Imagens das páginas
PDF
ePub

que atros Aquilone secabat, son intention est d'annoncer que la flotte s'éloigne avec lenteur, et de précipiter un peu moins l'embrasement, que d'ailleurs son étendue et sa hauteur permettent d'apercevoir de loin, mania collucent flammis, tantum ignem. Énée et les Troyens ne peuvent former qu'une affreuse conjecture, triste augurium; mais telle est l'énergie de l'expression, qu'on y voit presque la certitude de l'événement, duri dolores, magno amore polluto, notumque furens quid femina possit.

Après tant d'oracles et les ordres mêmes de Jupiter renouvelés dans le quatrième livre, Énée ne doit songer qu'à l'Italie, et ce n'est qu'une force supérieure qui peut le ramener au rivage de Sicile. Nous avons déjà vu les Troyens portés par l'agitation des flots et l'obscurité sur les côtes inconnues de l'île des Harpies. L'emploi d'un moyen du même genre n'offre rien d'invraisemblable; et d'ailleurs, quoique nous retrouvions d'abord quatre vers du troisième livre, cette nouvelle description ne ressemble pas à la première car elle est presque tout entière en discours; et afin que ce ne soit point le hasard qui conduise la flotte justement au port de Drépane, ce n'est plus l'obscurité qui domine dans celle-ci, mais la violence du vent d'occident,... vespere ab atro..., qui contraint les Troyens de décliner à droite. Après avoir annoncé par l'effroi d'un pilote habile la grandeur du danger qui se prépare, heu ! quianam tanti... nimbi? quidve, pater Neptune, paras, avec quelle énergie le poëte lui fait exprimer l'impossibilité d'arriver en Italie, non si mihi Jupiter auctor spondeat, sperem..., expression générale, que confirment aussitôt les détails, transversa fremunt...! La conclusion paraît toute naturelle, superat quoniam fortuna sequamur..., surtout lorsqu'en cédant à la nécessité, nous voyons en perspective, littora fida, fraterna, portus Sicanos. Observez le développement de ce dernier motif, dans les paroles d'Énée, an sit mihi gratior ulla....., quâm quæ...mihi ser

[blocks in formation]

vat Acesten, et patris Anchise... ossa. Ces détails conviennent à la sensibilité du héros, et le cœur s'accorde avec la raison, pour justifier la navigation des Troyens vers la Sicile. Le vent cesse alors d'être contraire sa force même hâte la course des vaisseaux, et la promptitude de l'arrivée, hæc ubi dicta..., justifie encore le héros et le poëte.

Dans la suite du récit, nous verrons les Troyens aussi libres dans la Sicile qu'au sein de leur patrie. Quelques-uns des vers précédents y préparent déjà le lecteur. Maintenant Virgile insiste sur la naissance d'Aceste, Troia...: deux vers y sont consacrés. Voyez sa surprise, son empressement, sa joie, sa générosité, miratus, occurrit, gratatur reduces, lætus, gazâ agresti excipit, opibus solatur amicis. La première fois qu'il présente Aceste, le poëte peint son extérieur, de manière à frapper l'imagination, horridus in jaculis, et pelle Libystidis ursæ : ces deux mots, gazâ agresti, donnent à la royauté ce caractère antique dont le souvenir a des charmes.

[ocr errors]

Cette partie indispensable du cinquième livre n'est, aux yeux du poëte, qu'un de ces morceaux destinés à prévenir les objections, et dont la perfection consiste à ne dire que ce qu'il faut pour amener, sans sécheresse et sans un air d'apprêt, des morceaux plus importants.

Dans le second livre et le troisième, nous avons vu l'attention de Virgile à rappeler et peindre la piété filiale, dont l'idée se joint naturellement au nom de celui qui en fut le héros. C'est le même

Si modò rite memor servata remetior astra. »
Tum pius Æneas: « Equidem sic poscere ventos
Jamdudum et frustra cerno te tendere contrà.
Flecte viam velis: an sit mihi gratior ulla,
Quòve magis fessas optem demittere naves,
Quàm quæ Dardanium tellus mihi servat Aceston,
Et patris Anchise gremio complectitur ossa? »
Hæc ubi dicta, petunt portus, et vela secundi
Intendunt Zephyri; fertur cita gurgite classis,
Et tandem læti notæ advertuntur arena.

