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pressions, exedisse, nefandis odiis, non satis est, et après relliquias, cette métaphore hardie qui nous la montre acharnée sur les restes de Troie, cineres atque ossa peremptæ insequitur: on sent la force et la vivacité de cette tournure, causas tanti sciat illa furoris. Vénus cite les deux faits les plus frappants, 1° la tempête, ipse mihi tu testis; le bouleversement de l'empire de Neptune, molem excierit, maria omnia cœlo miscuit, le moyen employé par Junon, Æoliis freta procellis, et le dernier trait, in regnis hoc ausa tuis; rien de plus adroit pour réveiller dans le cœur du dieu le souvenir de sa puissance outragée; nequidquàm est l'expression délicate de la reconnaissance de Vénus: 2o l'incendie de la flotte qui détermine en ce moment la démarche de la déesse, ecce etiam..; per scelus et fœdè caractérisent l'action; le résultat, socios ignotæ linquere terræ, annonce la grandeur du désastre. Dans la péroraison, le contraste de la soumission de Vénus avec l'audace qu'elle vient de retracer, achève de disposer en sa faveur, oro, liceat dare..., liceat..., si concessa peto, si...

La plus grande partie de la réponse de Neptune est employée à rassurer Vénus. C'était peut-être la meilleure manière de justifier les craintes antérieures de la déesse et sa démarche tardive auprès d'un dieu ennemi des Troyens. D'un autre côté, les preuves de bienveillance qu'il rappelle rendent maintenant ses promesses et sa protection vraisemblables. — Le début du discours, fas omne est..., unde genus ducis, ce souvenir gracieux est digne de la déesse. L'horrible tableau des Troyens poursuivis et égorgés

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Urbem odiis satis est, nec pœnam traxe per omnem
Relliquias; Trojæ cineres atque ossa peremptæ
Insequitur. Causas tanti sciat illa furoris !

Ipse mihi nuper Libycis tu testis in undis

Quam molem subitò excierit: maria omnia cœlo
Miscuit, Æoliis nequidquam freta procellis;

In regnis hoc ausa tuis!

Per scelus ecce etiam, Trojanis matribus actis,
Exussit fœdè puppes, et classe subegit
Amissà socios ignotæ linquere terræ.
Quod superest, oro, liceat dare tuta per undas
Vela tibi; liceat Laurentem attingere Thybrim,
Si concessa peto, si dant ea monia Parcæ. »

Tum Saturnius hæc domitor maris edidit alti :
« Fas omne est, Cytherea, meis te fidere regnis,
Unde genus ducis: merui quoque; sæpe furores
Compressi, et rabiem tantam cœlique marisque.
Nec minor in terris (Xanthum Simoentaque testor)
Æneæ mihi cura tui: quum Troia Achilles
Exanimata sequens impingeret agmina muris,

par Achille, fait pardonner l'infériorité d'Énée, nec Dís nec viribus æquis, en même temps qu'il ajoute à l'importance du service rendu par le dieu, service que relève encore cette réflexion, qui d'ailleurs justifie Vénus d'avoir douté des sentiments de Neptune, cuperem quùm vertere ab imo structa meis manibus perjuræ mœnia Troja. Un Troyen seul doit périr : il insiste sur la faiblesse du sacrifice, unus, tantùm, unum pro multis caput. Dans les détails du style, observez le rapport continuel des idées avec le personnage par exemple, pour peindre le nombre des morts, il n'est pas d'image qui doive plus naturellement se présenter au dieu des mers que celle-ci gemerent repleti amnes, nec evolvere posset in mare se Xanthus.

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L'action se joint aux paroles; et pour confirmer dans l'esprit du lecteur la promesse de Neptune, Virgile nous le peint aussitôt préparant lui-même aux Troyens une navigation facile, cæruleo per summa levis..., subsidunt undæ... : tonanti est justifié par la rapidité avec laquelle les flots gonflés retombent et s'aplanissent sous le char du dieu. Les cinq derniers vers ne sont ajoutés que pour donner à ce récit merveilleux les proportions convenables: le cortège de Neptune agrandit la scène, et forme en terminant un tableau digne de la majesté du dieu qui règne sur les ondes.

