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à l'esprit des Troyens et du lecteur, nec nos via fallit euntes, vidimus... urbem venatu assiduo...

L'espoir de revoir un père, et l'effet naturel produit sur un jeune cœur par l'idée seule d'une action généreuse, donneraient moins de poids à la reconnaissance nationale exprimée par Ascagne. Virgile fait parler d'abord un Troyen, dont il a soin d'annoncer l'âge et la maturité, hìc annis gravis atque animi maturus Alethes. Quel enthousiasme, quelle vérité dans cette apostrophe subite du vieillard aux dieux, Di patrii, quorum semper sub numine Troja est ! L'état désespéré des Troyens fait encore ressortir l'espoir que leur rend le courage des deux jeunes héros, non tamen omninò delere paratis... · Un acteur sur la scène nous attendrirait moins que ce tableau, humeros dextrasque tenebat amborum, et vultum lacrymis atque ora rigabat. Avec quel mouvement et quel respect la reconnaissance et l'admiration continuent de s'exprimer, quæ vobis, quæ digna... pro laudibus istis...! Remarquez surtout ce mot, viri. Rien de plus noble, de plus sublime que cette pensée, pulcherrima primum Di moresque dabunt vestri...!

Voyez aussitôt l'empressement d'Ascagne à confirmer les promesses d'Aléthès, imò ego vos... Nous venons d'entendre le langage de la maturité; mais Ascagne est un enfant qu'émeut avant tout l'espérance de revoir son père. C'est la reconnaissance de la piété filiale qui s'exprime avec cette ardeur et cet épanchement, cui sola salus genitore reducto, per magnos... penates..., quæcum

Quæsitum Enæan ad moenia Pallantea

Mox hic cum spoliis, ingenti cæde peractâ,
Affore cernetis. Nec nos via fallit euntes;
Vidimus obscuris primam sub vallibus urbem
Venatu assiduo, et totum cognovimus amnem. »
Hic annis gravis atque animi maturus Alethes :

་་

Di patrii, quorum semper sub numine Troja est,

Non tamen omnino Teucros delere paratis,
Quum tales animos juvenum et tam certa tulistis
Pectora!» Sic memorans, humeros dextrasque tenebat
Amborum, et vultum lacrymis atque ora rigabat.
«Quæ vobis, quæ digna, viri, pro laudibus istis
Præmia posse rear solvi? Pulcherrima primùm
Di moresque dabunt vestri; tum cætera reddet
Actutum pius Æneas, atque integer ævi
Ascanius, meriti tanti non immemor unquam, »
Imò ego vos, cui sola salus genitore reducto,
Excipit Ascanius, per magnos, Nise, Penates,
Assaracique Larem et canæ penetralia Vestæ,
Obtestor; quæcumque mihi fortuna fidesque est,

que mihi fortuna fidesque est..., revocate parentem, reddite..., nihil illo triste recepto. L'énumération des présents semble ne devoir pas finir: douze vers y sont consacrés. Il n'y a qu'un enfant qui puisse promettre en ce moment le cheval et l'armure de Turnus: on reconnaît son âge à la tournure même et aux détails, vidisti quo Turnus equo..., ipsum illum..., cristasque rubentes... Enfin son cœur ne paraît satisfait que par ce dernier trait, insuper his, campi quod rex habet ipse Latinus. Ascagne ne peut s'acquitter envers Nisus que par des présents; mais Euryale, il veut s'en faire un ami; son âge le permet, mea... spatiis propioribus ætas... Quelle beauté, quelle délicatesse de sentiment! Son admiration ne se peint pas moins vivement dans cette expression de son respect pour un enfant, venerande puer. Avec quel épanchement il insiste sur une amitié déjà si chère à son cœur, jam pectore toto accipio, comitem casus complector in omnes, nulla sinè te... gloria, seu pacem, seu bella geram, tibi maxima rerum verborumque fides!

Pour que la scène soit complète, Euryale doit parler. Quelle importance il attache à sa prière, sed te super omnia dona unum oro! Ne sent-on pas tout son amour pour sa mère dans l'expression des preuves qu'il en a reçues, quam miseram tenuit non Ilia tellus, mecum..., non...? Il lui en coûte de la quitter à son insu,

In vestris pono gremiis: revocate parentem,
Reddite conspectum : nihil illo triste recepto.
Bina dabo argento perfecta atque aspera signis
Pocula, devictà genitor quæ cepit Arisbà,
Et tripodas geminos, auri duo magna talenta,
Cratera antiquum, quem dat Sidonia Dido.
Si verò capere Italiam sceptrisque potiri
Contigerit victori, et prædæ ducere sortem,
Vidisti quo Turnus equo, quibus ibat in armis

