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ples qui devaient la composer. Maintenant quelques mots en présentent la réunion, primas acies, postrema, medio agmine; et tel est encore le but de la comparaison, où nous voyons chacun des deux fleuves couler majestueusement par les sept bouches qui forment son lit ordinaire, après avoir rassemblé ses eaux dispersées dans les campagnes, ceu septem surgens sedatis amnibus..... per tacitum... Ce nuage que l'on voit tout à coup se former dans le lointain et s'épaissir à mesure qu'il ayance, présente une vive image de l'approche des ennemis, hic subitam nigro glomerari..., tenebrasque... L'expression générale de la surprise produirait moins d'effet, que les paroles d'un seul homme exprimant avec tant de force et de vivacité le premier doute, quis globus..., et la certitude qui succède aussitôt, ferte citi ferrum..., hostis adest... -Les combats du neuvième livre devant se borner à l'attaque du camp, l'ordre vraisemblable que Virgile suppose, præceperat optimus armis Æneas....., retiendra les Troyens dans leurs retranchements et les justifie d'avance du reproche de lâcheté, etsi conferre manum pudor iraque monstrat, objiciunt portas..., præcepta facessunt...

L'événement merveilleux, qui prive les Troyens de leur flotte, suffit pour signaler le premier jour de la guerre : Virgile remet l'assaut au lendemain. Cependant la première fois que Turnus paraît devant l'ennemi, il va nous peindre sans combat sa valeur impétueuse. Quelle ardeur guerrière dans sa course, ante volans...

Messapus primas acies, postrema coercent
Tyrridæ juvenes; medio dux agmine Turnus
Vertitur arma tenens, et toto vertice suprà est.
Ceu septem surgens sedatis amnibus altus
Per tacitum Ganges, aut pingui flumine Nilus,
Quum refluit campis, et jam se condidit alveo.
Hic subitam nigro glomerari pulvere nubem
Prospiciunt Teucri, ac tenebras insurgere campis.
Primus ab adversà conclamat mole Caicus:
« Quis globus, o cives, caligine volvitur atrâ!
Ferte citi ferrum, date tela, scandite muros:
Hostis adest, eia! » Ingenti clamore per omnes
Condunt se Teucri portas, et moenia complent.
Namque ita discedens præceperat optimus armis
Æneas: si qua interea fortuna fuisset,

Ne struere auderent aciem, neu credere campo;
Castra modò et tutos servarent aggere muros.
Ergo, etsi conferre manum pudor iraque monstrat,
Objiciunt portas tamen, et præcepta facessunt,
Armatique cavis exspectant turribus hostem.

Turnus, ut ante volans tardum præcesserat agmen,

præcesserat..., improvisus adest, dans ce défi, ecquis erit mecum, qui primus in hostem! Peut-on mieux exprimer que par cette interruption subite, et par la légèreté de en ait, la vivacité du jeune guerrier, qui craint qu'on ne le devance, jaculum adtorquens principium pugnæ? La promptitude et l'impatience de ses mouvements se peint dans l'harmonie de ces mots, hùc turbidus atque hùc. La comparaison achève le tableau : il n'y a pas une image de l'état et de l'action du loup, qui n'en exprime la violence et la douleur, quùm fremit ad caulas, ventos perpessus... Sa fureur ne semblet-elle pas s'accroître de la sécurité et du calme, qui règnent dans cette pensée et dans la cadence, tuti sub matribus agni balatum exercent? L'expression énergique de sa fureur impuissante, asper et improbus irá sævit in absentes, ne peut être surpassée que par celle de sa rage, collecta fatigat edendi ex longo rabies...: et la rage de Turnus à la vue du camp des Troyens, muros et castra tuenti, n'en sentons-nous pas aussi l'excès et les tourments, ignescunt iræ, duris dolor ossibus ardet? La flotte se présente à nos regards, comme à ceux du héros, classem, quæ lateri castrorum.....: nous la voyons aussitôt attaquée, invadit : la même ardeur anime les détails, incendia poscit, manum pinu flagranti fervidus implet, urget præsentia Turni. — Après ce tableau de la fureur guerrière

Viginti lectis equitum comitatus, et urbi

Improvisus adest: maculis quem Thracius albis
Portat equus, cristâque tegit galea aurea rubrà.
« Ecquis erit mecum, juvenes, qui primus in hostem...?
En,» ait: et jaculum adtorquens emittit in auras,
Principium pugnæ, et campo sese arduus infert.
Clamore excipiunt socii, fremituque sequuntur
Horrisono: Teucrûm mirantur inertia corda,
Non æquo dare se campo, non obvia ferre
Arma viros, sed castra fovere. Huc turbidus atque huc
Lustrat equo muros, aditumque per avia quærit.