Pour compléter la pensée, il ne reste plus qu'à montrer l'effet du calme sur l'âme d'Énée et sur la flotte tout entière, Æneæ... blanda gaudia pertentant mentem. Telle est la précision, la net

Millia multa daret letho, gemerentque repleti
Amnes, nec reperire viam atque evolvere posset
In mare se Xanthus, Pelidæ tunc ego forti
Congressum Ænean nec Dis nec viribus æquis
Nube cavâ rapui, cuperem quum vertere ab imo
Structa meis manibus perjuræ mœnia Trojæ.

Nunc quoque mens eadem perstat mihi; pelle timorem.
Tutus, quos optas portus, accedet Averni.
Unus erit tantùm, amissum quem gurgite quæret;
Unum pro multis dabitur caput. »

His ubi læta deæ permulsit pectora dictis,
Jungit equos auro genitor, spumantiaque addit
Frena feris, manibusque omnes effundit habenas.
Cæruleo per summa levis volat æquora curru :
Subsidunt undæ, tumidumque sub axe tonanti
Sternitur æquor aquis; fugiunt vasto æthere nimbi.
Tum variæ comitum facies: immania cete,
Et senior Glauci chorus, Inousque Palæmon,
Tritonesque citi, Phorcique exercitus omnis;
Læva tenent Thetis et Melite, Panopeaque virgo,
Nesæe, Spioque, Thaliaque, Cymodoceque.

Hic patris Æneæ suspensam blanda vicissim

teté et le genre d'harmonie des détails suivants, qu'ils doivent paraître pleins de vérité à ceux qui ont vu lever les mâts et déployer les voiles. - Après ce dernier trait, ferunt sua flamina classem, les voiles suffisant à la navigation, le poëte pourra supposer, comme il en a besoin dans l'épisode suivant, que tous les rameurs s'endorment.

Virgile arrête quelque temps l'esprit du lecteur sur cette partie du récit, par un événement particulier, qui paraîtrait assez insignifiant, s'il ne consacrait encore aux yeux des Romains et des Italiens une de ces traditions toujours intéressantes pour les peuples. D'ailleurs, le poëte a mis tout en œuvre pour relever l'ac-· tion. Ayant déjà paru plusieurs fois sur la scène, le pilote du vaisseau d'Énée n'est pas sans importance à nos yeux. Dans le discours de Neptune, Virgile s'est réservé la mort d'un seul Troyen; et présenté comme un sacrifice pour le salut de la flotte, cet accident se trouve adroitement rattaché à l'action générale. Le merveilleux même ennoblit le sujet. Il resterait cependant à justifier la méchanceté du dieu; le poëte suppose que le sommeil se venge du vigilant pilote qui ne veut jamais céder à ses lois.

Quelle vérité, quel naturel dans les paroles du dieu déguisé! Chaque pensée amène et confirme la pensée suivante. La flotte vogue d'elle-même, ferunt ipsa æquora classem..., on peut se permettre un moment de repos, datur hora quieti; reposez donc, pone caput; d'ailleurs le gouvernail ne restera pas sans pilote, ipse ego pro te, et le sommeil ne sera que d'un instant, paulisper; oculos furare labori est l'expression la plus élégante des veilles continuelles de Palinure. Le besoin de sommeil que peignent

Gaudia pertentant mentem: jubet ocyus omnes
Attolli malos, intendi brachia velis.

Unà omnes fecere pedem, pariterque sinistros,
Nunc dextros solvêre sinus; unà ardua torquent
Cornua, detorquentque: ferunt sua flamina classem.
Princeps ante omnes densum Palinurus agebat
Agmen; ad hunc alii cursum contendere jussi.
Jamque ferè mediam cœli Nox humida metam
Contigerat; placidà laxàrant membra quiete
Sub remis fusi per dura sedilia nautæ :
Quum levis æthereis delapsus Somnus ab astris,
Aera dimovit tenebrosum, et dispulit umbras,
Te, Palinure, petens, tibi tristia somnia portans
Insonti; puppique Deus consedit in altà,
Phorbanti similis, funditque has ore loquelas :
« Iaside Palinure, ferunt ipsa æquora classem;
Equata spirant auræ; datur hora quieti :
Pone caput, fessosque oculos furare labori,