At procul excelso miratus vertice montis
Adventum sociasque rates, occurrit Acestes,
Horridus in jaculis et pelle Libystidis ursæ,
Troia Criniso conceptum flumine mater

Quem genuit. Veterum non immemor ille parentum,
Gratatur reduces, et gazà letus agresti
Excipit, ac fessos opibus solatur amicis.

Postera quum primo stellas oriente fugárat

Clara dies, socios in cœtum littore ab omni

sentiment qui inspire encore à Énée la pensée de célébrer par des jeux funèbres l'anniversaire de la mort de son père.

Une observation que nous aurions déjà pu faire plusieurs fois, c'est que, lorsqu'il veut prévenir une objection, Virgile en laisse presque toujours le soin à ses personnages. Sans que nous songions au poëte, leurs raisons se joignant à celles qu'il aurait pu donner lui-même, nous ne voyons plus dans l'action qu'une conséquence naturelle de leurs sentiments, de leur caractère ou de leur situation. Tel est l'effet particulier du discours suivant, où l'amour et le respect d'Énée pour son père sont exprimés avec une effusion qui pénètre tous les cœurs.

Ce début imposant, Dardanidæ magni, genus alto..., l'expression religieuse de la mort d'Anchise, divini ossa parentis, mœstas sacravimus aras, la force et la vivacité des regrets que ce jour réveille, semper acerbum, semper honoratum, sic Dî voluistis, en un mot le ton général des six premiers vers, donne un air de vraisemblance à l'hyperbole suivante, à l'idée de cette fête célébrée avec pompe au milieu des plus grands dangers, Gætulis... Syrtibus exul, Argolico mari, urbe Mycena, annua vota tamen... Pouvait-on mieux amener et faire ressortir l'occasion qui se présente d'elle-même, ad cineres, et ossa, ipsius parentis, adsumus, circonstance dont ce vers relève si bien l'importance, haud equidem... sine numine Divûm...? La conclusion devient toute naturelle, ergo... celebremus honorem. Il ne reste plus qu'à annoncer la fête

Advocat Æneas, tumulique ex aggere fatur :

« Dardanidæ magni, genus alto a sanguine Divûm,
Annuus exactis completur mensibus orbis,
Ex quo relliquias divinique ossa parentis
Condidimus terrà, mostasque sacravimus aras.
Jamque dies, ni fallor, adest, quem semper acerbum,
Semper honoratum (sic Dì voluistis) habebo.
Hunc ego, Gætulis agerem si Syrtibus exsul,
Argolicove mari deprensus, et urbe Mycenæ,
Annua vota tamen solemnesque ordine pompas
Exsequerer, strueremque suis altaria donis.
Nunc ultro ad cineres ipsius et ossa parentis,
Haud equidem sinè mente, reor, sinè numine Divům,
Adsumus, et portus delati intramus amicos.
Ergo agite, et lætum cuncti celebremus honorem ;
Poscamus ventos; atque hæc me sacra quotannis
Urbe velit posità templis sibi ferre dicatis.
Bina boum vobis Trojà generatus Acestes
Dat numero capita in naves: adhibete Penates
Et patrios epulis, et quos colit hospes Acestes.
Præterea, si nona diem mortalibus almum
Aurora extulerit radiisque retexerit orbem,

et les jeux. Dans l'énumération, observez la variété et la poésie de l'expression conforme à la nature de chaque espèce de combat. Après ce discours, songeons-nous à reprocher au héros le temps qu'il va consacrer à célébrer l'anniversaire de la mort de son père?

Afin de donner plus d'autorité aux paroles d'Énée, Virgile fait prononcer le discours le jour même de l'anniversaire. Mais se trouvant alors forcé de remettre la célébration des jeux au neuvième jour, pour donner le temps de les annoncer et d'en faire les préparatifs, il veut du moins que le jour le plus important ne se passe point sans solennité: il fait la description du sacrifice annoncé dans le discours. -Nos regards restent fixés sur le personnage important. Dans la marche, nous distinguons Énée seul au milieu de la foule, ille..., multis cum millibus ibat..., medius comitante catervâ: c'est lui qui fait les libations et jette les fleurs; ses paroles sont la vive expression du respect filial, et des regrets que la circonstance renouvelle..., recepti nequidquam cineres, non licuit fines italos... tecum... quærere.....: au milieu même du prodige, l'expression de l'étonnement ne nous offre qu'Énée, obstupuit visu Æneas: c'est lui seul que nous voyons dans le complément du sacrifice, hoc magis..., animamque vocabat Anchisœ magni... — Supprimez le prodige, et vous verrez combien, malgré la piété du héros, le récit paraîtrait froid, sans cet incident merveilleux, qui met, pour ainsi dire, en action Anchise lui-même, et nous le montre sensible aux hommages de son fils. 1o Les images

