vocant terræ ! Il ne peut satisfaire son âme. L'action qui suit le discours témoigne vivement à ses compagnons sa joie et ses transports, sic fatus, amicum Ilionea... La pitié de Didon pour le héros est ennoblie par l'admiration qu'expriment la tournure et la plupart des mots, quis te..., per tanta pericula..., quæ vis immanibus..., tune ille Æneas... En se montrant si bien instruite de sa naissance divine, elle veut confirmer l'espoir et la confiance d'Énée. Le récit suivant produit le même effet: c'est la réponse la plus naturelle à la surprise qu'inspire à Énée la pitié de Didon, ipse hostis Teucros insigni laude ferebat, seque ortum...; et par ce moyen, ainsi que par plusieurs des détails précédents, Virgile justifie encore auprès du lecteur l'accueil que la reine de Carthage fait à ce peuple étranger. Enfin elle trouve dans son cœur un autre motif de compassion et d'amitié : quelle vérité dans ce retour sur elle-même, me quoque......., similis fortuna...! Et ce vers fameux, non ignara mali, miseris succurrere disco, il est inutile d'en expliquer la beauté à qui ne la sent pas. Les six vers suivants complètent l'intention de Virgile,... templis indicit honorem, sociis mittit viginti tauros. Toutes les inquiétudes sont dissipées. Favorable aux vues du poëte, l'accueil que les Troyens reçoivent à Carthage ne paraît que la simplè consé Quæ me cumque vocant terræ. » Sic fatus, amicum Casu deinde viri tanto; et sic ore locuta est: Sie memorat: simul Ænean in regia ducit quence des circonstances, du caractère des personnages, et d'une émotion que tout le monde partage avec eux. Mais ce qui répand tant d'intérêt et de beauté sur le récit tout entier, c'est surtout la succession et la variété de sentiments qu'éprouve Énée, depuis son arrivée devant Carthage, jusqu'au moment où son âme s'ahandonne aux transports de la reconnaissance. Il s'agit maintenant d'inspirer à Didon l'amour tragique, dont nous verrons les conséquences nationales. Virgile trouvera, dans les craintes de Vénus et dans le caractère de Cupidon, les motifs qui précipitent le commencement de cette passion, et l'allument au milieu même de la fête que Didon célèbre en l'honneur des Troyens. Il fallait d'abord annoncer le festin, at domus interior... La plupart des détails présentent les idées d'opulence, de luxe, de gloire et de grandeur: six vers suffisent: l'imagination frappée n'oubliera pas ce festin, qui ne doit commencer que cinquante vers plus loin. Car le poëte a d'autres préparatifs à faire pour la partie principale du récit. La suite de l'action exige qu'Ascagne assiste ou paraisse assister au festin. Le poëte se hâte de l'envoyer chercher, et justifie cet empressement par l'inquiétude et la tendresse paternelle, neque enim patrius consistere mentem passus amor, omnis in Ascanio cari stat cura parentis. Nous savons que la flotte n'est qu'à une petite distance; d'ailleurs Achate hâte sa marche, rapidum Achaten, hæc celerans .. Un autre objet du message ajoute à la dignité générale de l'action, munera prætereà... Remarquez l'heureux choix des présents destinés à Didon, les ornements de la beauté, ou le symbole de la puissance. La poésie de l'expression, Terga suum, pingues centum cum matribus agnos, Munera lætitiamque dei. At domus interior regali splendida luxu Eneas (neque enim patrius consistere mentem la richesse et l'éclat de l'or et des pierreries, les noms d'Hélène, de Léda, d'Ilionée, en relèvent la valeur et l'importance. Tout s'enchaîne: ce n'est qu'après le départ d'Achate, que Vénus conçoit l'idée de sa ruse, at Cytherea... La légèreté des premiers vers, et l'idée gracieuse de la métamorphose, l'épithète même, pro dulci Ascanio, font ressortir l'énergique concision du reste de la phrase, et les maux que présagent furentem, incendat, et surtout ossibus implicet ignem. En même temps, les dangers et les craintes que cet amour seul peut prévenir, en justifient la force et les tourments, quippe timet... Tyrios bilingues, urit atrox Juno... En flattant l'amour sur cette puissance qu'elle vient invoquer, et en lui faisant hommage de la sienne, Vénus s'identifie, pour ainsi dire, avec son fils, meæ vires, mea magna