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qu'Hipparque s'appliqua aux observations à Rhodes, vers l'an 600 de Nabonassar; et Ptolémée nous prouve qu'il y demeurait en 619 et 620.

Malgré toutes ces raisons et tous ces témoignages, on paraît persuadé généralement qu'Hipparque observait à Alexandrie. Cette opinion est celle de Flamsteed, dans ses Prolégomènes, et celle de Cassini, dans ses Élémens d'Astronomie; elle a été adoptée depuis par tous les auteurs, dont aucun n'a pris la peine de la discuter.

Le séjour d'Hipparque à Alexandrie n'est pourtant affirmé nulle part. Il ne peut se conclure que du rapprochement de quelques passages; et ce genre de preuves est un peu moins sûr. Il ne suffit pas de montrer que ces passages peuvent en effet s'interprêter de cette manière; il ne suffit pas même que cette manière soit la plus naturelle, il faut prouver qu'elle est la scule; sans quoi l'on n'aura que des probabilités plus ou moins fortes, on n'aura aucune démonstration réelle. Il n'est pas sans exemple que, d'une page à l'autre, un auteur soit un peu en contradiction avec lui-même, et qu'il s'exprime d'une manière un peu vague ou irréfléchie, à laquelle on peut donner une interprétation qu'il n'a pas prévue. Rien ne peut valoir une assertion claire et positive comme nous en avons pour le séjour d'Hipparque en Bythinie, d'abord, et puis à Rhodes.

Examinons les passages où il est question des recherches d'Hipparque. Nous voyons, au livre III de la Syntaxe, qu'Hipparque a rapporté toutes les observations qui lui ont paru faites avec soin, tant des solstices d'été que des solstices d'hiver. Il ne désigne ni le lieu ni l'observateur, Les observations lui ont paru faites avec soin; rien de plus. L'inégalité qu'il soupçonnait dans la longueur de l'année peut se reconnaître par les observations faites à Alexandrie au cercle de cuivre placé dans le portique carré. Ce cercle paraît désigner le moment de l'équinoxe, au jour où la surface concave commence à étre éclairée de l'autre côté.

D'abord, ces mots pourraient être simplement un avis donné aux astronomes d'Alexandrie, de vérifier chez eux les observations qu'il avait lui-même faites à Rhodes, avec un instrument différent, peut-être à une armille solsticiale qui pouvait lui donner l'instant de l'équinoxe par le progrès diurne des déclinaisons, après qu'il eut déterminé la hauteur de l'équateur par les deux solstices. Un cercle d'un pied ou deux de diamètre placé dans le méridien, n'est pas un instrument bien coûteux; et l'on peut soupçonner qu'Hipparque en avait un, puisqu'il a observé des déclinaisons. Peut-être avait-il l'équatorial indiqué par Géminus, qui était

de Rhodes, et cite les travaux d'Hipparque. Remarquons, en outre, que ces expressions, ce cercle paraît désigner, etc., ne sont pas trop d'un homme qui a lui-même observé avec l'instrument dont il parle; elles seraient plutôt celles d'un homme qui discute une observation faite avec un instrument qu'il n'a jamais vu.

εν

Il rapporte ensuite les tems des équinoxes le plus exactement observés. Il ne nomme encore personne. Ce sont les équinoxes d'automne des années 17, 20, 21, 32, 33 et 36 de la 3o période callipique. Il rapporte de même comme les mieux observés, les équinoxes du printems, et d'abord celui de la 32 année, où, dit-il, le cercle d'Alexandrie parut également éclairé sur ses deux bords, une première fois au commencement du jour, et ensuite vers la cinquième heure. Le cercle qui est à Alexandrie, κρίκος ὁ ἐν ̓Αλεξανδρείᾳ, ne parait pas encore d'un homme qui habitât pour le moment Alexandrie. Il ne dit pas me parut, mais simplement parut. Un équinoxe observé deux fois en un jour, à cinq heures de distance, ne peut guère être mis au rang des équinoxes les plus sûrs. Il est donc très-probable qu'Hipparque ayant observé de son côté cet équinoxe à Rhodes, d'une manière moins douteuse, ne s'est point servi de l'observation d'Alexandrie, et que seulement il nous avertit que cet équinoxe est le même qui avait paru si douteux à Alexandrie; et cette remarque ne servirait qu'à prouver quelle est l'incertitude de ces observations. Hipparque dit qu'il a été observé le matin; ainsi l'armille solsticiale n'aurait pu le donner directement. La veille, la déclinaison lui aura paru 18' australe, et le jour même de 6' boréale; d'où il aura conclu l'équinoxe 18 après le premier midi, et 6 avant le second. Parlant ensuite de l'équinoxe de l'an 43, il dit qu'il s'accorde parfaitement avec l'équinoxe de l'an 32. Mais cinq heures d'incertitude réparties sur un espace de onze ans, produiraient une erreur de 27 sur la longueur de l'année, c'est-à-dire presque de jour; et Hipparque cherche à prouver que l'année est de 365— de jour, L'équinoxe qu'il emploie ici n'est donc pas celui d'Alexandric.

