Comme il fait nuit, il ne peut prêter aux Troyens que l'impression résultant des cris exprimés avec tant d'harmonie et de variété dans ces quatre vers, hinc exaudiri... Le dernier, dont la cadence peint le passage rapide de la flotte, retrace encore l'idée du danger auquel ils échappent, et dont les préserve la protection de Neptune, fugam dedit, vada fervida. Après cette nuit effrayante, l'aurore se lève embellie de tout son éclat, jamque rubescebat radiis mare..., aurora in roseis... A cette course rapide succède tout à coup un calme parfait : on sent le vent s'affaiblir et tomber, quum venti posuere, omnisque repentè...; on sent les efforts répétés des rameurs, et in lento luctantur marmore tonsæ. Les Troyens pourraient encore avancer à force de rames; mais la beauté du rivage les engage à s'arrêter. Excepté les images qui conservent au fleuve de Rome la majesté de son cours et la couleur de son onde, vorticibus rapidis..., flavus..., in mare prorumpit, nous ne trouvons dans les détails que l'expression gracieuse de la joie champêtre, lucum (au lieu de sylvam), variæ circum... volucres... æthera mulcebant... : ce genre d'idées prépare au sentiment qu'éprouve le héros, en entrant dans ce fleuve inconnu, lætus fluvio succedit. Au lieu de suivre les Troyens sur le rivage, Virgile expose d'abord l'état du pays où ils arrivent, quæ tempora rerum..., quis Arguto tenues percurrens pectine telas. Vincla recusantûm et serà sub nocte rudentûm; Sævire, ac formæ magnorum ululare luporum ; Quos hominum ex facie dea sæva potentibus herbis Quæ ne monstra pii paterentur talia Troes Atque fugam dedit, et præter vada fervida vexit. Nunc age, qui reges, Erato, quæ tempora rerum, status Latio... Ayant besoin de secours et de lumières, pour remonter dans la nuit des temps, on ne peut qu'approuver l'invocation du poète à sa muse; mais il aurait dû se borner aux quatre premiers vers, et ne pas entrer dans les détails, qui sembleraient annoncer un sujet nouveau et former l'exposition d'un second poëme, dicam horrida bella... Il règne dans ces vers un ton de grandeur et d'enthousiasme, que Virgile ne se serait pas permis au début de l'Énéide : observez surtout la gradation, et l'image répétée de la guerre, ses fureurs, son étendue et cette conclusion imposante, major rerum mihi nascitur ordo, majus opus moveo. Nous arrivons au septième livre tellement convaincus et pénétrés des droits des Troyens sur le Latium, qu'ils pourraient y joindre le droit de conquête, sans être accusés de brigandage ou d'injustice. Mais ce n'est pas encore assez pour le poëte, qui veut écarter toute idée contraire au caractère de son pieux héros. L'effet général des récits précédents va se trouver confirmé par l'accord des oracles d'Italie avec ceux des Troyens (liv. I, p. 146). Un récit rapide nous fait d'abord connaître les principaux personnages, Latinus, Lavinie, Amate et Turnus. Ce vers caractérise le vieux roi, jam senior longâ placidos in pace regebat: remarquez la manière élégante et variée dont nous remontons au premier auteur de sa race, ...tu sanguinis ultimus auctor. Un poëte moderne n'aurait pas manqué de peindre la beauté de Lavinie, et d'enflammer son cœur pour l'un des deux héros. Mais Virgile ne veut pas faire d'Énée un héros amoureux. D'un autre côté, il se garde bien d'inspirer à la princesse ni même à Turnus une passion, qui semblerait donner à celui-ci des droits à la main de la princesse. Il s'agit d'un mariage de politique: Lavinie n'est aux yeux du poëte que l'héritière du royaume, sola domum et tantas servabat Quis Latio antiquo fuerit status, advena classem filia sedes, multi illam è totâ... petebant Ausonid... On voit d'ailleurs l'injustice de ceux qui reprochent à Énée de venir enlever une amante à son amant. Il est vrai que Turnus a pour lui la mère de Lavinie ses prétentions étant rejetées par Latinus, le poëte a besoin d'un personnage tel qu'Amate, pour soulever le Latium en faveur du Rutule, adjungi generum miro properabat amore; mais aux vœux d'une femme passionnée, il se hâte d'opposer les ordres des Dieux et les projets d'un roi sage et religieux, variis