ces mots, cui vix attollens lumina, rend son zèle encore plus recommandable quelle vigilance, quel tendre intérêt pour son maître, Ænean credam quid enim...! La chute du pilote endormi pourrait prêter au ridicule; mais avec ces détails et les sentiments qui l'animent, nous déplorons son destin. Virgile avait encore une autre intention. Le cap Palinure était situé au-dessous du rivage de Cumes et beaucoup plus rapproché de la Sicile. La protection de Neptune devant conduire les Troyens directement au but de leur voyage, le poëte ne leur fera pas faire une station inutile, dans le seul but de consacrer une tradition. La flotte doit même passer trop loin du promontoire, pour que Palinure puisse y arriver à la nage. Virgile suppose donc qu'il tombe dans la mer avec son gouvernail, et pour la vraisemblance, il lui prête ce zèle et ce dévouement qui pendant son sommeil l'y tiennent encore si fortement attaché, clavumque affixus et hærens nusquàm amittebat; et alors pour le précipiter dans les flots sans l'éveiller, l'action du Dieu devient vraisemblable, cum puppis parte revulsâ, cumque gubernaclo, projecit in undas. - Virgile pourrait annoncer maintenant que Palinure porté sur son gouvernail et par le vent au rivage d'Italie, y fut assassiné par les habitants, et que, pour expier leur crime, un oracle leur ordonna de lui élever un tombeau sur le promontoire qui porte son nom. Mais la navigation des Troyens étant l'objet important du récit, le poëte ne voudrait pas abandonner la flotte pour suivre Palinure: et d'ailleurs ce dénouement de l'épisode laisserait Énée et les Troyens entièrement étrangers à la tradition. Dans le livre suivant, le héros apprendra en même temps que le lecteur le sort de son pilote. Maintenant nous devons croire que Palinure a péri dans les flots: nous ne demandons pas plus de détails.

Ipse ego paulisper pro te tua munera inibo. »
Cui vix attollens Palinurus lumina fatur :
«Mene salis placidi vultum fluctusque quietos
Ignorare jubes? mene huic confidere monstro?
Enean credam quid enim fallacibus Austris,
Et cœli toties deceptus fraude sereni? »
Talia dicta dabat, clavumque affixus et hærens
Nusquam amittebat, oculosque sub astra tenebat.
Ecce deus ramum Lethæo rore madentem,
Vique soporatum Stygià, super utraque quassat
Tempora, cunctantique natantia lumina solvit.
Vix primos inopina quies laxaverat artus,
Et supèr incumbens, cum puppis parte revulsâ
Cumque gubernaclo, liquidas projecit in undas
Præcipitem, ac socios nequidquam sæpe vocantem.

Les Troyens voguent sur la mer et vers les rivages, où Homère fait courir à son héros tant d'aventures merveilleuses. Mais avec la protection de Neptune, Énée doit échapper à tous les périls, classis promissis Neptuni interrita fertur. En passant nous voyons les rochers des Sirènes, comme plus loin nous verrons le rivage de Circé; mais la flotte n'est pas un moment en danger. Quels souvenirs rappelle cette seule image, multorum ossibus albos ! Remarquez l'harmonie du vers suivant, tum rauca assiduo longè sale saxa sonabant. A ce bruit des flots Énée semble se réveiller. Il s'aperçoit alors du malheur de Palinure, et les regrets du pieux héros complètent le récit, ô nimium cœlo... confise...

Sur l'ensemble et l'ordre des parties principales, voyez le commencement de ce livre.

Ipse volans tenues se sustulit ales in auras.
Currit iter tutum non seciùs æquore classis,
Promissisque patris Neptuni interrita fertur.
Jamque adeò scopulos Sirenum advecta subibat,
Difficiles quondam, multorumque ossibus albos :
Tum rauca assiduo longè sale saxa sonabant :
Quum pater amisso fluitantem errare magistro
Sensit, et ipse ratem nocturnis rexit in undis,
Multa gemens, casuque animum concussus amici :
« O nimiùm cœlo et pelago confise sereno,
Nudus in ignotâ, Palinure, jacebis arenâ! »

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