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Ptolémée, en rapportant ces passages d'un ouvrage d'Hipparque, ajoute, en parlant du double équinoxe de l'an 32, qu'il a observé lui-même quelque chose de semblable, au plus grand cercle qui est chez nous dans la palestre, a huïv. Ces derniers mots conviennent bien à Ptolémée; ils prouvent qu'il habitait Alexandrie. Hipparque dit, au contraire, le cercle qui est à Alexandrie, ce qui lui convient pareillement s'il habitait Rhodes.

Plus loin, on voit qu'en l'an 32, par une éclipse qu'il vient de rapporter, Hipparque trouva l'Épi éloigné de l'équinoxe de 6°. Cette observation appartient sûrement à Hipparque; elle est une de celles qui l'ont conduit à la découverte de la précession. Hipparque avait donc dès-lors, très-probablement, son astrolabe, pour mesurer cette distance.

Jusqu'ici, rien ne prouve le moins du monde qu'Hipparque ait été à Alexandrie. Voici un passage que j'avais d'abord cru beaucoup plus formel, et par là plus embarrassant. Après l'énumération de tous ces équinoxes rapportés et calculés par Hipparque, Ptolémée reprend en ces termes : Nous nous sommes servis des observations désignées par Hipparque, comme de celles qui ont été faites PAR LUI de la manière la plus sûre. En admettant que l'équinoxe de l'an 32 eût été celui d'Alexandrie, et qu'il eût été observé par Hipparque, il en résultait invinciblement qu'Hipparque, en l'an 32, était à Alexandrie. Mais s'il l'a observé de son côté, s'il le donne comme sûr, et comme parfaitement d'accord avec tous les équinoxes précédens et suivans, depuis 32 jusqu'en 50, alors toute difficulté disparaît; les mots in avrou, par lui, n'impliquent aucune contradiction. Hipparque aura observé tout ses équinoxes, ses solstices, ses distances de l'Épi, à Rhodes, avec l'astrolabe qu'il y possédait certainement dans les années 619 et 620. Il aura été fixé à Rhodes dès l'an 586; il y sera ensuite resté toute sa vie; jamais il n'aura vu Alexandrie. On l'aura appelé Bythinien ou Rhodien, suivant l'époque de sa vie que l'on considérait. Si Ptolémée ne parle de Rhodes qu'en 619 et 620, c'est qu'alors il y avait une parallaxe à calculer, et que cette parallaxe dépend de la latitude aussi bien que de la longitude du lieu. Partout ailleurs, Ptolémée supprime la mention du lieu, parce qu'il supposait Rhodes et Alexandrie sous le même méridien; que l'heure de Rhodes et celle d'Alexandrie étaient exactement la même. Je n'avais pas aperçu d'abord cette solution si simple. Je croyais l'équinoxe double observé par Hipparque; je voyais qu'il avait été observé à Alexandrie. Je ne voyais d'autre moyen de sortir de cet embarras qu'en disant que les deux mots in durou étaient une interpolation; et je les supprimais comme inutiles. Je ne remarquais pas la contradiction palpable qu'il y avait à mettre au nombre des équinoxes les plus sûrs, celui où l'on avouait une incertitude de 5'; tandis qu'Hipparque témoigne peu de confiance aux solstices, parce qu'on peut s'y trom

per de 64.

La question paraît donc décidée enfin; mais quand elle ne le serait

pas; quand il faudrait admettre qu'Hipparque, sortant de Bythinie, se serait arrêté quelques années à Alexandrie avant de se fixer à Rhodes, il n'en résulterait absolument rien pour le peu d'observations qui nous ont été transmises, puisque le méridien est le même.

Après cette question, qui pouvait paraître oiseuse et sans utilité réelle, il s'en présente une autre qui est d'une toute autre importance. Ptolémée a-t-il observé? Les observations qu'il nous dit avoir faites ne seraientelles pas des calculs sur les Tables, et des exemples qui lui servent à mieux faire comprendre ses théories? Quelle que puisse être notre opinion sur une question assez singulière pour paraître paradoxale, nous allons exposer avec impartialité tout ce qu'on peut dire pour et contre.

