Le armes annoncent qu'ils sont encore, pulveream nubem...? dernier vers est souvent cité pour sa cadence, quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum, mais on n'observe point que par ce vers imitatif, Virgile veut surtout figurer la célérité du voyage; et telle est son intention générale, en donnant pour secours au héros un corps de cavalerie. Aussi le voyons-nous arriver ce jour même à l'armée des Tyrrhéniens. Rappelons-nous d'ailleurs son arrivée à Pallantée le jour de son départ du camp, et son départ de Pallantée le matin du jour suivant. Deux jours au plus suffisent à cette partie du voyage et à l'action du huitième livre. Virgile pouvait, à l'exemple d'Homère, décrire les merveilles du bouclier, au moment où il sor t des forges de Vulcain. Mais afin d'ajouter à l'intérêt par la présence d'Énée, il a mieux aimé faire la description, lorsque Vénus apporte l'armure à son fils : ce qui ne peut avoir lieu que dans le voyage actuel. Car pressés de revenir aux Troyens, nous abandonnerons le héros à son arrivée dans le camp des Tyrrhéniens, pour le voir ensuite reparaître au milieu des combats du dixième chant, et la scène du bouclier devenait alors impossible. C'est donc avec autant de raison que d'adresse, que Virgile s'est ménagé cette conclusion magnifique et nationale du huitième livre. L'apparition de Vénus, au milieu de la marche et parmi les soldats, serait invraisemblable. Virgile suppose donc qu’Énée s'arrête pour faire reposer sa cavalerie fatiguée, fessique... equos..., et qu'il s'écarte seul dans un vallon voisin, in valle reductâ ut pro Pulveream nubem et fulgentes ære catervas. cul... L'aspect des lieux décrits d'abord par le poëte, et leurs souvenirs religieux conviennent à la scène qui se prépare, ingens lucus, relligione patrum..., Sylvano fama est... C'est à la vue du camp des Tyrrhéniens..., videri jam poterat legio...: il ne restera aucune incertitude sur l'arrivée d'Énée. Le poëte s'arrête à peine aux détails de l'entrevue de Vénus et de son fils : il veut que l'attention se porte uniquement sur l'armure merveilleuse, avec la pensée et l'admiration du héros, tanto lætus honore, expleri nequit, atque oculos per singula volvit, miraturque... Virgile énumère d'abord les parties principales, en y joignant les idées et les images qui inspirent la terreur, ou relèvent la matière et le travail, terribilem cristis galeam..., fatiferum ensem, loricam ex ære rigentem, sanguineam..., qualis quum cærula nubes solis..., etc... Ayant déjà parlé de la matière et de la forme du bouclier (v. 447), il ne s'agit plus maintenant que des tableaux qui en ornent la surface; c'est l'objet important, et aucune image n'en détourne, clypei non enarrabile textum. Les tableaux du bouclier d'Achille n'ont de charmes et d'intérêt que par la perfection de la poésie. Virgile joint à ce mérite l'immense avantage de l'intérêt national: il imite en génie créateur. Le plaisir que le lecteur romain a goûté dans les Champs-Élysées, se renouvelle à l'aspect du bouclier d'Énée. Mais la situation du poëte a changé : son rôle subordonné à celui du peintre le force de se renfermer dans des bornes plus étroites : les tableaux qu'il copie ne doivent représenter, chacun séparément, qu'un fait principal, dont les diverses parties et les accessoires appartiennent au même instant la simultanéité est de rigueur. Plus sévère qu'Homère et que la plupart de ses imitateurs, Virgile respecte cet obstacle, et sa poésie n'en doit paraître que plus parfaite. Talibus affata est dictis, seque obtulit ultro: Ille deæ donis et tanto lætus honore Expleri nequit, atque oculos per singula volvit, Le premier tableau est un des plus remarquables. 1o Le lieu de la scène, viridi Mavortis in antro; 2o la louve et sa position principale, procubuisse lupam; 3o les deux enfants et leur action, huic ubera..., pendentes pueros...; 4° la position accessoire de la louve, donnant de l'ensemble aux diverses parties, illam... reflexam mulcere... On reconnaît le peintre aux deux épithètes, viridi in antro, tereti cervice. L'expression des sentiments, ludere, impavidos, mulcere, donne la vie au tableau. — Quelques traits mieux marqués et plus distincts auraient suffi pour faire, de l'enlèvement des Sabines, un tableau plus digne de l'action et du poëte. On saisit beaucoup mieux les détails de celui où l'on voit les