Ac veluti, pleno lupus insidiatus ovili,

Quum fremit ad caulas, ventos perpessus et imbres,
Nocte super mediâ; tuti sub matribus agni
Balatum exercent; ille, asper et improbus irà,
Sævit in absentes; collecta fatigat edendi
Ex longo rabies et siccæ sanguine fauces :
Haud aliter Rutulo muros et castra tuenti
Ignescunt iræ et duris dolor ossibus ardet:
Quâ tentet ratione aditus, et quæ via clausos
Excutiat Teucros vallo, atque effundat in æquor.
Classem, quæ lateri castrorum adjuncta latebat,
Aggeribus sæptam circùm et fluvialibus undis,
Invadit, sociosque incendia poscit ovantes,
Atque manum pinu flagranti fervidus implet.
Tum verò incumbunt; urget præsentia Turni,

de Turnus, l'expression variée du feu, et toutes les images de la flamme, dont nous voyons le héros et ses soldats armés, présentent à l'imagination la nature et la grandeur du danger qui menace les vaisseaux. On peut cependant s'étonner que, les Troyens étant campés sur le fleuve, les mêmes retranchements ne protégent pas à la fois l'armée et la flotte. Le genre de l'action exigera même qu'il ne se trouve aucun Troyen sur les vaisseaux, ce que Virgile essaiera de justifier par les paroles de Cybèle, v. 114. Ne voit-on pas un peu trop le besoin du poëte?

La métamorphose des vaisseaux en nymphes est une de ces fameuses traditions que Virgile ne croyait pas pouvoir passer sous silence (v. liv. III, p. 97.) Quant à la nature du prodige, il paraît lui-même passer condamnation : c'est du moins la conséquence à tirer de l'invocation, et du soin qu'il met à prévenir que ce fait merveilleux n'est pas de son invention, prisca fides facto, sed fama perennis.

Afin d'arrêter moins longtemps l'esprit sur cette fiction, il semble que Virgile aurait dû rapporter sans détails, et sans remonter si haut, la faveur que le souverain des dieux avait accordée à sa mère. Mais plusieurs vaisseaux devant périr avant l'arrivée des Troyens en Italie, il fallait restreindre la promesse; et le discours de Jupiter prouve assez que c'est le but de la scène. Cybèle voudrait que les vaisseaux ne fussent pas même exposés au danger de périr, ne cursu quassatæ ullo, neu turbine venti vincantur. Le ton et les mouvements de la réponse font sentir l'indiscrétion de la demande.

Atque omnis facibus pubes accingitur atris;
Diripuêre focos: piceum fert fumida lumen
Tæda, et commixtam Vulcanus ad astra favillam.
Quis deus, o Musæ, tam sæva incendia Teucris
Avertit? tantos ratibus quis depulit ignes?
Dicite prisca fides facto, sed fama perennis.
Tempore quo primùm Phrygià formabat in Ida
Eneas classem, et pelagi petere alta parabat,
Ipsa Deum fertur genitrix Berecynthia magnum
Vocibus his affata Jovem : « Da, nate, petenti
Quod tua cara parens domito te poscit Olympo.
Pinea sylva mihi, multos dilecta per annos,
Lucus in arce fuit summà, quò sacra ferebant,
Nigranti piceà trabibusque obscurus acernis.
Has ego Dardanio juveni, quum classis egeret,
Læta dedi; nunc sollicitam timor anxius angit.
Solve metus, atque hoc precibus sine posse parentem,
Ne cursu quassatæ ullo, neu turbine venti
Vincantur: prosit nostris in montibus ortas. >>
Filius huic contrà, torquet qui sidera mundi ;

L'opposition de mortali et immortale, de certus et incerta, donne de la précision et de la force au raisonnement que complètent si noblement ces mots, cui tanta deo permissa potestas. Jupiter laisse même entrevoir que plusieurs vaisseaux périront, quæcumque evaserit undas. Enfin les motifs du refus fondés sur l'état présent des vaisseaux, amènent, aussi bien qu'il est possible, l'idée de l'immortalité, qui leur sera donnée sous une autre forme.- Annuit et... (voy. liv. x, V. 115.)