S'il fallait s'en rapporter à ses témoignages répétés, il n'y aurait nul doute. Il nous dit (ci-après, tome II, p. 74): E'τnpouμer, nous avons observé; l'extrémité des gnomons nous a montré. Il ajoute aussitôt, qu'il a rendu l'observation plus commode, en imaginant un instrument nouveau dont il nous enseigne la construction, sans nous apprendre si celui qu'il avait était de bois ou de pierre, et quel en était le rayon. Il ne rapporte aucune observation; tout ce qu'il dit, c'est que la distance des tropiques lui a toujours paru entre 47°3 et 47° 3, ce qui differe peu de la distance trouvée par Ératosthène, et adoptée par Hipparque. Si ces observations sont réelles, comment a-t-il pu se faire que Ptolémée ait pu se tromper de 15' sur la hauteur de l'équateur, avec un instrument qui donnait la hauteur du centre du Soleil, et non celle du bord supérieur, que le gnomon cût indiquée nécessairement.

Au chap. 3 du premier livre de la Géographie, il nous dit qu'avec un instrument propre à mesurer les hauteurs, et qui doit être le même que son quart de cercle, il a pris la hauteur du pôle en deux lieux différens, l'azimut de l'un de ces lieux sur l'horizon de l'autre, et qu'il en a conclu la grandeur du degré et celle de la circonférence de la Terre. Mais il se garde bien de désigner les lieux où il avait fait ces observations, de nous donner ces hauteurs du pôle et cet, azimut. Il garde le silence sur la manière dont il s'y est pris pour déterminer cet azimut, quoique cette observation soit la seule de ce genre dont il parle dans ses divers ouvrages. Enfin, il ne nous donne ni l'amplitude de l'arc mesuré, ni la grandeur du degré qu'il en a tirée. Est-ce ainsi qu'on rendrait compte d'opérations si neuves et si importantes, si elles étaient réelles?

Au chap. 7, il nous apprend que Marin de Tyr donnait cinq cents stades au degré. Il ne parle ni des six cent soixante-six stades de Posidonius, ni des sept cents d'Eratosthène.

Toutes ces assertions sont encore bien plus vagues que celles de la Syntaxe. On a droit de trouver ces réticences bien singulières; car les observateurs attachent ordinairement trop de prix à leurs observations, pour résister au desir qu'ils ont d'entrer dans des détails que trop sou> vent nous avons à regretter de ne pas trouver chez Ptolémée.

Nous venons de voir qu'il a comparé ses équinoxes et ses solstices à ceux d'Hipparque et de Méton. Il semble qu'il n'y ait rien à opposer à des assertions si positives et si détaillées; et jamais il ne se serait élevé le moindre doute à cet égard, si ces équinoxes, comparés à ceux des modernes, ne donnaient à l'année une longueur qu'il est impossible d'admettre. Tout s'explique, si ces équinoxes sont des calculs donnés pour des observations réelles. Ptolémée, en calculant ces équinoxes par les Tables d'Hipparque, a dû y commettre des erreurs; car les mouvemens annuels des Tables sont trop faibles de 16", qui produisent un jour et quelques heures. Or, Ptolémée s'est trompé d'un jour sur ses deux premiers équinoxes; le troisième ne va pas aussi mal, peut-être par une faute de calcul. On en a conclu, avec beaucoup de vraisemblance, que ces équinoxes sont supposés. L'argument est pressant; et l'on ne voit pas ce qu'on pourrait y répondre,

Au livre III, chap. 4, il rapporte les intervalles qu'il a trouvés entre les équinoxes et les solstices; il s'en sert pour calculer, par la méthode 'Hipparque, l'excentricité et le lieu de l'apogée, Il trouve, pour ces intervalles, les mêmes quantités qu'Hipparque; ce qui est tout simple, si ses équinoxes et ses solstices sont des calculs faits sur les Tables d'Hipparque. Mais cet accord sera difficile à concevoir, si ce sont des observations réelles, et si l'on songe que les observations des équinoxes, de l'aveu même de Ptolémée, peuvent être en erreur de 6, et que les solstices peuvent avoir une erreur double ou quadruple.

Il suffirait de cette remarque pour rendre ses équinoxes et ses solstices plus que suspects. Avec des données identiques, il a dû retrouver pour l'apogée et l'excentricité, les deux quantités d'Hipparque; mais avec des observations réelles, cette conformité devient comme impossible, puisque l'excentricité d'Hipparque est beaucoup trop forte.

Au livre IV, il rapporte trois éclipses qu'il a observées lui-même. La première est totale; il n'en donne ni le commencement ni la fin. I calcule que le milieu est arrivé trois quarts d'heure avant minuit. Le milieu entre les deux observations ne lui donne que des quarts; les ob¬ servations étaient donc marquées en quarts d'heure tout au plus,

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