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Dans le calme odieux de sa sombre paresse,

Tous les honteux plaisirs, enfants de la mollesse,
Usurpant sur son ame un absolu pouvoir [a],
De monstrueux desirs le viennent émouvoir,
Irritent de ses sens la fureur endormie,
Et le font le jouet de leur triste infamie.
Puis sur leurs pas soudain arrivent les remords;
Et bientôt avec eux tous les fléaux du corps,
La pierre, la colique et les gouttes cruelles [b];

"

«ments, dit-il, pour obscurcir et embrouiller les plus simples notions! « Boileau veut montrer que le loisir d'un homme ennuyé est une rude fatigue et un pénible fardeau. Cette pensée est belle et forte : • pourquoi ? parcequ'il y a une opposition apparente entre l'oisiveté « et la fatigue, entre le loisir et l'action laborieuse d'un homme qui « porte un lourd fardeau. Tout ce qui contribue à rendre cette op« position plus sailiante, doit donc augmenter l'énergie de la pen«sée. Or tel est l'effet des accessoires de langueur et d'indolence. «Ils servent à faire mieux sentir l'espèce d'opposition qui paroît « être entre le loisir et la fatigue, et par là même en rendent le rap«prochement plus piquant: ainsi, dans ce morceau tout est essen« tiel; chaque mot tend à développer et à faire valoir la pensée du « dernier vers qui est admirable, au jugement même du censeur. » (Année littéraire, 1776, tome I, page 82.) Cet article, que nous aurons occasion de citer encore, est un de ceux où Geoffroy protesse les principes les plus sains en littérature.

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[b] Première manière :

La goutte aux doigts noués, la pierre, la gravelle,

D'ignorants médecins encor plus fâcheux qu'elle.

Le premier vers vaut mieux que celui qui le remplace; mais la nécessité de mettre les rimes au pluriel l'a fait changer.

Guenaud, Rainssant, Brayer(1), presque aussi tristes qu'elles, Chez l'indigne, mortel courent tous s'assembler,

De travaux douloureux le viennent accabler;

Sur le duvet d'un lit, théâtre de ses gênes,

Lui font scier des rocs, lui font fendre des chênes (2),

Et le mettent au point d'envier ton emploi.

Reconnois donc, Antoine, et conclus avec moi,

Que la pauvreté mâle, active et vigilante,
Est, parmi les travaux, moins lasse et plus contente
Que la richesse oisive au sein des voluptés.

Je te vais sur cela prouver deux vérités:
L'une, que le travail, aux hommes nécessaire,
Fait leur félicité plutôt que leur misère;

(1) Fameux médecins. (Despréaux, édit. de 1701.) * Ils étoient morts plusieurs années avant la composition de cette épître. Voyez sur le premier la satire VI, page 162, note 1 et sur le second la satire X, page 297, note a.

(2) Quand Boileau récita sa pièce à M. Daguesseau, cet avocatgénéral condamna absolument les métaphores de ce vers, comme trop hardies et trop violentes. Boileau lui répondit que si le vers n'étoit pas bon, il falloit brûler toute la pièce. Saint-Marc prétend qu'il ne falloit pas brúler la pièce, mais changer ce vers dont les métaphores sont si outrées qu'on ne les passeroit ni à Balzac ni à Brébeuf. Remarque d'un prosateur imbécile. Le vers est ce qu'il faut qu'il soit. Racine étoit loin de penser comme Saint-Marc. (Le Brun.) Il s'agit de Louis Racine, que Le Brun, dans sa jeunesse, avoit beaucoup connu, et dont l'autorité en poésie est d'un grand poids. Les métaphores qu'il approuvoit n'ont point une exagération ridicule; elles ont toute l'énergie qui convient au sujet, et qui doit d'autant mieux frapper Antoine, que les objets dont elles sont empruntées lui sont plus familiers.

Et l'autre, qu'il n'est point de coupable en repos[a].
C'est ce qu'il faut ici montrer en peu de mots.

Suis-moi donc. Mais je vois, sur ce début de prône,
Que ta bouche déja s'ouvre large d'une aune,

Et que, les yeux fermés, tu baisses le menton (1).
Ma foi, le plus sûr est de finir ce sermon.
Aussi bien j'aperçois ces melons qui t'attendent,
Et ces fleurs qui là-bas entre elles se demandent
S'il est fête au village, et pour quel saint nouveau
On les laisse aujourd'hui si long-temps manquer d'eau[b].

[a] Première manière :

Qu'en Dieu seul on trouve son repos.

Brossette indique cette leçon comme étant antérieure à l'impression. Il auroit dû faire la même remarque pour toutes les différentes leçons qu'il donne dans ses notes sur cette épître.

