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Vient baigner de ses flots troublés :
Tandis que palpitant de joie

Ton héritier fera sa proie
De tes trésors amoncelés.

Né dans la pourpre ou dans la boue,
Des Rois opulent rejetton

Ou pauvre errant à l'abandon,
Subis l'arrêt qui te dévoue
A l'impitoyable Achéron.

Un même torrent nous entraîne
;
Un même gouffre nous attend.
Nos noms jettés confusément
S'agitent dans l'urne incertaine.
Tôt ou tard le sort les amène
Et désigne à chacun son tour
Pour passer l'onde souterraine
Dont le voyage est sans retour.

TRADUCTION

LA PREMIÈRE ÉLÉGIE

DE TIBULLE.

QU'UN autre en proie aux soins que la richesse entraîn A l'éclat des trésors joigne un vaste domaine ! Que le bruit des clairons l'arrachant au sommeil Des jeux sanglans de Mars alarme son réveil ! Grâce à ma pauvreté du moins je vis tranquille; Un doux et petit feu brille dans mon asile. J'y jouis du nectar qu'attendent mes tonneaux Et du prix que Cérès réserve à mes travaux.

Moi-même au tems marqué j'abaisse un cep docile
Ou pour un plant nouveau j'ouvre un sillon facile.
J'ôse sortir sans honte une houe à la main,
Aiguillonner mes boeufs au milieu du chemin,
Et revenir courbé sous la charge légère

D'un chevreau dans les bois oublié par sa mère.
J'arrose mon berger d'une eau sainte, et jamais
Je n'ai nanqué d'offrir un lait pur à Palès.
Un tronc dans la campagne, un vieux bloc au villag
S'ils sont parés de fleurs, attirent mon hommage.
Des fruits que la saison mûrit pour mon cellier
Le Dieu qui les fait naître a sa part le premier.

Je veux de ces épis que ta faveur me donne,
A ton temple Cérès suspendre une couronne,
Et que dans mon jardin Priape avec sa faulx
De rouge barbouillé fasse fuir les oiseaux.

D'un champ riche autrefois, vous gardiens antiques, Lares, vous aurez part à mes présens rustiques: Un bœuf mouroit alors pour un troupeau nombreux, Une brebis est plus dans des jours moins heureux: Je vous l'immolerai : nos enfans autour d'elle Formeront mille vœux pour la moisson nouvelle. Dieux, venez à leur voix! Dieux, ne dédaignez pas Dans une argile pure un champêtre repas. Les premiers laboureurs contens de l'humble argile Couvroient de mets grossiers une terre fragile.

Loups cruels, épargnez mes innocens agneaux! Loups et voleurs, cherchez de plus riches troupeaux ! Je ne demande pas ces moissons qui naguères Naissoient d'un sol fécond sous la main de mes pères: Une récolte pauvre, un humble toit suffit, Si fatigué le soir j'y retrouve mon lit.

Heureux qui dans les bras d'une amante chérie Entend gronder les vents sans craindre leur furie, Ou quand l'affreux hiver inonde nos vallons, Dort au bruit de l'orage et des noirs aquilons!

Je borne là mes vœux, et laisse la fortune A qui brave les flots, les écueils et Neptune.

Je puis, content de peu, vivre exempt d'embarras;
Et, sans errer au loin de climats en climats,
A l'apre canicule opposer la verdure

D'un arbre qu'en fuyant arrose une onde pure.

Ah périsse tout l'or! plutôt que de beaux yeux 'Accusent de leurs pleurs un départ odieux. Triomphe, Messala, sur la terre et sur l'onde! Enrichis ton palais des dépouilles du monde! Une jeune beauté me retient dans ses fers, Je ne veux qu'à sa porte affronter les hivers : Je renonce à la gloire : 6 ma chère Délie, Que l'univers me blâme, et que l'amour nous lie! De ma main sous le joug unissant deux taureaux, Sur un mont écarté conduisant mes troupeaux, Je te verrai du moins, et près de ma bergère Je dormirai content sur la simple fougère. Qu'est-ce qu'un lit de pourpre, Amour, sans tes faveur Qu'un théâtre cruel d'insomnie et de pleurs? Qu'importe le duvet? si le chagrin m'éveille, Et si le bruit des eaux flatte en vain mon oreille.

Quel barbare pouvant posséder tes appas, A follement choisi la gloire et les combats? Que des Ciliciens poussés dans leurs montagnes Ses soldats triomphans inondent les campagnes, Sur un coursier superbe et plus prompt que les vents Brillant de poupre et d'or qu'il vole dans leurs rangs!

Moi, qu'en mourant, mes yeux contemplent ma D Que je la presse encor de ma main affoiblie!

Tu pleureras! parmi cent baisers enflammés
Tes larmes baigneront mes traits inanimés:

Tu pleureras: ton cœur est né tendre et sensible,
Les Dieux ne l'ont point fait d'un acier inflexible.
Les beautés d'alentour et leurs jeunes amans
Uniront leurs sanglots à tes gémissemens.

Crains d'affliger mon ombre, et que tes mains cruelles Epargnent cet albâtre et ces tresses si belles.

Cependant aimons-nous; il est tems d'être heureux; Déjà la mort étend ses voiles ténébreux : L'âge vient en silence. Avant que la tendresse Loin de nos cheveux blancs vole avec la jeunesse, Aimons. Aimons, tandis qu'aux portes d'un jaloux Je sais combatre encore et briser des verroux: J'y suis chef et soldat. Loin, trompette guerrière, Ouvre aux ambitieux leur sanglante carrière. Sur mes gerbes assis, sans désirs et sans soin, J'insulte à la richesse et crains peu le besoin.

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