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donne au public. J'aurois bien voulu la lui donner achevée; mais des raisons très secrètes (1), et [a] dont le lecteur trouvera bon que je ne l'instruise pas, m'en ont empêché. Je ne me serois pourtant pas pressé de le donner

premiers chants; le poëme entier a douze cent vingt-huit vers.

(1) Ces raisons très secrètes sont que le poëme n'étoit pas encore achevé. ( Brossette.) * Jean-Baptiste Rousseau fait sur cette note la remarque suivante : « Ces raisons très secrètes sont que M. Despréaux pensoit qu'il ne lui étoit plus permis de faire des vers depuis qu'il étoit payé pour travailler à l'histoire du roi, et qu'il « n'osoit donner cette excuse au public. Il y a dans votre remarque « une petite ironie que vous ferez bien de corriger [a]. »

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Brossette lui répond qu'il ne peut admettre ce motif: il le trouve trop honorable pour que l'auteur ne l'ait pas indiqué, comme il l'a fait plusieurs fois ; et d'ailleurs celui-ci ne fut nommé historiographe qu'en 1677, trois ans après la publication des quatre premiers chants du Lutrin. « Je laisserai donc, ajoute-t-il, ma note comme « elle est, avec d'autant plus de raison que je n'ai fait que rapporter « les propres paroles que M. Despreaux m'avoit dites; et cela me « justifie du petit air d'ironie que vous y trouvez [b]. »

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Ce témoignage est positif. Rousseau neanmoius ne le regarde pas comme satisfaisant. Il passe, à la verite, condamnation sur le motif qu'il a prété d'abord au poete: « Mais il pourroit, dit-il, y en avoir « d'autres, comme la crainte de blesser la délicatesse du p. p. de Lamoignon, en le faisant intervenir dans une action aussi co« mique que celle de son poëme; et celle de s'attirer tout le corps « de la Sainte-Chapelle sur les bras, en la designant aussi claire«<ment qu'elle l'est dans ces deux derniers chauts, dout il y a lieu « de croire que le plan au moins étoit déja fait. Quoi qu'il en soit, « j'aimerois mieux imaginer toute autre chose que de soupçonner

[a] Lettres de Rousseau sur différents sujets de littérature, tome II, p. 192, 13 août 1717.

[b] Réponse du 13 septembre, page 207.

imparfait, comme il est, [b] n'eût été les misérables fragments qui en ont couru [c]. C'est un burlesque nouveau,

« un homme comme M. Despréaux de faire un mensonge au pu« blic [a]. »

Le scrupule de Rousseau ne paroit pas fondé. Despréaux ne pouvoit-il pas, sans en imposer au public, se permettre un ton mystérieux, afin d'exciter la curiosité? C'est un de ces artifices innocents dont les écrivains font usage. Au surplus, pourquoi n'auroit-il pas, vingt-cinq ans après, confié son secret à Brossette ?

[a] Les derniers éditeurs suppriment cet et, qui est dans le texte des éditions originales.

[b] Despréaux conserve, dans sa prose négligée, plusieurs locutions qui, même de son temps, commençoient à vieillir.

[c] On a imprimé quelques uns de ces fragments en 1673, à la suite de la Réponse au Pain bénit du sieur abbé de Marigny; ils sont si défectueux qu'ils ne peuvent faire autorité, pour indiquer les premières leçons du Lutrin.

Jacques Carpentier de Marigny, né près de Nevers, mort en 1670, fut un des principaux auteurs des plaisanteries connues sous le nom de Mazarinades. Il fit contre les marguilliers de sa paroisse le petit poëme intitulé le Pain bénit. La plupart des compilateurs en vantent l'agrément; mais il n'en vaut pas mieux. C'est un amas d'in jures grossières; la réponse que l'on y joint, sans nom d'auteur, n'offre pas plus de décence. On ne pouvoit guère associer plus mal les Fragments sur le Lutrin de la Sainte-Chapelle; ils consistent en cent quarante vers, dont voici les cinq premiers:

Je chante le pupitre, et ce prélat terrible,
Qui, par ses longs travaux et sa force invincible,
Dans la Sainte-Chapelle exerçant son grand cœur.
Fit placer à la fin un lutrin dans le chœur.
Illustre Lamoignon, dont la sage entremise, etc.