Aureus ipsum illum, clypeum cristasque rubentes
Excipiam sorti, jam nunc tua præmia, Nise.
Præterea bis sex genitor lectissima matrum

Corpora, captivosque dabit, suaque omnibus arma;
Insuper his, campi quod rex habet ipse Latinus.
Te verò, mea quem spatiis propioribus ætas
Insequitur, venerande puer, jam pectore toto
Accipio, et comitem casus complector in omnes : ;
Nulla meis sinè te quæretur gloria rebus;
Seu pacem, seu bella geram, tibi maxima rerum
Verborumque fides. » Contra quem talia fatur
Euryalus: « Me nulla dies tam fortibus ausis
Dissimilem arguerit; tantùm fortuna secunda,
Haud adversa cadat! Sed te super omnia dona
Unum oro genitrix Priami de gente vetustà
Est mihi, quam miseram tenuit non Ilia tellus
Mecum excedentem, non monia regis Acesta.

hanc ego ignaram..., et peut-être pour ne plus la revoir, hujus quodcumque pericli est... Son excuse est dans l'accent, le mouvement et la tendresse de ces paroles, non, et tua testis dextera, quòd nequeam lacrymas perferre parentis. Avec quelles instances. il prie pour sa mère, at tu, oro, solare inopem, et succurre relictæ, hanc sine me spem ferre tuî! Ce qui ajoute au pathétique, c'est la vue même des dangers qu'Euryale ne se déguise pas, audentior ibo in Rien de plus naturel après ce discours, que les larmes des Troyens, et surtout celles d'Ascagne : ce retour si vrai et si touchant sur lui-même les rend encore plus faciles, animum patriæ strinxit pietatis imago. Sa réponse est digne de ses larmes, namque erit ista mihi genitrix..., per caput hoc juro, per quod pater...: son admiration s'y joint encore, tuis ingentibus cœptis, nec partum gratia talem parva manet.

casus omnes.

Le goût du poëte embellit les moindres détails sur Euryale. Voyez l'éclat et le travail de l'épée que lui donne Ascagne, auratam, mirâ arte... ...vaginá... eburná, et son contraste avec la parure sauvage que Nisus reçoit de Mnesthée, pellem horrentisque leonis exuvias... - Parmi les marques de l'intérêt que les Troyens portent aux jeunes héros, et au succès de l'entreprise, quos omnis euntes..., la figure d'Ascagne anime le tableau et le rend encore plus touchant, nec non et pulcher Iulus... multa patri portanda

Hanc ego nunc ignaram hujus quodcumque pericli est,
Inque salutatam linquo: nox et tua testis

Dextera, quòd nequeam lacrymas perferre parentis.
At tu, oro, solare inopem et succurre relictæ.
Hanc sine me spem ferre tui: audentior ibo
In casus omnes. » Perculsâ mente dederunt
Dardanidæ lacrymas; ante omnes pulcher Iulus,
Atque animum patriæ strinxit pietatis imago.
Tum sic effatur :

<< Spondeo digna tuis ingentibus omnia cœptis:
Namque erit ista mihi genitrix, nomenque Creusæ
Solum defuerit; nec partum gratia talem
Parva manet, casus factum quicumque sequentur.
Per caput hoc juro, per quod pater antè solebat,
Quæ tibi polliceor reduci rcbusque secundis,
Hæc eadem matrique tuæ generique manebunt. »

Sic ait illacrymans; humero simul exuit ensem
Auratum, mirà quem fecerat arte Lycaon
Gnosius, atque habilem vaginâ aptârat eburnâ.
Dat Niso Mnestheus pellem horrentisque leonis
Exuvias; galeam fidus permutat Alethes.
Protinus armati incedunt; quos omnis euntes
Primorum manus ad portas juvenumque senumque
Prosequitur votis; nec non et pulcher Iulus,

dabat mandata.

Ce cruel pressentiment, sed auræ omnia discerpunt..., répand sur le récit la teinte lugubre de la catastrophe: c'est quelquefois un art du narrateur.

Tous les détails de cette partie du récit sont pleins de vie et de chaleur. Outre l'intérêt particulier qu'ils excitent, l'inquiétude des Troyens, mise en action, leur enthousiasme et leur reconnaissance prouvent assez combien ils sont occupés d'Énée : tout leur espoir

repose sur son retour.

Si Nisus et Euryale trouvaient leur perte à la sortie du camp, nous aurions à peine eu le temps d'espérer ou de trembler pour eux. Ils ne périront qu'après avoir traversé le poste ennemi, et lorsque nous les croirons sauvés. Virgile les retient même assez longtemps au milieu des Rutules, et le courage qu'ils y déploient excite un nouvel intérêt pour cux, sans que nous puissions tout-àfait les excuser de prolonger leur péril. De cette imprudence si naturelle à leur âge, nous verrons ensuite résulter leur malheur.

