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L'ardeur de s'enrichir chassa la bonne foi:

Le courtisan n'eut plus de sentiments à soi.
Tout ne fut plus que fard, qu'erreur, que tromperie :
On vit par-tout régner la basse flatterie.

Le Parnasse sur-tout, fécond en imposteurs,
Diffama le papier par ses propos menteurs(1).
De là vint cet amas d'ouvrages mercenaires,
Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,
Où toujours le héros passe pour sans pareil,
Et, fût-il louche ou borgne, est réputé soleil [a].

Ne crois pas toutefois, sur ce discours bizarre,
Que, d'un frivole encens malignement avare,
J'en veuille sans raison frustrer tout l'univers.
La louange agréable est l'ame des beaux vers:
Mais je tiens, comme toi, qu'il faut qu'elle soit vraie,

Et

que son tour adroit n'ait rien qui nous effraié.

Alors, comme j'ai dit, tu la sais écouter,

Et sans crainte à tes yeux on pourroit t'exalter.
Mais sans t'aller chercher des vertus dans les nues,
Il faudroit peindre en toi des vérités connues:

rapporté dans les notes de la satire X, tome I, page 285, note a.
(1)... Le mensonge déshonore tout, jusqu'au papier. ( Le Brun.)
[a] Le surintendant des finances Abel Servien, marquis de Sa-
blé, etc., n'avoit qu'un œil. Ménage, dans l'églogue intitulée'
Christine, 1656, disoit pourtant de lui:

Le grand, l'illustre Abel, cet esprit sans pareil,
Plus clair, plus pénétrant que les traits du soleil,
Ce ministre fameux, dont le vaste domaine
Occupe tous les bords et de Sarthe et de Maine,
Qui du prince aujourd'hui dispense le trésor,
Nous promet en ces lieux les jours du siècle d'or.

Décrire ton esprit ami de la raison;

Ton ardeur pour ton roi, puisée en ta maison;
A servir ses desseins ta vigilance heureuse;
Ta probité sincère, utile, officieuse [a].

Tel, qui hait à se voir peint en de faux portraits;
Sans chagrin voit tracer ses véritables traits.
Condé même, Condé, ce héros formidable,

Et, non moins qu'aux Flamands, aux flatteurs redoutable (1),
Ne s'offenseroit pas si quelque adroit pinceau
Traçoit de ses exploits le fidéle tableau;

Et, dans Senef (2) en feu contemplant sa peinture,
Ne désavoueroit pas Malherbe ni Voiture (3).
Mais malheur au poëte insipide, odieux,
Qui viendroit le glacer d'un éloge ennuyeux!
Il auroit beau crier: « Premier prince du monde!

[a] Malgré cet hommage, qui paroît dicté par la vérité, Despréaux, si l'on s'en rapporte à Monchesnay, fit au marquis de Seignelay, un jour qu'il dinoit chez ce dernier, une réponse au moins très vigoureuse. Voyez le Bolæana, n. VII.

(1) Louis de Bourbon, prince de Condé, mort en 1686. (Despr., édit. de 1713.) * Surnommé le grand Condé.

(2) Combat fameux de monseigneur le Prince. (Despréaux, édit. de 1713.) Livré le 11 août 1674, contre les Allemands, les Espagnols et les Hollandois commandés par le prince d'Orange.

(3) Voici Voiture accolé à Malherbe; c'est sans doute pour la rime: car ce Voiture, ingénieux quelquefois et plus souvent maniéré, étoit peu propre à chanter les exploits du grand Condé « dans Senef « en feu. » ( Le Brun.)* Le ton de Voiture n'est point celui de Malherbe; tout le monde le sait : Despréaux ne pouvoit donc l'ignorer. Aussi veut-il parler sans doute de la manière noble, fine et plaisante dont il chanta les exploits du héros en 1645. Voyez le tome IV, page 12, note 1.

Courage sans pareil! lumière sans seconde (1)! » Ses vers, jetés d'abord sans tourner le feuillet, Iroient dans l'antichambre amuser Pacolet (2).

(1) Commencement du poëme de Charlemagne. (Despréaux, édit. de 1683.)* Voy. sur Le Laboureur, qui en est l'auteur, l'épître VIII, page 101, note 2.

(2) Fameux valet-de-pied de monseigneur le Prince. (Despréaux, édit. de 1683.) * Quand ce prince eut jeté les yeux sur le poëme de Charlemagne, qui lui est adressé, il le donna à Pacolet, suivant l'usage où il étoit de lui abandonner les livres qui l'ennuyoient.

