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Une description très animée, composée de faits particuliers du nême genre que l'action du jeune héros, nous conduit graduellement à ce récit. Nous voyons d'abord les guerriers tomber des deux côtés, sans autres détails pour la plupart, que leurs noms qui rendent le tableau plus frappant, Emathyona, Corynæum, Ortygium, etc. Viennent ensuite deux actions distinctes: 1o les détails sur Priverne plaisent à l'imagination par la singularité du fait et par l'expression nette et précise de chaque circonstance; 2o la mort d'Arcens, guerrier troyen, inspire encore plus d'intérêt; l'éclat de son armure et de ses vêtements, sa beauté, le souvenir de son père et des lieux témoins de son enfance, ajoutent à la pitié, surtout lorsqu'on le voit tomber d'un coup lancé par l'horrible Mézence, et dont l'effet ainsi décrit paraît encore plus déplorable, media... tempora diffidit, ac porrectum: le mouvement de la fronde est peint d'une manière parfaite, stridentem... ipse ter adductâ..... — Un autre effet de ce premier tableau, c'est que, le combat se soutenant des deux côtés avec un avantage égal, l'attention peut rester uniquement fixée sur le fait particulier, que le poëte va raconter avec détail.

Nous avons déjà vu plusieurs fois Ascagne à la chasse (liv. IV, v. 156; liv. VII, v. 493). Le poëte le rappelle avec grâce, tùm primùm bello.., ante feras solitus terrere fugaces; le genre d'enne

Tollitur: invadunt, et fossas aggere complent;
Ardentes tædas alii ad fastigia jactant.

Ilioneus saxo atque ingenti fragmine montis
Lucetium portæ subeuntem ignesque ferentem,
Emathiona Liger, Corynæum sternit Asylas,
Hic jaculo bonus, hic longè fallente sagittà,
Ortygium Cæneus, victorem Cænea Turnus,
Turnus Itym, Cloniumque, Dioxippum, Promolumque
Et Sagarim, et summis stantem pro turribus Idan,
Privernum Capys: hunc primò levis hasta Temillæ
Strinxerat ille manum projecto tegmine demens
Ad vulnus tulit; ergo alis allapsa sagitta,

Et lævo infixa est lateri manus, abditaque intus
Spiramenta animæ lethali vulnere rumpit.
Stabat in egregiis Arcentis filius armis,

Pictus acu chlamydem, et ferrugine clarus Iberâ,
Insignis facie, genitor quem miserat Arcens
Eductum Martis luco, Symathia circum
Flumina, pinguis ubi et placabilis ara Palici.
Stridentem fundam positis Mezentius hastis
Ipse ter adductà circum caput egit habenà,
Et media adversi liquefacto tempora plumbo
Diffidit, ac multà porrectum extendit arenâ.

Tum primum bello celerem intendisse sagittam

mis vaincus jusqu'ici ajoute à l'éclat de la nouvelle victoire. Tout est réuni pour l'embellir: Numanus n'est pas un guerrier sans courage, un homme du vulgaire, fortem.., Turni... minorem germanam habebat ; et ce qui relève encore la gloire du jeune prince, c'est qu'il venge sa nation tout entière outragée par le Rutule.Nos regards se fixent d'abord sur Numanus, is primam ante aciem.. : quel orgueil dans la démarche, dans les cris et les mouvements de ce corps énorme, ibat et ingentem sese clamore ferebat! Ces mots, digna atque indigna relatu, caractérisent son discours; d'un côté le tableau des mœurs guerrières de l'antique Italie; de l'autre le tableau exagéré et mensonger des mœurs efféminées des Troyens.

1o A la vue des retranchemens qui arrêtent l'impétueux Rutule, le souvenir outrageant du siége de Troie, non pudet obsidione iterùm.., bis capti Phryges, la honte des Troyens, morti prætendere muros, et l'accent du dédain qui respire dans ces paroles, en qui nostra sibi bello connubia poscunt, quis deus.., quæ dementia.., enfin cette pensée exprimée avec le ton du mépris pour les Grecs eux-mêmes, non hic Atridæ, nec fandi fictor Ulysses, nous conduisent naturellement à l'éloge de l'Italie. Nous parcourons dans un ordre exact les différents âges de la vie. Remarquez la force et la netteté de chaque trait pour l'enfance, natos ad flumina primùm deferimus...; pour l'adolescence, venatu invigilant sylvasque fatigant, flectere ludus equos... L'expression guerrière caractérise chaque détail sur les deux âges suivants, les travaux mêmes de l'agriculture, terram... domat, versa juvencûm terga