deux rois jurer la paix, armati, Jovis ante aram... Le crime de Métius, que le peintre ne pouvait pas indiquer, est rappelé par le poëte, sans que les yeux aient eu le temps de se détourner, at tu dictis, Albane, maneres. Le dernier vers offre une image frappante de la scène, per sylvam, et sparsi rorabant sanguine vepres. Dans le tableau de Porsenna, l'attitude du roi, et son rapport avec l'action d'Horatius Coclès et avec celle de Clélie, forme et conserve au sujet l'unité nécessaire. Du lieu que Manlius occupe, in summo custos Tarpeia..., sa figure domine dans la description comme Illic res Italas Romanorumque triumphos, Nec procul hinc Romam, et raptas sinè more Sabinas Haud procul inde, citae Metium in diversa quadriga In summo custos Tarpejæ Manlius arcis sur le bouclier. Ceux qui proposent de retrancher ce vers, romuleoque recens horrebat regia culmo, ne voient pas que cette circonstance, inutile au poëte, ne l'est pas pour le peintre, qui doit figurer l'aspect des lieux; Virgile copie. Il est difficile d'accorder cette profonde obscurité, tenebris... noctis opaca, avec les détails des vers suivants; comment faire briller alors ces couleurs et tant d'éclat, aurea cæsaries, aurea vestis, virgatis lucent..., lacte a colla, auro innectuntur? D'ailleurs l'expression poétique ne laisse rien à désirer: on ne pouvait mieux peindre le soldat gaulois. Dans le tableau des coutumes religieuses, chaque partie se peint aux yeux par elle-même ou par l'épithète, exultantes Salios, nudos Lupercos, apices, ancilia. La cadence et le dernier mot font sentir la lenteur de la marche, castæ ducebant... pilentis... in mollibus. La scélératesse de Catilina si bien rappelée par l'image de son supplice, minaci pendentem scopulo..., fait paraître encore plus sublime cette image de la vertu de Caton, secretosque pios, his dantem jura Catonem. Ici Virgile songeait peut-être à réparer une faiblesse. Par égard pour la gloire d'Auguste, le nom de Cicéron n'a jamais orné ses vers. Mais ne vient-il pas d'acquitter sa conscience? Nommer Catilina, c'est rappeler le souvenir du consul, père de la patrie, et son plus beau titre à la reconnaissance des Romains. Jusqu'ici la plupart des tableaux n'appartiennent qu'aux premiers siècles de Rome. En écartant les sujets plus élevés et plus pompeux des époques suivantes, le poëte semblerait avoir ménagé l'admiration pour la partie principale consacrée à la gloire d'Auguste. Stabat pro templo, et Capitolia celsa tenebat; La bataille d'Actium et le triomphe forment quatre tableaux distincts. Mais d'abord Virgile décrit le lieu de l'action nous voyons dans le premier vers l'étendue et le mouvement de la mer, tumidi latè maris ibat imago, dans le second la couleur de l'onde agitée; la mer était sculptée sur l'or, aurea, mais par le mélange des métaux, la surface présente à l'œil l'azur de l'eau et la blancheur de l'écume, sed fluctu spumabant cærula cano. Autour de cette partie du bouclier, les dauphins, argento clari..., forment une espèce de cercle; la place de et circùm suffirait pour le prouver à ceux qui les font nager parmi les vaisseaux. Comment se fait-il encore que tous les traducteurs et commentateurs aient oublié que les armées de terre d'Octave et d'Antoine étaient rangées sur le promontoire de Leucate? L'ensemble du spectacle devient plus sublime, et l'on comprend mieux ces images, instructo Marte fervere Leucaten, auroque effulgere fluctus. Premier tableau: Les deux flottes rangées en bataille. 1o Auguste. Sa cause est celle de Rome, Italos, cum patribus, Penatibus, et magnis Dis. L'image, et la place des mots, stans celsa in puppi, détachent son corps au milieu du tableau, et l'éclat des deux images suivantes achève de fixer sur lui nos regards, geminos cui tempora flammas..., patrium... vertice sidus. 2o Agrippa, qui commandait l'une des deux ailes. La pompe de ce vers, arduus..., et la couronne rostrale, sans éclipser Auguste, désignent avec grandeur et clarté l'auteur de la victoire. 3o Antoine. Quel contraste avec les partisans, la cause et la gloire d'Auguste, ope barbaricâ, variis armis..., ab Auroræ populis..., Ægyptum, vires Orientis, ultima bactra! Le dernier trait achève de jeter sur Antoine la défaveur des Romains, sequiturque, nefas! Ægyptia conjux. Hæc inter tumidi latè maris ibat imago Hinc Augustus agens Italos in prælia Cæsar, |