Cette épître, critiquée injustement par Marmontel, est, suivant lui, la plus estimée de toutes celles de l'auteur [a]. Elle est, sans contredit, l'une des plus remarquables: on ne pouvoit pas développer en meilleurs vers un principe plus utile.

[a] Voyez la page 110, note a.

PRÉFACE [a].

Je ne sais si les trois [b] nouvelles épîtres que je donne ici au public auront beaucoup d'approbateurs; mais je sais bien que mes censeurs y trouveront abondamment de quoi exercer leur critique: car tout y est extrêmement hasardé. Dans le premier de ces trois ouvrages, sous prétexte de faire

[a] Les cahiers in-4° qui comprennent cette préface avec les trois dernières épîtres, du moins tous ceux que nous connoissons portent ce titre : Épîtres nouvelles du sieur D***. A Paris, chez Denys Thierry, rue Saint-Jacques, devant les Mathurins, à la ville de Paris, 1698. Nous ne doutons pas que cette édition ne soit la première, puisque le privilège est du 23 octobre 1697. Brossette fait remonter la publication de ces épîtres à l'année 1695, erreur évidente à nos yeux, et qui nous donne lieu de craindre que, malgré ses rapports avec le poëte, ce commentateur n'ait commis en ce genre d'autres méprises qu'il ne nous a pas été possible de démontrer également. Tous les éditeurs partagent son opinion, sans voir qu'elle est contredite par les dates de plusieurs lettres de la correspondance. Voy. le tome IV, depuis la page 296 jusqu'à la page 316. Racine remercie, le 20 janvier (1698) son ami, au nom de l'abbesse de Port-Royal, charmée de l'épitre de l'amour de Dieu.

Dans son catalogue des principales éditions des œuvres de Boileau, M. Daunou omet celle dont nous parlons, ou plutôt il la donne de la manière suivante, sous une date qui n'est pas la véritable: 1696. Épîtres nouvelles (X, XI, XII) du sieur D., Paris, Thierry, in-4°. Dans le même catalogue, on indique, sous la date de 1698, la publication de la satire XI, qui ne doit pas avoir eu lieu avant 1701. Voyez le tome Ier, page 329, note a.

[b] Les cahiers publiés séparément ên 1698 portent : « Si les trois « épîtres. . . . . »

le procès à mes derniers vers, je fais moi-même mon éloge, et n'oublie rien de ce qui peut être dit à mon avantage; dans le second, je m'entretiens avec mon jardinier de choses très basses et très petites; et dans le troisième, je décide hautement du plus grand et du plus important point de la religion, je veux dire de l'amour de Dieu. J'ouvre donc un beau champ à ces censeurs, pour attaquer en moi et le poëte orgueilleux, et le villageois grossier, et le théologien téméraire. Quelque fortes pourtant que soient leurs attaques, je doute qu'elles ébranlent la ferme résolution que j'ai prise il y a long-temps de ne rien répondre, au moins sur le ton sérieux, à tout ce qu'ils écriront contre moi.

A quoi bon en effet perdre inutilement du papier? Si mes épîtres sont mauvaises, tout ce que je dirai ne les fera pas trouver bonnes; et si elles sont bonnes, tout ce qu'ils diront ne les fera pas trouver mauvaises. Le public n'est pas un juge que l'on puisse corriger [a], ni qui se règle par les passions d'autrui. Tout ce bruit, tous ces écrits qui se font ordinairement contre des ouvrages où l'on court, ne servent qu'à y faire encore plus courir, et à en mieux marquer le mérite. Il est de l'essence d'un bon livre d'avoir des censeurs; et la plus grande disgrace qui puisse arriver à un écrit qu'on met au jour, ce n'est pas que beaucoup de gens en disent du mal, c'est que personne n'en dise rien.

Je me garderai donc bien de trouver mauvais qu'on attaque mes trois épîtres. Ce qu'il y a de certain, c'est que je les ai fort travaillées, et principalement celle de l'amour de Dieu, que j'ai retouchée plus d'une fois, et où j'avoue que j'ai employé tout le peu que je puis avoir d'esprit et de lumières. J'avois dessein d'abord de la donner toute

[a] Dans les cahiers de 1698, et dans l'édition de 1701, N'est pas un juge qu'on puisse corrompre, . . . »

on lit:

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