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Dicitur, antè feras solitus terrere fugaces,
Ascanius, fortemque manu fudisse Numanum,
Cui Remulo cognomen erat, Turnique minorem
Germanam, nuper thalamo sociatus, habebat.
Is primam ante aciem digna atque indigna relatu
Vociferans, tumidusque novo præcordia regno,
Ibat, et ingentem sese clamore ferebat:

«Non pudet obsidione iterum valloque teneri,
Bis capti Phryges, et morti prætendere muros?
En qui nostra sibi bello connubia poscunt!
Quis deus Italiam, quæ vos dementia adegit?
Non hic Atridæ, nec fandi fictor Ulysses.
Durum ab stirpe genus, natos ad flumina primùm
Deferimus, sævoque gelu duramus et undis.
Venatu invigilant pueri sylvasque fatigant;
Flectere ludus equos, et spicula tendere cornu.
At patiens operum parvoque assueta juventus
Aut rastris terram domat, aut quatit oppida bello,
Omne ævum ferro teritur, versâque juvencûm

fatigamus hasta, et cette image de la vieillesse, canitiem galea premimus. Enfin le dernier vers peint toute la violence d'une vie entièrement consacrée à la guerre, semperque recentes comportare juvat prædas et vivere rapto. 2o Après ce tableau d'une rudesse presque sauvage, rien de plus frappant que l'éclat de la parure asiatique, vobis picta croco et fulgenti murice vestis : l'Italien insiste sur le costume, dont la différence frappe avant tout les yeux des peuples, et tunicæ manicas...: en y joignant ces mots énergiques, desidiæ cordi, et l'image, indulgere choreis, vous trouvez dans ces trois vers l'expression complète du goût des Troyens pour le luxe, la mollesse et les plaisirs. La conséquence toute naturelle, 6 verè Phrygiæ.., est l'outrage le plus sanglant pour des guerriers. Enfin sous des images et des expressions phrygiennes, per alta Dindyma, tympana, buxusque, Berecynthia, matris Ida, et dans un style dont l'harmonie retrace l'idée principale, l'Italien conseille à ces guerriers de l'Asie d'aller goûter un plaisir de femmes, et de laisser la guerre aux hommes, sinite arma viris...

Virgile ne pouvait mieux répondre au dernier outrage, qu'en faisant donner la mort à l'arrogant Rutule, non par un des héros troyens, mais par un enfant. Les détails frappent l'imagination : 1o l'attitude d'Ascagne pendant sa prière, nervo obversus..., diversaque brachia ducens...; 2o la prière même, Jupiter omnipotens...; 3° le bruit du tonnerre, intonuit lævum, immédiatement suivi du bruit presque merveilleux de l'arc et de la flèche, sonat

Terga fatigamus hastà. Nec tarda senectus
Debilitat vires animi mutatque vigorem;
Canitiem galeà premimus: semperque recentes
Comportare juvat prædas et vivere rapto.
Vobis picta croco et fulgenti murice vestis;
Desidiæ cordi; juvat indulgere choreis;

Et tunicæ manicas et habent redimicula mitræ.
O verè Phrygiæ, neque enim Phryges! ite per alta
Dindyma, ubi assuetis biforem dat tibia cantum:
Tympana vos buxusque vocant Berecynthia Matris
Idææ sinite arma viris, et cedite ferro. »

Talia jactantem dictis ac dira canentem
Non tulit Ascanius, nervoque obversus equino
Intendit telum, diversaque brachia ducens,
Constitit, antè Jovem supplex per vota precatus :
«Jupiter omnipotens, audacibus annue cœptis.
Ipse tibi ad tua templa feram solennia dona,
Et statuam antè aras auratà fronte juvencum
Candentem, pariterque caput cum matre ferentem,
Jam cornu petat et pedibus qui spargat arenam. »
Audiit, et cœli genitor de parte serenà
Intonuit lævùm; sonat unà fatifer arcus,

unà fatifer arcus, et fugit horrendum stridens... Quelle vérité, quelle noblesse dans le transport du jeune héros! C'est d'abord la fierté, i, verbis virtutem illude superbis, ensuite l'ironie de l'honneur vengé, bis capti Phryges hæc Rutulis responsa remittunt. L'effet produit sur les Troyens n'est pas rendu avec moins de vivacité ni de grandeur, Teucri clamore sequuntur, lætitiâque fremunt, animosque ad sidera tollunt.

