Imagens das páginas
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quez l'épithète et le verbe : 2o sa chevelure; quel charme répandent sur l'idée le sens et l'harmonie de ces mots, ambrosiæ, divinum, spiravêre! 3° sa robe; rappelez-vous la chasseresse, nuda genu, nodoque sinus collecta fluentes (v. 320); vous sentirez mieux l'intention du poëte et l'effet de cette image, pedes vestis defluxit ad imos; 4o sa démarche; elle révèle une déesse, et vera incessu patuit dea. L'attention du lecteur s'arrête avec la phrase sur le mot important. Les plaintes du héros ne se prolongent pas plus qu'il ne faut, pour que tout puisse être entendu de la déesse, pendant qu'elle disparaît, quid natum totiès... — La fiction du nuage est une des heureuses idées du poëme. Non-seulement Énée doit par ce moyen échapper à la curiosité et peut-être aux insultes, cernere ne qui eos..., molirive moram...; mais nous en verrons encore résulter les situations les plus intéressantes. Pour terminer le récit, Virgile ajoute ces trois vers, où, conservant jusqu'à la fin l'unité du caractère, il exprime avec tant de grâce et de poésie la joie et les délices, que Vénus, rassurée sur le sort de son fils, va goûter à Paphos et dans son temple, ipsa Paphum sublimis abít..., læta...

L'arrivée d'Énée à Carthage est une des parties de l'action les plus variées et les plus dramatiques. Chaque circonstance principale procure au poëte l'occasion d'un récit.plein d'intérêt.

1o Le tableau général de la ville; l'harmonie de ces mots, jàmque ascendebant collem, aussi bien que le sens et la place de plurimus, imminet, desuper, annonce la hauteur de la colline qu'Énée gravit, et d'où la vue domine sur Carthage. Nous voyons

Dixit, et avertens roseâ cervice refulsit,
Ambrosiæque comæ divinum vertice odorem
Spiravère; pedes vestis defluxit ad imos,
Et vera incessu patuit dea. Ille, ubi matrem
Agnovit, tali fugientem est voce secutus:
«Quid natum toties, crudelis tu quoque, falsis
Ludis imaginibus? cur dextræ jungere dextram
Non datur, ac veras audire et reddere voces? »
Talibus incusat, gressumque ad monia tendit.
At Venus obscuro gradientes aere sæpsit,
Et multo nebulæ circùm dea fudit amictu,
Cernere ne quis eos, neu quis contingere posset,
Molirive moram, aut veniendi poscere causas.
Ipsa Paphum sublimis abit, sedesque revisit
Læta suas, ubi templum illi, centumque Sabao
Thure calent aræ, sertisque recentibus halant.

Corripuêre viam interea quà semita monstrat.
Jamque ascendebant collem qui plurimus urbi
Imminet, adversasque adspectat desuper arces.

ce que les yeux ou l'oreille distinguent d'abord miratur et la répétition de ce mot animent la situation. Observez dans les détails suivants, que le poëte supplée quelquefois à l'éloignement ou à l'ignorance de l'étranger. Les deux dernières circonstances annoncent la puissance maritime, hic portus alii effodiunt, et les richesses qui permirent à cette ville la magnificence et les plaisirs de l'opulence et du luxe, hìc alta theatris fundamenta locant... Les idées et le style de ces trois vers terminent la description avec une majesté digne de Carthage. Mais nous demanderons au poëte si les premiers fondateurs d'une ville, surtout à cette époque, devaient s songer à la construction d'un théâtre? La description des tableaux nous fournira bientôt une autre preuve, qu'assez souvent Virgile prête aux temps anciens les idées, les goûts et la perfection de son siècle. Pour en faire un ornement de son poëme, il lui suffit que l'imagination de ses contemporains n'y trouve pas d'invraisemblance. La comparaison est pleine de mouvement : il est inutile d'y chercher d'autre rapport avec les Carthaginois que la variété et l'activité des travaux, educunt fetus, aut mella stipant et distendunt..., aut onera accipiunt..., aut... fucos... arcent: l'expression poétique est parfaite.

Au moyen des détails précédents et de la comparaison qui les prolonge, nous voyons depuis longtemps les yeux d'Enée fixés sur cette ville naissante; et tout à coup, sans que le poëte l'annonce, nons entendons ce vers sortir avec lenteur du fond de sa poitrine, O fortunati! quorum jàm mœnia surgunt, un de ces vers que Virgile a trouvés dans son âme. Le mouvement des yeux, fastigia suspicit urbis, en renouvelle et complète aussitôt l'effet. Qui ne

Miratur molem Eneas, magalia quondam,
Miratur portas, strepitumque, et strata viarum.
Instant ardentes Tyrii: pars ducere muros,
Molirique arcem, et manibus subvolvere saxa;
Pars optare locum tecto, et concludere sulco.
Jura magistratusque legunt, sanctumque senatum.
Hic portus alii effodiunt; hìc alta theatris
Fundamenta locant alii, immanesque columnas
Rupibus excidunt, scenis decora alta futuris.