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dont je me suis avisé en notre langue[a]: car, au lieu que dans l'autre burlesque, Didon et Énée parloient comme des harengères et des crocheteurs, dans celui-ci une horlogère et un horloger [b] parlent comme Didon et Énée. Je ne sais donc si mon poëme aura les qualités propres à satisfaire un lecteur; mais j'ose me flatter qu'il aura au moins l'agrément de la nouveauté, puisque je ne pense pas qu'il y ait d'ouvrage de cette nature en notre langue, la Défaite des bouts-rimés de Sarasin [c] étant plutôt une pure allégorie qu'un poëme comme celui-ci.

[a] Les derniers éditeurs mettent dans, au lieu de en notre langue. [b] A l'horlogère et à l'horloger le poëte substitua dans la suite une perruquière et un perruquier.

[c] Dulot, poëte ridicule, passe pour l'inventeur des bouts-rimés, ou du moins pour les avoir mis à la mode vers le milieu du dix-septième siècle. Afin de décrier ce genre misérable, Sarasin composa un poëme d'environ cinq cents vers, divisé en quatre chants, et qui a pour titre, Dulot vaincu ou la Défaite des bouts-rimés. C'est un badinage dont les détails sont plus uniformes qu'ingénieux, mais où l'on trouve quelques passages agréables, quelques comparaisons poétiques. Quatorze bouts-rimés, alors en vogue, se mettent à la tête de tous les leurs, et veulent soumettre les meilleurs genres de poésie, qui leur opposent une armée non moins considérable. Le poëme se termine ainsi :

Dulot porte un grand coup qui doit finir la guerre;
L'ÉPIQUE Sous le faix glisse et tombe par terre.

Le camp épouvanté fait alors mille vœux;
Mais l'épique soudain se levant tout honteux,

Sur le front de Dulot ramène son épée;

Son casque en est ouvert, sa trame en est coupée,
Ses yeux son obscurcis d'une éternelle nuit,

Et son ame en rimant sous les ombres s'enfuit.

L'abbé Sabathier de Castres qui juge, comme la plupart des faiseurs de dictionnaires, un grand nombre d'auteurs sans les avoir lus, cite

plusieurs morceaux qu'il donne pour échantillons du style de Dulot vaincu [a]. Ces morceaux ne font point partie de ce poëme ; mais ils sont de l'auteur. Pellisson nous les a conservés dans un discours sur les œuvres de M. Sarasin.

J. Fr. Sarasin, né en 1603 à Caen, mourut à Pézénas en 1654. On croit que ce fut de chagrin, parcequ'il avoit encouru la disgrace du prince de Conti, dont il étoit le secrétaire des commandements. Voyez sur ce poëte un jugement plus étendû, tome IV, page 378,

note c.

[a] Les trois siècles de la littérature francoise, 1781, article Sarasin, t. IV, page 143.

AVIS AU LECTEUR [a].

Il seroit inutile maintenant de nier que le poëme suivant a été composé à l'occasion d'un différent assez léger, qui s'émut, dans une des plus célèbres églises de Paris, entre le trésorier et le chantre; mais c'est tout ce qu'il y a de vrai. Le reste, depuis le commencement jusqu'à la fin, est une pure fiction; et tous les personnages y sont non seulement inventés, mais j'ai eu soin même de les faire d'un caractère directement opposé au caractère de ceux qui desservent cette église [6], dont la plupart, et principalement[c] les chanoines, sont tous gens, non seulement d'une fort grande probité, mais de beaucoup d'esprit, et entre lesquels il y en a tel à qui je demanderois aussi volontiers son sentiment sur mes ouvrages, qu'à beaucoup de messieurs de l'académie. Il ne faut donc pas s'étonner si personne n'a été offensé de l'impression de ce poëme, puisqu'il n'y a en effet personne qui y soit véritablement attaqué. Un prodigue ne s'avise guère de s'offenser de voir rire d'un avare, ni un dévot de voir tourner en ridicule un libertin.

[a] Cet avis remplaça le précédent; il terminoit la préface des œuvres de Despréaux, depuis l'édition de 1683 jusqu'à celle de 1694 inclusivement. En 1701 l'auteur fit une nouvelle préface générale, en conservant ce morceau qu'il plaça avant le Lutrin.

[b] On les a néanmoins reconnus.

[c] Brossette et les anciens éditeurs qui l'ont suivi, à l'exception de Saint-Marc, donnent toute la préface publiée depuis 1683 jusqu'en 1694. Ils y substituent à principalement le mot particulièrement qui n'existe dans aucune des éditions avouées par le poëte.

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