Imagens das páginas
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et de langage! Avec quelle promptitude sa rage accumule ces horribles idées, tu potes unanimos... fratres, tu verbera tectis..., tibi nomina mille, mille nocendi artes, enfin fecundum concute pectus! Et lorsqu'elle peint l'action même, quelle énergie, quelle rapidité, disjice compositam..., sere, arma velit, poscat, rapiat! Éole a répondu à Junon; mais l'impatiente furie est aussitôt en action, exin Gorgoneis...

La fureur qui s'empare du cœur d'Amate, de Turnus et des penples, cette métaphore employée dans le style ordinaire, va devenir une image réelle et former trois actions distinctes, que le poëte raconte avec la variété conforme au genre et au caractère des personnages.

Nous connaissons les projets et les vœux d'Amate. Maintenant Virgile se contente de nous la montrer seule dans son appartement, tacitum limen Amata, et de peindre en quelques mots ce qui se passait dans le cœur d'une femme et d'une mère, feminæ ardentem curæque iræque coquebant. De cet état si favorable aux projets de a furie, nous allons la voir passer graduellement aux derniers accès du délire. Ne suivons-nous pas avec les mouvements et l'action du serpent la passion, qui peu à peu s'empare de l'âme, et la conduit par degrés aux plus violents transports? Quelle perfection dans cette poésie, qui nous peint le reptile errant sur le corps d'Amate, et partout avec des images variées, suivant les parties du corps qu'il parcourt! D'abord sur le sein, inter vestes et pectora ; ne semble-t-il pas l'effleurer sans pouvoir être senti, levia, lapsus, attactu nullo, fallitque furentem? Ensuite autour du cou et sur la tête, fit tortile collo aurum..., fit longæ tœnia vittæ;

Eneade possint Italosve obsidere fines.

Tu potes unanimos armare in prælia fratres,
Atque odiis versare domos; tu verbera tectis
Funereasque inferre faces; tibi nomina mille,
Mille nocendi artes: fecundum concute pectus.
Disjice compositam pacem, sere crimina belli;
Arma velit poscatque simul rapiatque juventus. »
Exin Gorgoneis Allecto infecta venenis
Principio Latium et Laurentis tecta tyranni
Celsa petit, tacitumque obsedit limen Amatæ,
Quam super adventu Teucrûm Turnique hymenæis
Femineæ ardentem curæque iræque coquebant.
Huic dea cæruleis unum de crinibus anguem
Conjicit, inque sinum præcordia ad intima subdit,
Quo furibunda domum monstro permisceat omnem.
Ille inter vestes et levia pectora lapsus
Volvitur attactu nullo, fallitque furentem,
Vipeream inspirans animam; fit tortile collo

les deux épithètes font mieux ressortir encore le contraste des images. La gradation des vers suivants exprime aussi parfaitement le progrès du mal : ce n'est d'abord qu'un poison, qui se fait sentir à peine, udo veneno sublapsa, pertentat sensus, ensuite un feu qui s'insinue dans les os, ossibus implicat ignem, enfin une flamme qui bientôt embrasera le cœur tout entier, necdum animus toto pectore flammam.

Cette gradation si bien ménagée permet au poëte de suivre la marche de la nature. En effet, il est vraisemblable qu'avant de soulever la nation, Amate essaie de gagner ou de fléchir le roi. Rien de plus vrai dans la pensée et dans l'expression, mollius, et solito matrum de more, multa super natâ lacrymans. Le mépris que les Troyens pouvaient inspirer, cette idée que Virgile avait écartée dans le récit de l'ambassade, est la première du discours d'Amate, exsulibus... Teucris. Chaque mot du vers suivant s'adresse au cœur d'un père, genitor au lieu de conjux, natœque, tuíque, matris, et miseret, dont la répétition fait si bien sentir le malheur qu'elle prévoit, et qu'elle exprime avec tant d'énergie, quam... perfidus... prædo; accusation aussitôt complétée par cet exemple, que le mouvement anime encore, at non sic Phrygius... pastor... Helenam... Quelle adresse et quelle naturel dans cette concession, si gener externâ petitur de gente, idque sedet, Faunique premunt te jussa! Ses raisons n'en auront que plus de force, pour lever les scrupules du roi omnem equidem....... externam..... reor..... Latinus reste inébranlable. Complétant alors le développement