potentia. La répétition de nate fait entendre l'accent d'une mère fière d'un fils dont elle va dire, avec tant d'emphase, patris summi qui tela Typhoea temnis. Ce fils tout-puissant repoussera-t-il une mère qui tombe à ses genoux, ad te confugio et supplex tua numina posco? Cependant, avant d'exposer sa demande, Vénus prépare l'Amour à l'accueillir. Le premier mot, frater, excite déjà son intérêt. En dispensant d'un tableau plus étendu, avec quel naturel ce vers, nota tibi, et nostro doluisti sæpe dolore, rappelle le souvenir des malheurs que Cupidon a pleurés avec sa mère ! Elle n'a pas besoin de la même discrétion qu'auprès de Jupiter (v. 251); maintenant elle nomme et outrage son ennemie, Junonis iniquæ. Junonia hos Ornatus Argivæ Helenæ, quos illa Mycenis, Pergama quum peteret inconcessosque hymenæos, At Cytherea novas artes, nova pectore versat Nate, meæ vires, mea magna potentia, solus, pitia annonce le danger; haud tanto cessabit cardine rerum complète la pensée. - Après avoir ainsi réveillé l'intérêt que Cupidon porte à son frère, Vénus commence à exposer son projet, quocircà... Par le genre de l'expression, l'action doit déjà plaire, capere dolis, cingere flammâ, et d'ailleurs elle a soin d'en montrer encore la nécessité et le résultat, ne quo se numine mutet, sed magno Æneæ mecum teneatur amore. Dans les détails, quà facere id possis..., voyez comme elle ennoblit l'enfant dont l'Amour prendra la figure, regius puer, mea maxima cura. Elle a soin de bien l'écarter de la scène, que sa présence pourrait troubler, hunc ego sopitum somno... Alors seulement elle fait la proposition, et avec quelle adresse! Après tu faciem illius, pour que le dieu ne s'effarouche pas, elle se hâte de dire dans cet ordre, noctem, non amplius, unam: quel appât pour l'Amour, falle dolo! Notos écarte toute répugnance; et après ces mots si gracieux, pueri puer indue vultus, la métamorphose doit-elle encore lui coûter? Enfin résistera-t-il à l'occasion de faire le mal, à ce tableau, où la joie et la sécurité de Didon, lætissima, regales inter mensas..., où la tendresse qu'elle lui prodigue, cum dabit amplexus atque oscula dulcia figet, rendent si piquant pour le dieu malin le plaisir d'exercer sur le cœur de l'infortunée sa perfidie et sa cruauté, occultum, fallas, ignem, veneno. Ce discours de Vénus est un modèle d'adresse et d'insinuation. L'éloignement d'Ascagne est trop important pour laisser à ce sujet la moindre incertitude. Il règne dans les vers qui l'expriment une grâce, une mollesse, un charme, qui résultent surtout de quelques mots ou même des épithètes, placidam quietem irrigat, fotum gremio... tollit..., mollis amaracus, floribus, dulci umbrâ, com Vocibus, et vereor quò se Junonia vertant Quà facere id possis, nostram nunc accipe mentem. Sidoniam puer ire parat, mea maxima cura, plectitur. Observez en outre la douceur de l'harmonie, et cette facilité de la cadence, qui semble se ralentir dans le dernier vers, au moment du repos complet de l'enfant. L'action continue sans effort: nous suivons le faux Ascagne au festin, jamque ibat... Cupido..., quum venit... On pourrait reprocher à cette partie de la description la coupe trop peu variée des vers qui tombent constamment deux à deux, jusqu'au moment où nous voyons l'enfant attirer seul les regards étonnés des convives et de Didon. - Après Iulum, cette image si vive flagrantesque dei vultus, et le vers tout entier distinguent finement du jeune prince ce qui appartient au dieu. Tout est réuni dans les onze vers suivants, pour peindre le commencement d'une passion terrible. Les premiers mots épouvantent, infelix, pesti devota futuræ. Mirantur exprimait le sentiment des convives: voyez ce qui se passe dans l'âme de Didon, expleri mentem nequit, ardescitque tuendo! Au milieu de la scène, cette image de l'embrassement filial, complexu colloque pependit, et l'amour paternel abusé, qu'exprime si bien le rapprochement de magnum et falsi, touchent et font sourire le lecteur, que les deux mots rejetés font aussitôt trembler, reginam Paret Amor dictis caræ genitricis, et alas At Venus Ascanio placidam per membra quietem Regia portabat Tyriis, duce lætus Achate. |