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Virgile ne se borne pas aux applaudissements des mortels; il y joint ceux d'un Dieu, l'enthousiasme d'Apollon, et ces paroles sublimes, macte..., sic itur ad astra, dis genite, et geniture deos, jure omnia bella gente sub Assaraci... resident, nec te Troja capit: observez surtout cette allusion éclatante aux Césars et aux Romains, la seule du neuvième livre. Cependant le poëte avait encore une autre intention. Ascagne est cet enfant dont naguère l'amour empruntait la figure, et qui jouait alors sur les genoux de Didon. Il n'est pas impossible qu'il terrasse d'un coup de flèche un guerrier redoutable; mais si, chargé d'une armure pesante, il affrontait de près les héros, nous pourrions reprocher aux Troyens leur imprudence et au poëte l'invraisemblance de l'action. Virgile veut donc éloigner Ascagne, afin que le lecteur ne songe pas à lui lorsque Turnus aura pénétré dans le camp. Mais après sa victoire, le jeune héros cédera-t-il aux instances des Troyens qui l'entourent? Ces expressions, ardentem affatur Iulum, et en terminant,

Et fugit horrendùm stridens adducta sagitta,
Perque caput Remuli venit, et cava tempora ferro
Trajicit. «I, verbis virtutem illude superbis.

Bis capti Phryges hæc Rutulis responsa remittunt. »
Hæc tantùm Ascanius: Teucri clamore sequuntur,
Lætitiâque fremunt, animosque ad sidera tollunt.
Æthereà tum fortè plagâ crinitus Apollo
Desuper Ausonias acies urbemque videbat,
Nube sedens, atque his victorém affatur Iulum:
<< Macte novâ virtute, puer, sic itur ad astra,
Dis genite, et geniture deos: jure omnia bella
Gente sub Assaraci fato ventura resident:
Nec te Troja capit. » Simul, hæc effatus, ab alto
Æthere se mittit, spirantes dimovet auras,
Ascaniumque petit: formam tum vertitur oris
Antiquum in Buten. Hic Dardanio Anchisæ
Armiger antè fuit, fidusque ad limina custos;
Tum comitem Ascanio pater addidit. Ibat Apollo
Omnia longævo similis, vocemque, coloremque,
Et crines albos, et sæva sonoribus arma;
Atque his ardentem dictis affatur Iulum:
«Sit satis, Æneada, telis impune Numanum
Oppetiisse tuis primam hanc tibi magnus Apollo

avidum pugnæ dictis ac nomine Phœbi Ascanium prohibent, font comprendre la nécessité de l'intervention divine. Apollon emprunte les traits du gouverneur d'Ascagne. Les détails et la cadence, omnia longavo similis, vocemque..., et ces mots, sæva sonoribus arma, annoncent la démarche du vieillard et du guerrier. Ces paroles, hanc tibi magnus Apollo..., paribus non invidet armis, ne sont pas seulement un éloge éclatant de l'adresse du jeune prince; mais en portant ainsi la pensée sur lui-même, Apollon dispose les Troyens à le reconnaître, lorsqu'il disparaît dans les airs. Les deux derniers mots du discours, et leur rapprochement, puer, bello, confirment à la fois l'intention de Virgile et le conseil du Dieu. Un autre poëte se serait contenté de ne plus parler d'Ascagne. Le nôtre seul justifie tout.

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Troisième partie : Turnus pénètre seul dans le camp des Troyens.

Les trois parties principales du récit sont séparées entre elles par un tableau général. Le précédent (v. 566) n'était que de deux vers et demi. Celui-ci, plus complet et plus animé, amène un combat plus terrible, it clamor... intendunt...: remarquez cette nouvelle image du combat à distance, tùm scuta cavaque dant sonitum flictu galeæ. Les principaux détails de la comparaison offrent un rapport exact et frappant avec le nombre des traits et des coups: au milieu de l'horrible confusion que les derniers vers expriment, la plupart des mots présentent une idée terrible; il règne dans les vers une gradation de violence remarquable, verberat, præcipitant, torquet, rumpit.

Le récit se divise de lui-même en cinq parties distinctes. 1o Les

Concedit laudem, et paribus non invidet armis.
Cætera parce, puer, bello. » Sic orsus Apollo
Mortales medio adspectus sermone reliquit,
Et procul in tenuem ex oculis evanuit auram.
Agnovêre deum proceres divinaque tela
Dardanidæ, pharetramque fugâ sensêre sonantem.
Ergo avidum pugnæ dictis ac numine Phobi
Ascanium prohibent; ipsi in certamina rursus
Succedunt, animasque in aperta pericula mittunt.
It clamor totis per propugnacula muris.
Intendunt acres arcus, amentaque torquent.
Sternitur omne solum telis: tum scuta cavæque
Dant sonitum flictu galeæ; pugna aspera surgit.
Quantus ab occasu veniens pluvialibus Hædis
Verberat imber humum; quàm multâ grandine nimbi
In vada præcipitant, quum Jupiter horridus Austris
Torquet aquosam hiemem, et coelo cava nubila rumpit,

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