(1) L'auteur faisoit remarquer cette peinture naïve d'un homme qui s'endort. (Brossette. )

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<«< charmante; » mais il a tort d'ajouter: « Racine eût à peine égalé le « naturel et l'élégance de ces vers. » La dernière qualité n'est pas

d'ailleurs ce que l'on y remarque. Ils terminent la pièce par une saillie agréable, et qui naît du sujet, voilà leur mérite.

ÉPITRE XII.

SUR L'AMOUR DE Ddieu [a].

A M. L'ABBÉ RENAUDOT [b].

Docte abbé, tu dis vrai, l'homme, au crime attaché, En vain, sans aimer Dieu, croit sortir du péché.

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[a] « Long-temps avant la composition de cette pièce, écrit Despréaux à Brossette, j'étois fameux par les fréquentes disputes que «j'avois soutenues en plusieurs endroits, pour la défense du vrai « amour de Dieu, contre beaucoup de mauvais théologiens. De sorte « que me trouvant de loisir un carême, je ne crus pas pouvoir mieux employer ce loisir qu'à exprimer les bonnes pensées que j'avois là« dessus. » C'étoit, suivant Brossette, le carême de l'année 1695. Dans la correspondance de ce commentateur, on ne trouve ni ce fragment, ni la lettre du mois de novembre 1709, d'où il est extrait.

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Bayle, dans son dictionnaire, article Antoine Arnauld, dit que des amis de ce docteur ayant blámé l'apologie de la X satire de Despréaux, où il s'agit de romans, d'opéra, etc., ce dernier, pour montrer que la poésie n'est point un art frivole, résolut de composer sa XII épître. Cette particularité est également attestée par Brossette, dans son Bolæana, tome III, page 190. Il est facile de la concilier avec le fragment de lettre, où le poëte a pu ne pas donner tous les motifs qui l'avoient déterminé à traiter un pareil sujet.

Madame de Sévigné nous a peint une des fréquentes disputes que Despréaux soutint sur l'amour de Dieu. « A propos de Corbinelli, il « m'écrivit l'autre jour un fort joli billet, dit-elle, il me rendoit « compte d'une conversation et d'un dîner chez M. de Lamoignon: « les acteurs étoient les maîtres du logis, M. de Troyes, M. de Toulon, le père Bourdaloue, son compagnon, Despréaux et Corbi«nelli. On parla des ouvrages des anciens et des modernes : Des"préaux soutint les anciens, à la réserve d'un seul moderne qui sur

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Toutefois, n'en déplaise aux transports frénétiques

« passoit, à son goût, et les vieux et les nouveaux. Le compagnon

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du Bourdaloue qui faisoit l'entendu, et qui s'étoit attaché à Despréaux et à Corbinelli, lui demanda quel étoit donc ce livre si distingué dans son esprit? Despréaux ne voulut pas le nommer. Cor<«< binelli lui dit : Monsieur, je vous conjure de me le dire, afin « que je le lise toute la nuit. Despréaux lui répondit en riant: Ah! «< Monsieur, vous l'avez lu plus d'une fois, j'en suis assuré. Le jé« suite reprend avec un air dédaigneux, un cotal riso amaro, et « presse Despréaux de nommer cet auteur si merveilleux. Despréaux « lui dit : Mon père, ne me pressez point. Le père continue. Enfin, Despréaux le prend par le bras, et le serrant bien fort, lui dit : « Mon père, vous le voulez: hé bien! morbleu, c'est Pascal.

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Pascal, dit le père tout rouge, tout étonné, Pascal est beau autant « que le faux peut l'être. - Le faux, reprit Despréaux, le faux! Sa«< chez qu'il est aussi vrai qu'il est inimitable; on vient de le tra<«<duire en trois langues. - Le père répond : Il n'en est pas plus « vrai. Despréaux s'échauffe, et criant comme un fou: Quoi! « mon père, direz-vous qu'un des vôtres n'ait pas fait imprimer dans « un de ses livres, qu'un chrétien n'est pas obligé d'aimer Dieu ? Osez-vous dire que cela est faux ?— Monsieur, dit le père en fu«reur, il faut distinguer. - Distinguer, dit Despréaux, distinguer, « morbleu, distinguer! distinguer si nous sommes obligés d'aimer « Dieu! Et prenant Corbinelli par le bras, s'enfuit au bout de la chambre; puis revenant, et courant comme un forcené, il ne « voulut jamais se rapprocher du père, s'en alla rejoindre la com

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pagnie qui étoit demeurée dans la salle où l'on mange. Ici finit

« l'histoire, le rideau tombe. » (Lettre du 15 janvier 1690.)

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D'Alembert regarde le silence de Bourdaloue dans cette circon

stance, comme une approbation tacite des Provinciales; mais il oublie que le célèbre jésuite étoit demeuré dans la salle à manger avec la compagnie, tandis que, dans une chambre voisine, son compagnon se débattoit avec Despréaux, en présence de Corbinelli. (Voyez la note 35 sur l'éloge de Despréaux.)

[b] Eusèbe Renaudot, de l'académie françoise, de celle des inscrip

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