Qualis apes æstate novà per florea rura
Excercet sub sole labor, quum gentis adultos
Educunt fetus, aut quum liquentia mella
Stipant, et dulci distendunt nectare cellas,
Aut onera accipiunt venientùm, aut agmine facto
Ignavum fucos pecus a præsepibus arcent :
Fervet opus, redolentque thymo fragrantia mella.
«O fortunati, quorum jam moenia surgunt!»>
Eneas ait, et fastigia suspicit urbis.

sent le retour douloureux d'Énée sur lui-même et sur ses compagnons?

2o Virgile fait d'abord la description du temple, qui va devenir le lieu de la scène. Le bois sacré qui l'environne, lucus...; les présages de la puissance joints à sa fondation..., sic nam fore bello egregiam et facilem victu...; sa grandeur, templum... ingens, et sa richesse annoncée par l'idée de l'airain répétée trois fois dans la description de la porte; tous ces détails nous présentent l'édifice le plus apparent de la ville. Environné du nuage, et ne pouvant demander où est situé le palais de la reine, Énée s'est avancé de ce côté. Sans entrer dans ces détails faciles à suppléer, le poëte nous le montre aussitôt dans le temple, où il est retenu par un spectacle dont il ne peut détacher ses regards; idée ingénieuse, si naturelle, et tellement satisfaisante, qu'on ne conçoit pas comment ces deux mots, reginam opperiens, ont pu échapper à Virgile, quand il est évident qu'Énée ne peut avoir appris de personne l'arrivée prochaine de Didon.

A la vue des tableaux, l'attendrissement d'Énée égale sa surprise, constitit, et lacrymans ...: ce double sentiment se peint à la fois dans la brièveté, la tournure et la vivacité de ses paroles. Après en Priamus, quelle touchante noblesse, sunt hic etiam sua præmia laudi! Quelle sensibilité, sunt lacrymæ rerum...! Déjà

Infert se sæptus nebulà (mirabile dictu!)

Per medios, miscetque viris, neque cernitur ulli.
Lucus in urbe fuit medià, lætissimus umbrà,
Quo primùm jactati undis et turbine Poeni
Effodère loco signum, quod regia Juno
Monstràrat, caput acris equi sic nam fore bello
Egregiam, et facilem victu per sæcula gentem.
Hic templum Junoni ingens Sidonia Dido
Condebat, donis opulentum et numine Divæ,
Ærea cui gradibus surgebant limina, nexæque
Ære trabes, foribus cardo stridebat ahenis.
Hoc primùm in luco nova res oblata timorem
Leniit; hic primùm Æneas sperare salutem
Ausus, et afflictis meliùs confidere rebus.
Namque, sub ingenti lustrat dum singula templo,
Reginam opperiens, dum, quæ fortuna sit urbi,
Artificumque manus inter se, operumque laborem
Miratur, videt Iliacas ex ordine pugnas,
Bellaque jam famà totum vulgata per orbem,
Atriden, Priamumque, et sævum ambobus Achillem.
Constitit, et lacrymans : « Quis jam locus, inquit,
Quæ regio in terris nostri non plena laboris ?
En Priamus! sunt hic etiam sua præmia laudi;

Sunt lacrymæ rcrum, et mentem mortalia tangunt.

lui-même est rassuré, il n'a besoin que de rassurer son ami, solve metus... Quelle énergie, quelle émotion dans l'attitude du héros, animum picturâ pascit..., multa gemens, largo flumine...! Le premier présente l'idée générale des combats livrés autour de Troie il se termine par l'image la plus frappante, instaret curru, cristatus Achilles. La plupart des tableaux de détails inspirent la pitié et demandent des larmes. Celui de Troïle est le plus parfait. Voyez d'abord ce rapprochement, l'âge du jeune prince, infelix puer, sa faiblesse, impar, et l'ennemi qu'il affronte, congressus Achilli. Observez ensuite le choix et l'ordre des détails, depuis les chevaux qui traînent le char, jusqu'au sillon tracé par la lance renversée, la place d'où Troïle est tombé, inani, cette circonstance pittoresque, lora tenens tamen, et le rejet de ces mots, aussi bien que de per terram. Dans le tableau suivant, l'image et l'expression répétée de la douleur, crinibus passis, suppliciter tristes, tunsæ pectora palmis, font ressortir la dureté de l'inflexible Pallas, si bien peinte en un seul vers, solo fixos oculos, aversa.....· - Toutes les parties du tableau de Priam sont animées, d'abord l'expression générale, par le déshonneur d'Achille, ter raptaverat, auro corpus vendebat, ensuite les détails, par le gémissement d'Énée, tùm verò ingentem..., gémissement que la répétition de ut prolonge et fait entendre dans tout le vers suivant, ut spolia, ut currus, utque ipsum corpus... Ce redou