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L'arrivée subite de Cybèle est annoncée d'une manière éclatante, nova lux....., et ingens..., chori..., vox horrenda. On retrouve dans ses paroles et dans l'apostrophe aux vaisseaux, l'intérêt qui animait son discours à Jupiter, meas naves, sacras pinus, vos, ite solutæ, Genitrix jubet. La métamorphose serait encore moins vraisemblable, si elle avait lieu immédiatement sous les yeux des spectateurs ; mais les vaisseaux disparaissent sous l'onde, demersis æquora rostris ima petunt, et du sein de l'onde on voit reparaître autant de Nymphes, hinc virgineæ... reddunt se totidem facies.

Privés de leurs vaisseaux, les Troyens doivent éprouver quel

«O genitrix, quò fata vocas? aut quid petis istis?
Mortaline manu factæ immortale carinæ
Fas habeant? certusque incerta pericula lustret
Eneas? Cui tanta deo permissa potestas?
Imò, ubi defunctæ finem portusque tenebunt
Ausonios, olim quæcumque evaserit undis,
Dardaniumque ducem Laurentia vexerit arva,
Mortalem eripiam formam, magnique jubebo
Equoris esse deas: qualis Nereia Doto

Et Galatea secant spumantem pectore pontum. »
Dixerat; idque ratum Stygii per flumina fratris,
Per pice torrentes atràque voragine ripas
Annuit, et totum nutu tremefecit Olympum.

Ergo aderat promissa dies, et tempora Parcæ
Debita complèrant, quum Turni injuria Matrem
Admonuit ratibus sacris depellere tædas.
Hic primùm nova lux oculis offulsit, et ingens
Visus ab Aurorà cœlum transcurrere nimbus,
Idæique chori; tum vox horrenda per auras
Excidit, et Troum Rutulorumque agmina complet :
«Ne trepidate meas, Teucri, defendere naves,
Neve armate manus: maria antè exurere Turno
Quàm sacras dabitur pinus. Vos, ite solutæ,
Ite, de pelagi: Genitrix jubet. » Et sua quæque
Continuò puppes abrumpunt vincula ripis,
Delphinumque modo demersis æquora rostris
Ima petunt. Hinc virgineæ (mirabile monstrum!)
Reddunt se totidem facies, pontoque feruntur.

ques regrets; mais la source du prodige que les détails annoncent, ab Aurora, idæique chori, genitrix, et les paroles de la déesse, ne trepidate, Teucri..., maria ante exurere Turno..., les rassurent et leur permettent à peine de s'affliger. Virgile ne peint que l'étonnement et l'effroi des ennemis, obstupuére....., conterritus ipse turbatis Messapus equis : l'effet produit sur le fleuve lui-même, et les images du dernier vers complètent l'expression de la terreur, cunctatur et amnis, rauca sonans, revocatque pedem..... Ce tableau de l'effroi général fait ressortir la confiance et l'audace de Turnus, at non audaci cessit fiducia Turno; de sorte que le prodige devient pour le poëte un nouveau moyen de peindre le héros. Turnus veut rassurer les soldats épouvantés. 1o Comme la métamorphose des vaisseaux est une perte évidente pour les Troyens, il en conclut que les dieux, qui les en ont privés, leur sont contraires, Trojanos hæc monstra petunt, Jupiter auxilium solitum eripuit... Dans l'expression des dangers que leur présage ce malheur, ergò maria invia Teucris, on sent à la fois son mépris pour eux, nec spes ulla fuga, et sa confiance dans ses forces, terra in nostris manibus, tot millia... 2o Ce prodige semblait confirmer les oracles répandus dans le Latium: Turnus réfute aussitôt ces motifs de terreur dont il tient si peu de compte, nil me fatalia, si qua... præ se jactant..., sat fatis Venerique datum... Quelle énergie dans cette transition, sunt et mea contrà fata mihi...! Peut-il mieux prouver que les dieux doivent être contre les Troyens et pour lui? Observez la place et l'effet de conjuge præreptâ: il insiste avec autant de noblesse que de précision sur cet outrage dont l'habitude et la répétition rendent les Troyens plus criminels et plus odieux, nec solos tangit Atridas iste dolor..., sed periisse semel

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