Prima cita Teucris ponam certamina classis;
Quique pedum cursu valet, et qui viribus audax,
Aut jaculo incedit melior levibusque sagittis,
Seu crudo fidit pugnam committere cæstu,
Cuncti adsint, meritæque exspectent præmia palmæ.
Ore favete omnes, et cingite tempora ramis. >>
Sic fatus, velat maternà tempora myrto;
Hoc Helymus facit, hoc ævi maturus Acestes,
Hoc puer Ascanius; sequitur quos cætera pubes.
Ille e concilio multis cum millibus ibat

Ad tumulum, magnâ medius comitante catervâ.

Hic duo rite mero libans carchesia Baccho

Fundit humi, duo lacte novo, duo sanguine sacro;

Purpureosque jacit flores, ac talia fatur:

[ocr errors]

Salve, sancte parens, iterum; salvete, recepti

Nequidquam cineres, animæque umbræque paternæ.
Non licuit fines Italos, fataliaque arva,

Nec tecum Ausonium, quicumque est, quærere Thybrim,»
Dixerat hæc, adytis quum lubricus anguis ab imis
Septem ingens gyros, septena volumina traxit,

et la cadence des trois premiers vers nous peignent le serpent, sa longueur et ses mouvements; placidè rassure le lecteur. 2o Dans les trois vers suivants, nous voyons les détails qu'on ne saisit pas au premier coup d'œil, les couleurs et leur éclat; remarquez la richesse et la variété de l'expression, cæruleæ, fulgor, maculosus, auro, incendebat, ceu nubibus arcus... 3° Les trois derniers vers présentent la suite de l'action et le dénouement; en parlant du serpent, innoxius est plein d'élégance.

Les jeux célébrés en plein air, et même sur mer, exigent un temps favorable. Virgile a donc soin de peindre d'abord la sérénité du jour, nonamque serenâ auroram Phaetontis equi... Nous connaissons déjà les jeux dont se compose la fête, excepté les jeux troyens, qu'à l'exemple d'Énée, le poëte ménage pour la surprise. L'arrivée des spectateurs et des combattants, leur réunion sur le rivage, et la vue des couronnes et des prix, suffisent pour présenter l'aspect général de la scène et pour animer l'action.

Ce n'est pas le désespoir d'égaler Homère, qui a déterminé Virgile à substituer la course des vaisseaux à celle des chars. Chez un

Amplexus placidè tumulum, lapsusque per aras :
Cæruleæ cui terga notæ, maculosus et auro
Squamam incendebat fulgor, ceu nubibus arcus
Mille trahit varios adverso sole colores.
Obstupuit visu Æneas: ille, agmine longo
Tandem inter pateras et levia pocula serpens,
Libavitque dapes, rursusque innoxius imo
Successit tumulo, et depasta altaria liquit.
Hòc magis inceptos genitori instaurat honores,
Incertus Geniumne loci, famulumne parentis
Esse putet; cædit quinas de more bidentes,
Totque sues, totidem nigrantes terga juvencos,
Vinaque fundebat pateris, animamque vocabat
Anchisæ magni, Manesque Acheronte remissos.
Nec non et socii, quæ cuique est copia, læti
Dona ferunt, onerantque aras, mactantque juvencos.
Ordine ahena locant alii, fusique per herbam
Subjiciunt verubus prunas et viscera torrent.
Exspectata dies aderat, nonamque serenâ
Auroram Phaetontis equi jam luce vehebant;
Famaque finitimos et clari nomen Acesta
Excierat: læto complèrant littora cœtu,
Visuri Æneadas, pars et certare parati.
Munera principio ante oculos circoque locantur
In medio, sacri tripodes, viridesque coronæ,
Et palmæ, pretium victoribus, armaque, et ostro
Perfusæ vestes, argenti aurique talenta ·
Et tuba commissos medio canit aggere ludos.

« AnteriorContinuar »