Aurum ingens coluber, fit longæ tænia vittæ,
Innectitque comas, et membris lubricus errat.
Ac, dum prima lues udo sublapsa veneno
Pertentat sensus atque ossibus implicat ignem,
Necdum animus toto percepit pectore flammam,
Mollius et solito matrum de more locuta est,
Multa super natà lacrymans Phrygiisque hymenæis :
<< Exsulibusne datur ducenda Lavinia Teucris,
O genitor? nec te miseret natæque tuique,
Nec matris miseret, quam primo Aquilone relinquet
Perfidus, alta petens, abductâ virgine, prædo?
At non sic Phrygius penetrat Lacedæmona pastor,
Ledæamque Helenam Trojanas vexit ad arces?
Quid tua sancta fides, quid cura antiqua tuorum,
Et consanguineo toties data dextera Turno?
Si gener externâ petitur de gente Latinis,
Idque sedet, Faunique premunt te jussa parentis,
Omnem equidem sceptris terram quæ libera nostris
Dissidet, externam reor, et sic dicere Divos;
Et Turno, si prima domûs repetatur origo,
Inachus Acrisiusque patres, mediæque Mycenæ, »

de l'image allégorique, penitus in viscera lapsum serpentis furiale malum..., le poëte livre Amate à toutes ses fureurs. La pitié même qu'elle inspire, infelix, ajoute à l'expression de ses transports, ingentibus excita monstris,sine more furit lymphata. On voit que Virgile cherche à relever l'action et l'objet de la comparaison par l'idée de l'étendue, magno in gyro, vacua atria circùm, par le sentiment de l'admiration, stupet inscia... manus, mirata, par la noble hardiesse des derniers mots, dant animos; mais un effet particulier du genre de mouvement qu'à chaque fois le fouet accélère, torto sub verbere volitans, actus habenâ curvatis fertur spatiis, volubile buxum, plage, c'est que nous voyons le sabot tourner plutôt que courir: et, quoique le poëte ajoute, haud cursu segnior illo, le tournoiement domine et dégrade un peu trop le personnage dont il semble peindre le mouvement. Lorsque Didon était en proie à sa passion, Virgile peignait aussi l'agitation de son corps, mais sans développer l'image, liv. Iv, v. 68, 300: il garde moins de ménagement avec la reine des Latins. De même la simple comparaison de Didon avec une bacchante va devenir pour Amate une action véritable, simulato numine Bacchi....... Quoi de plus poétique que ces bacchanales dont le délire s'accorde avec l'état de la reine et seconde ses projets? C'est d'abord un moyen de soustraire Lavinie à son père, natam frondosis montibus abdit... Le poëte ne semble-t-il pas s'animer des mêmes transports, quand il représente Amate consacrant sa fille à Bacchus, evoe, Bacche, fremens, solum te virgine dignum? Un effet connu des bacchanales, cette contagion de délire, dont les femmes mêmes auraient eu peine à rendre compte, a lieu dans le récit avec la même rapidité,

His ubi nequidquam dictis experta Latinum
Contrà stare videt, penitusque in viscera lapsum
Serpentis furiale malum totamque pererrat,
Tum verò infelix, ingentibus excita monstris,
Immensam sinè more furit lymphata per urbem.
Ceu quondam torto volitans sub verbere turbo,
Quem pueri magno in gyro vacua atria circùm
Intenti ludo exercent; ille actus habenà
Curvatis fertur spatiis; stupet inscia suprà
Impubesque manus, mirata volubile buxum;
Dant animos plagæ: non cursu segnior illo
Per medias urbes agitur populosque feroces.
Quin etiam in sylvas, simulato numine Bacchi,
Majus adorta nefas majoremque orsa furorem,
Evolat, et natam frondosis montibus abdit,
Quò thalamum eripiat Teucris tædasque moretur,
Evoe, Bacche, fremens, solum te virgine dignum
Vociferans; etenim molles tibi sumere thyrsos;

fama volat, furiis accensas pectore matres, idem omnes simul ardor agit. Quelques images nous transportent au milieu de la scène, ventis dant colla comasque, tremulis ululatibus, pampineas hastas. Remarquez celle qui fixe nos regards sur Amate elle-même, ipsa inter medias flagrantem fervida pinum sustinet. Comme ces mots animent sa figure, sanguineam torquens aciem, torvùmque repentè...! Et quelle énergie le tableau communique à ses paroles, où l'intérêt maternel se joint à la fureur des Bacchantes, Io, matres..., si juris materni cura remordet, solvite crinales vittas...! Plus de détails et de plus longs discours ôteraient à l'action cette vivacité de traits et de couleurs qui ne laisse pas de repos à l'imagination. Amate parvient à faire de sa cause la cause de toutes les mères: nous les verrons plus loin pousser leurs époux et leurs fils à la guerre.