Croirons-nous que sur cent soldats, il n'y en ait pas un qui se trouve éveillé, et que tant d'hommes se laissent égorger, sans interrompre le sommeil des autres? Quoique Virgile pût s'autoriser de l'exemple d'Homère, il tâche au moins de rendre le fait un peu plus vraisemblable. Nous savons déjà comment les Rutules ont passé une partie de la nuit, v. 164. Maintenant le poëte peint d'abord le sommeil d'une troupe ivre, étendue çà et là sur la terre, passim somno vinoque..... corpora fusa vident, inter lora rotasque viros, simul arma jacere, vina simul. Dans les détails du carnage nous retrouvons partout l'idée du vin ou l'image répétée d'un profond sommeil et du désordre de l'ivresse, toto proflabat pectore somnum, temere inter tela jacentes, sub ipsis... equis, plurima nocte

Ante annos animumque gerens curamque virilem,
Multa patri portanda dabat mandata: sed auræ
Omnia discerpunt, et nubibus irrita donant.

Egressi superant fossas, noctisque per umbram
Castra inimica petunt, multis tamen antè futuri
Exitio. Passim vino somnoque per herbam
Corpora fusa vident; arrectos littore currus;
Inter lora rotasque viros, simul arma jacere,
Vina simul. Prior Hyrtacides sic ore locutus:
«Euryale, audendum dextrâ; nunc ipsa vocat res.
Hàc iter est: tu, ne qua manus se attollere nobis
A tergo possit, custodi, et consule longè.
Hæc ego vasta dabo, et lato te limite ducam. »
Sic memorat, vocemque premit ! simul ense superbum
Rhamnetem aggreditur, qui fortè, tapetibus altis
Exstructus, toto proflabat pectore somnum :

luserat, membra deo victus, cum sanguine mixta vina refert moriens. Il se trouve même un Rutule éveillé, vigilantem et cuncta videntem, et rien ne prouve mieux son état, que son silence et ce reste de prudence exprimé par son attitude, magnum metuens se pòst cratera tegebat : ce genre d'abri présente encore l'idée dominante.

La position de Rhotus forme un tableau pittoresque, ainsi que son mouvement, lorsqu'Euryale le tue, ensem condidit assurgenti. Remarquez les autres images poétiques du carnage, et la variété des détails. On est touché du malheur de Serranus, juvenem, insignis facie, felix si illum æquasset nocti ludum...: ce mouvement d'intérêt fait ressortir la fureur guerrière et l'acharnement de Nisus, dont la comparaison nous offre une image si énergique, impastus ceu leo, plena per ovilia, mandit trahitque, molle pecus.

Observez en même temps la différence des deux personnages. La supériorité de Nisus est d'abord annoncée par l'action qu'il se réserve, tu ne qua manus... custodi..., hæc ego vasta dabo, ensuite par le nombre et l'importance de ceux qu'il égorge, enfin par la comparaison qui peint sa fureur. Il ne fallait pas faire un guerrier aussi terrible de cet enfant, qui se laissera prendre par l'ennemi Euryale ne tue que des hommes du commun, multam sinè nomine plebem... Mais nous admirons du moins son ardeur,

Rex idem, et regi Turno gratissimus augur;
Sed non augurio potuit depellere pestem.
Tres juxtà famulos temere inter tela jacentes,
Armigerumque Remi premit, aurigamque sub ipsis
Nactus equis, ferroque secat pendentia colla.
Tum caput ipsi aufert domino, truncumque relinquit
Sanguine singultantem: atro tepefacta cruore
Terra torique madent. Nec non Lamyrumque, Lamumque
Et juvenem Sarranum, illà qui plurima nocte
Luserat, insignis facie, multoque jacebat
Membra deo victus: felix si protenus illum
Equâsset nocti ludum, in lucemque tulisset!
Impastus ceu plena leo per ovilia turbans
(Suadet enim vesana fames), manditque trahitque
Molle pecus mutumque metu; fremit ore cruento.
Nec minor Euryali cædes; incensus et ipse
Perfurit, ac multam in medio sinè nomine plebem,
Fadumque, Herbesumque subit, Rhotumque, Abarimque
Ignaros; Rhœtum vigilantem et cuncta videntem,
Sed magnum metuens se pòst cratera tegebat:
Pectore in adverso totum cui cominus ensem
Condidit assurgenti, et multâ morte recepit.
Purpuream vomit ille animam, et cum sanguine mixta
Vina refert moriens: hic furto fervidus instat,

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