portenta Deúm terroribus obstant. La place et l'antiquité du laurier, son importance pour la ville qui en tire son nom, les idées de respect ou de religion exprimées dans chaque vers, agrandissent et relèvent le prodige, hujus apes summum.......: sur un autre arbre, ce ne serait qu'une chose ordinaire. Le style y ajoute encore, mirabile dictu, stridore ingenti, obsedere apicem. Pedibus per mutua nexis est l'expression exacte du fait, dont l'image se peint aussitôt dans le vers suivant, examen subitum ramo frondente pependit. En faisant parler le prêtre lui-même, le récit devient encore plus solennel, externum cerni mus... les rapports sont clairs et faciles à saisir. Le second prodige étant plus effrayant, le poëte n'a pas besoin de tous ces détails accessoires. La circonstance et la cause ajoutent à la solennité de l'augure, castis.. tædis adolet altaria; l'épithète, longis, rend le fait plus vraisemblable, visa comprendere crinibus ignem : voyez ensuite l'effet progressif du feu, sur la princesse, atque om Jam matura viro, jam plenis nubilis annis. nem..., dans le temple tout entier, tùm fumida.... et, au milieu de ce tableau, l'expression répétée de la parure, et l'image étendue de l'incendie, qui rendent l'allusion plus facile et plus complète, fore illustrem famá..., populo magnum portendere bellum. - L'oracle de Faune, père de Latinus, est encore plus positif et plus clair. Il aurait même suffi, si par le récit des prodiges qui servent de prélude, Virgile n'avait voulu occuper plus longtemps l'esprit des idées favorables à l'action principale. Les détails sur ces lieux voisins de Rome et sur les cérémonies religieuses rappellent une tradition nationale. Dans chaque circonstance, dans le choix des images, des expressions et même des épithètes, dans les derniers vers surtout, huc dona sacerdos... Avernis, le poëte s'adresse à l'imagination. La réponse du Dieu exclut positivement, 1o un gendre du pays, connubiis Latinis, 2o Turnus que la reine avait choisi, thalamis neu crede paratis. Les vers suivants désignent clairement Énée au lecteur, et surtout aux Romains, qui s'y reconnaissent avec orgueil, externi veniunt generi..., quorum à stirpe nepotes omnia sub pedibus..., quâ sol..., vertique regique videbunt. Cette perspective de grandeur et de gloire doit faire goûter à Latinus le conseil de l'oracle; et déjà l'on ne s'étonne pas qu'il se plaise à Regales accensa comas, accensa coronam publier la réponse du dieu Faune, son père, ...non ipse suo premit ore Latinus, circùm latè, jam fama per urbes Ausonias tulerat. Ainsi connu avant l'arrivée des Troyens, cet oracle devient encore plus authentique. L'état du Latium et l'attente des peuples justifiant aux yeux du lecteur les prétentions des Troyens, on voit pourquoi Virgile a placé ce récit avant la scène où Énée va prendre, pour ainsi dire, possession du pays que les destins lui promettent. Les Troyens apprennent qu'ils sont arrivés au terme de leurs voyages. Forcé d'adopter la tradition qui sert de fondement au récit (voyez sur cette tradition, liv. 1, p. 97), Virgile abrège le fait principal, et supplée par la noblesse du style à la dignité de l'action. Jupiter lui-même y préside, sic Jupiter ille monebat. Au lieu du mot propre, panis, vous ne trouvez que des expressions élégantes ou poétiques, adorea liba, Cereale solum, exiguam Cererem, orbem fatalis crusti, patulis quadris : une action fort commune n'est pas moins noblement exprimée, vertere morsus in, violare manu malisque audacibus,non parcere quadris. Enfin l'âge d'Iule fait plutôt passer la naïveté de la plaisanterie, heus! etiàm mensas consumimus ! Et comme aussitôt le style s'élève, ea vox audita laborum prima tulit finem..., stupefactus numine pressit! L'enthousiasme du héros et le ton de certitude qui respirent dans son discours, ne laissent aucun doute au lecteur, salve, salvete..., fatis mihi debita tellus, fidi Troja penates, hic domus, hæc patria Hæc responsa patris Fauni, monitusque silenti Eneas, primique duces, et pulcher Iulus Continuò : « Salve fatis mihi debita tellus, Hic domus, hæc patria est: genitor mihi talia (namque |