Comme Turnus ne doit pas, sans motifs certains et sur la foi d'un songe, s'embraser de la fureur des combats, nous apprendrons qu'il connaissait déjà l'arrivée des Troyens et les projets de Latinus. Mais Alecton, qui ne sait pas si la nouvelle est parvenue jusqu'à lui, doit commencer par l'en instruire. Son déguisement, sous la figure d'une prêtresse de Junon protectrice de Turnus, est un moyen vraisemblable. Le poëte conserve à la furie les formes

Te lustrare choro, sacrum tibi pascere crinem.
Fama volat; furiisque accensas pectore matres
Idem omnes simul ardor agit nova quærere tecta :
Deseruêre domos; ventis dant colla comasque;
Ast aliæ tremulis ululatibus æthera complent,
Pampineasque gerunt incinctæ pellibus hastas.
Ipsa inter medias flagrantem fervida pinum
Sustinet, ac natæ Turnique canit hymenæos,
Sanguineam torquens aciem, torvùmque repentè
Clamat: «Io, matres, audite, ubi quæque, Latinæ,
Si qua piis animis manet infelicis Amatæ
Gratia, si juris materni cura remordet;
Solvite crinales vittas, capite Orgia mecum. »
Talem inter sylvas, inter deserta ferarum,
Reginam Allecto stimulis agit undique Bacchi.
Postquam visa satis primos acuisse furores,
Consiliumque omnemque domum vertisse Latini,
Protinus hinc fuscis tristis dea tollitur alis
Audacis Rutuli ad muros, quam dicitur urbem
Acrisioneis Danae fundàsse colonis,

Præcipiti delata Noto: locus Ardea quondam

Dictus avis; et nunc magnum manet Ardea nomen;
Sed fortuna fuit. Tectis hic Turnus in altis

Jam mediam nigrà carpebat nocte quietem.
Allecto torvam faciem et furialia membra

de la laideur, in vultus sese transformat aniles, et frontem obscenam rugis arat.

Après l'expression générale de l'injustice et de l'ingratitude, tot incassum fusos patiere labores, chaque détail renferme un trait qui doit aller au cœur du héros, tua sceptra, Dardaniis colonis transcribi, tibi... quæsitas sanguine dotes abnegat, externus quæritur hæres. Quelle énergie dans ce mouvement, i nunc..., i..., dans le sourire amer de la furie, ingratis offer te, irrise, periclis, dans cette image éclatante des services oubliés, Tyrrhenas... sterne acies, tege pace Latinos! Remarquez surtout l'effet que doit produire sur ce cœur ainsi remué l'expression imposante des ordres de Junon, la perspective de la victoire, et la confiance guerrière qui respire dans le dernier vers, sentiat et tandem Turnum experiatur in armis.

L'intention d'annoncer que Turnus était instruit de l'arrivée des Troyens se trouve adroitement déguisée sous le besoin qu'il éprouve de répondre à la vieille prêtresse. On sent combien son cœur est blessé, qu'elle l'ait cru endormi dans un lâche repos, non, ut rere, meas effugit nuntius aures, ne tantos mihi finge metus, victa situ verique effeta senectus... Il rejette sur la prêtresse ellemême l'inquiétude et la crainte qu'elle lui suppose, te curis nequid

Exuit; in vultus sese transformat aniles,

Et frontem obscenam rugis arat; induit albos
Cum vittà crines; tum ramum innectit olivæ :
Fit Calybe, Junonis anus templique sacerdos,
Et juveni ante oculos his se cum vocibus offert:
«Turne, tot incassum fusos patiere labores,
Et tua Dardaniis transcribi sceptra colonis?
Rex tibi conjugium et quæsitas sanguine dotes
Abnegat, externusque in regnum quæritur hæres!
I nunc, ingratis offer te, irrise, periclis;
Tyrrhenas, i, sterne acies, tege pace Latinos.
Hæc adeò tibi me, placidà quum nocte jaceres,
Ipsa palam fari omnipotens Saturnia jussit.
Quare age, et armari pubem, portisque moveri
Lætus in arma para, et Phrygios, qui flumine pulchro
Consedêre, duces, pictasque exure carinas
Cœlestum vis magna jubet. Rex ipse Latinus,

Ni dare conjugium et dicto parere fatetur,

Sentiat, et tandem Turnum experiatur in armis. »
Hic juvenis vatem irridens, sic orsa vicissim
Ore refert: «Classes invectas Thybridis undam,
Non, ut rere, meas effugit nuntius aures;
Ne tantos mihi finge metus: nec regia Juno
Immemor est nostri.

Sed te victa situ verique effeta senectus,
O mater, curis nequidquam exercet, et arma

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