Solve metus feret hæc aliquam tibi fama salutem. »
Sic ait, atque animum picturà pascit inani
Multa gemens, largoque humectat flumine vultum.
Namque videbat utì bellantes Pergama circum
Hàc fugerent Graii, premeret Trojana juventus;
Hàc Phryges, instaret curru cristatus Achilles.
Nec procul hinc Rhesi niveis tentoria velis
Agnoscit lacrymans, primo quæ prodita somno
Tydides multâ vastabat cæde cruentus;
Ardentesque avertit equos in castra, priusquam
Pabula gustâssent Troja, Xanthumque bibissent.
Parte alià fugiens amissis Troilus armis,
Infelix puer, atque impar congressus Achilli,
Fertur equis, curruque hæret resupinus inani,
Lora tenens tamen : huic cervixque comæque trahuntur
Per terram, et versà pulvis inscribitur hastâ.
Intereà ad templum non æquæ Palladis ibant
Crinibus Iliades passis, peplumque ferebant
Suppliciter tristes, et tunsæ pectora palmis :
Diva solo fixos oculos aversa tenebat.

Ter circum Iliacos raptaverat Hectora muros,
Exanimumque auro corpus vendebat Achilles.
Tum verò ingentem gemitum dat pectore ab imo

blement de douleur pouvait-il être mieux placé que dans cette scène, et à la vue du corps de son ami, corpus amici?-Un trait suffit pour la gloire du héros; il se voit représenté dans la chaleur de la mêlée, au milieu des Grecs, permixtum Achivis. —- Virgile termine avec goût par le tableau, qu'une femme devait le moins oublier de placer ici. Le courage de Penthésilée est l'idée principale, furens, mediis in millibus ardet; bellatrix, audetque viris concurrere virgo: le premier mot de ce vers et la vive opposition des sexes donnent plus d'éclat à la valeur de l'héroïne.

En retraçant les sentiments et la situation du héros, ce vers dùm stupet, obtutuque hæret defixus in uno, ajoute encore à la vraisemblance du moyen employé pour retenir Énée dans le temple, jusqu'à l'arrivée de la reine. Didon se présente environnée de toute sa splendeur. Admirez sa beauté, formá pulcherrima; sa démarche, incessit; son cortége, magnâ juvenum stipante catervâ. Dans la comparaison vous retrouvez l'idée du cortége, quam mille secuto... oreades; celle de la démarche, fert humero, gradiensque...; celle de la beauté, Latona tacitum pertentant gaudia pectus, vers de sentiment, qui peint mieux la beauté de la déesse que la plus riche description. Le poëte achève son tableau : nous voyons le lieu où nos regards vont rester fixés sur Didon, foribus divæ, media testudine templi; nous la voyons elle-même, environnée de ses gardes, se placer sur son trône, et remplir les fonctions royales, sœpta armis..., solio..., resedit...

Ut spolia, ut currus, utque ipsum corpus amici,
Tendentemque manus Priamum conspexit inermes.
Se quoque principibus permixtum agnovit Achivis,
Eoasque acies, et nigri Memnonis arma.
Ducit Amazonidum lunatis agmina peltis
Penthesilea furens, mediisque in millibus ardet,
Aurea subnectens exsertæ cingula mammæ
Bellatrix, audetque viris concurrere virgo.

Hæc dum Dardanio Æneæ miranda videntur,
Dum stupet, obtutuque hæret defixus in uno,
Regina ad templum, formâ pulcherrima, Dido
Incessit, magnâ juvenum stipante catervâ.
Qualis in Eurotæ ripis aut per juga Cynthi
Exercet Diana choros, quam mille secutæ

Hinc atque hinc glomerantur Oreades: illa pharetram
Fert humero, gradiensque deas supereminet omnes:
Latonæ tacitum pertendant gaudia pectus.
Talis erat Dido, talem se læta ferebat
Per medios, instans operi regnisque futuris.
Tum foribus Divæ, medià testudine templi,
Sæpta armis, solioque altè subnixa resedit.

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