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Que tu ris agréablement [a]!

Que tu badines savamment!
Celui qui sut vaincre Numance (1),
Qui mit Carthage sous sa loi,
Jadis sous le nom de Térence
Sut-il mieux badiner que toi(2)?

Ta muse avec utilité[b]

Dit plaisamment la vérité;
Chacun profite à ton école [c];
Tout en est beau, tout en est bon;
Et ta plus burlesque parole

Est souvent un docte sermon.

Laisse gronder tes envieux:

Que, quoi qu'une femme complote,

Un mari ne doit dire mot,

Et qu'assez souvent la plus sotte

Est habile pour faire un sot.

[a] Cette stance étoit d'abord l'avant-dernière, suivant le recueil que nous citons.

(1) Scipion. (Despréaux, édit. de 1713.)

(2) Non sans doute; il y a bien de la différence entre Molière et Térence pour le sel de la plaisanterie, la verve, l'originalité et surtout la variété des caractères. C'est ce que Boileau devoit dire : il étoit beau de devancer le jugement de la postérité. ( Le Brun. ) * Malgré son admiration pour Molière, l'auteur de l'Art Poétique semble lui avoir préféré le poëte latin, à cause de l'élégance continue de son style et de la noblesse de son comique, tant il attachoit de prix à ces deux qualités! Voyez l'Art Poétique, chant III, page 274, note a. [b] Dans le recueil cité, cette stance se lit avant la précédente. Saint-Marc élève sur le premier vers une chicane grammaticale. [c] Allusion au titre de la pièce.

Ils ont beau crier en tous lieux

Qu'en vain tu charmes le vulgaire [a],
Que tes vers n'ont rien de plaisant;
Si tu savois un peu moins plaire,

Tu ne leur déplairois pas tant.

[a] Dans le recueil cité, ce vers et le suivant se lisent ainsi :

Que c'est à tort qu'on te révère;

Que tu n'es rien moins que plaisant.

ÉPIGRAMMES NOUVELLES[a]

ÉPIGRAMME

Sur le livre des Flagellants, composé par mon frère le docteur de Sorbonne.

Non, le livre des Flagellants

N'a jamais condamné, lisez-le bien, mes pères,
Ces rigidités salutaires,

Que, pour ravir le ciel, saintement violents,
Exercent sur leurs corps tant de chrétiens austères.
Il blâme seulement cet abus odieux,

D'étaler et d'offrir aux yeux

Ce que leur doit toujours cacher la bienséance;
Et combat vivement la fausse piété,

Qui, sous couleur d'éteindre en nous la volupté,
Par l'austérité même et par la pénitence

Sait allumer le feu de la lubricité (1).

[a] Les pièces suivantes ne se trouvent point dans l'édition de 1701; elles furent ajoutées dans celle de 1713.

(1) M. l'abbé Boileau, docteur de Sorbonne et chanoine de la Sainte-Chapelle, frère de l'auteur, publia en 1700 le livre intitulé : Historia flagellantium ; et les auteurs de Trévoux en firent la critique dans leurs mémoires du mois de juin 1703. Le père Du Cerceau, jésuite, en avoit fait aussi une critique particulière. (Brossette. ) *Voyez ce que Despréaux écrit à ce sujet, tome IV, page 494, lettre du 7 novembre 1703. Voici le résumé de l'ouvrage de l'abbé Boileau, tel que le donne la Biographie universelle : « Il prouve que l'usage

VERS

A madame la présidente de Lamoignon [a] sur le portrait du père
Bourdaloue, qu'elle m'avoit envoyé.

Du plus grand orateur dont la chaire se vante,
M'envoyer le portrait, illustre présidente,

C'est me faire un présent qui vaut mille présents.
J'ai connu Bourdaloue, et, dès mes jeunes ans,
Je fis de ses sermons mes plus chères délices.
Mais, lui de son côté, lisant mes vains caprices,
Des censeurs de Trévoux (b) n'eut point pour moi les yeux.
Ma franchise [c] sur-tout gagna sa bienveillance.
Enfin après Arnauld, ce fut l'illustre en France
Que j'admirai le plus, et qui m'aima le mieux [d].

« des flagellations volontaires a été inconnu aux chrétiens pendant « les dix premiers siècles; qu'il ne fut d'abord toléré qu'avec répu* gnance; qu'il est dangereux pour la santé et pour les mœurs; qu'il donna naissance à la secte des flagellants, espèce de fanatiques « atrabilaires qui attribuoient à la flagellation plus de vertu qu'aux << sacrements, pour effacer les péchés. » (Article Jacques Boileau, tome V, page 5.)

[a] Marie Voisin, épouse du président de Lamoignon, le même. à qui la VI épître est adressée. Brossette est le premier qui ait donné son nom en toutes lettres; dans l'édition de 1713, il y a seulement trois astérisques.

[b] Au lieu de ce nom que Brossette donna le premier, on voit trois dans l'édition de 1713.

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[c] « En parlant de sa franchise, dit Louis Racine, il en donne un exemple dans ces vers même. » (Mémoires sur la vie de Jean Racine, 1808, page 124.)

[d] Le portrait de Bourdaloue n'ayant été fait qu'après sa mort,

CHANSON

A boire, que je fis au sortir de mon cours de philosophie, à l'âge de dix-sept ans [a].

Philosophes rêveurs, qui pensez tout savoir,
Ennemis de Bacchus, rentrez dans le devoir:
Vos esprits [b] s'en font trop accroire.
Allez, vieux fous, allez apprendre à boire.
On est savant quand on boit bien.
Qui ne sait boire ne sait rien.

S'il faut rire ou chanter au milieu d'un festin,
Un docteur est alors au bout de son latin:

Un goinfre en a toute la gloire.

Allez, vieux fous, etc. [c].

qui eut lieu le 13 mai 1704, ces vers ne doivent pas sés avant cette même année.

avoir été compo

[a] Cette chanson fut, suivant Brossette, mise en musique par La Guerre, dont la fille eut de la célébrité comme musicienne.

[b] Saint-Marc, qui cherche toujours à prendre l'auteur en faute sur les moindres choses, prétend que le mot esprit ne peut s'employer au pluriel, parcequ'il s'agit ici d'une manière de penser commune à tous les philosophes. C'est confondre deux expressions dont le sens est fort différent : l'esprit des philosophes s'entend de leur manière générale de penser; par les esprits des philosophes on fait entendre les différences qui existent entre eux, quoique réunis sur un même point. Cette dernière signification est celle que présente

ce vers:

Vos esprits s'en font trop accroire.

[c] Brossette n'a pas jugé convenable de conserver ce couplet, et quelques éditeurs ont suivi son exemple.

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