient pu la tirer de la Chaldée, ou la trouver eux-mêmes sans être plus habiles que nous ne le supposons. Ce qu'on appelle grande année, c'est la période qui ramène toutes les planètes à un même point du ciel.

Que trouvons-nous chez les Chaldéens ? Quelques observations grossières d'éclipses dont les quantités sont marquées en moitié ou quarts du diamètre, et les tems sont donnés en heures sans fraction, ou rarement avec une fraction qui n'est jamais au-dessous d'un quart.

Diodore de Sicile nous dit que les prêtres de Bélus observaient assidûment les levers et les couchers des astres du haut de leur tour. On ajoute qu'ils ont réuni des séries d'éclipses qui embrassent plusieurs siècles; Simplicius, commentateur d'Aristote, nous rapporte que ces éclipses sont celles des 1903 années qui ont précédé la conquête d'Alexandre, et que Callisthène les avait envoyées à Aristote. Mais ce philosophe n'en fait aucune mention dans aucun de ses ouvrages existans, ni même dans aucun des ouvrages lus par Simplicius, puisque ce commentateur ne nous donne l'anecdote que sur l'autorité d'un Porphyre dont l'ouvrage est perdu, et que ceux qui nous ont parlé des liaisons et de la correspondance d'Aristote et de Callisthène, ne font pas la moindre mention de ces éclipses, Ptolémée nous dit bien que des éclipses ont été apportées de Babylone; il en calcule plusieurs, mais la première ne remonte qu'à l'an 720 avant notre ère, c'est-à-dire à l'an 26 de Nabonassar; s'il en avait eu de plus anciennes, il n'eût pas manqué de s'en servir pour la détermination du mouvement de la Lune; et une preuve assez bonne qu'il n'en avait pas, c'est qu'il a pris pour époque de ses Tables, la première année de Nabonassar. Son intention était que ses

Tables servissent au calcul de toutes les éclipses, tant passées que futures; il ne connaissait donc très-probablement aucune observation plus ancienne que Nabonassar.

Ce qui est sorti de plus ingénieux de l'école chaldéenne; c'est sans aucun doute l'hémisphère creux de Bérose, le premier et le plus répandu des cadrans solaires, et le premier fondement de la Gnomonique. Mais ce cadran ne suppose d'autre connaissance que la forme et le mouvement sphériques du ciel, et nous ne voyons en ces notions aucun moyen pour arriver à une Astronomie perfectionnée.

Les Chaldéens, observateurs assidus de tous les phénomènes, ont eu plusieurs périodes. On parle de leur saros, de leur néros et de leur sossos, sans bien savoir ce que ce pouvoit être. On croit avec quelque vraisemblance que l'une de ces périodes pouvait être le cycle de 19 ans que Méton trouva depuis à Athènes, où il n'est aucun besoin qu'il eût été apporté de Chaldée. Géminus, dans ses Élémens d'Astronomie, nous a montré par quels essais successifs les Grecs étaient arrivés à cette période que Calippe a depuis perfectionnée en la quadruplant. Censorinus s'explique à peu près comme Géminus.

Apollonius Myndien attribue aux Chaldéens des idées fort saines sur les comètes, qu'ils regardaient comme des planètes qui ne sont visibles que dans une partie de leurs révolutions, et reparaissent à certains intervalles. Ce ne serait encore qu'une conjecture raisonnable, puisqu'on ne l'appuyait d'aucune observation; mais Epigène, autre disciple de ces mêmes Chaldéens, nous assure qu'ils regardaient les comètes comme des vapeurs amassées momentanément dans l'atmosphère; on ajoute qu'ils prédisaient l'avenir par les mouvemens des astres. Jugeons de leurs connaissances par ce trait et par l'explication que Bérose donne des éclipses. Suivant ce chaldéen célèbre, la Lune tourne vers nous momentanément la partie qui n'est pas de feu. Suivant d'autres notions apportées en Grèce, la Lune et le Soleil sont des feux qui parcourent les espaces célestes dans des chars fermés. Un côté seulement est ouvert d'un trou rond. Si par hasard l'ouverture vient à se fermer ou à se rétrécir, nous observons une éclipse totale ou partielle.

Voilà donc quel était l'état de la science chez ces Chaldéens et ces Égyptiens si vantés. Nous ne parlons pas encore des Chinois et des Indiens, dont les écrits nous ont été connus si tard, que nous ne trouverons pas mieux instruits, ou qui ne l'ont été que dans des tems bien postérieurs aux écrits des Grecs et même à ceux des Arabes formés à l'école des Grecs.

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