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bataille elle-même et la précipitation du héros, Virgile lui en fait donner l'ordre par les dieux. 5o Le poëte raconte l'arrivée d'Énée à la vue des deux armées, et le débarquement.

1o 118-145. Les deux premiers vers suffisent pour peindre l'ardeur et l'acharnement des Rutules. Nous ne voyons ensuite que la détresse des Troyens et leur courage. C'est bien l'image d'une ville vivement pressée et réduite aux abois, nec spes ulla fugæ, miseri stant turribus altis nequidquam, rará muros cinxêre corona Mais rien n'excite plus d'intérêt que la figure d'Ascagne. Avec quel soin, quelle délicatesse, les détails de chaque vers et les deux comparaisons nous présentent l'expression répétée de la grace et de la beauté! Remarquez surtout l'élégance des deux derniers traits, fusos cervix cui lactea crines accipit, et molli subnectit circulus auro. La présence et le danger de ce noble enfant ne nous font-ils pas encore trembler davantage pour les Troyens? Cependant au milieu du péril le poëte leur conserve l'honneur ; ils se défendent avec acharnement; et les noms des guerriers laissent dans l'esprit une assez forte idée de la résistance, pour qu'après un récit de cent vingt vers, nous ne soyons pas trop surpris de les trouver encore soutenant l'assaut de Turnus et de son armée.

:

Nec spes ulla fugæ miseri stant turribus altis
Nequidquam, et rarà muros cinxêre coronà :
Asius Imbrasides, Hicetaoniusque Thymœtes,
Assaracique duo, et senior cum Castore Thymbris,
Prima acies; hos germani Sarpedonis ambo,
Et Clarus, et Themon Lycià comitantur ab altâ.
Fert ingens toto connixus corpore saxum,
Haud partem exiguam montis, Lyrnessius Acmon,
Nec Clytio genitore minor, nec fratre Menestheo.
Hi jaculis, illi certant defendere saxis,
Molirique ignem, nervoque aptare sagittas.
Ipse inter medios, Veneris justissima cura,
Dardanius caput ecce puer detectus honestum,
Qualis gemma micat, fulvum quæ dividit aurum,
Aut collo decus aut capiti; vel quale, per artem
Inclusum buxo aut Oricià terebintho,
Lucet ebur: fusos cervix cui lactea crines
Accipit, et molli subnectit circulus auro.
Te quoque magnanimæ viderunt, Ismare, gentes
Vulnera dirigere, et calamos armare veneno,
Mæonià generose domo, ubi pinguia culta
Exercentque viri, Pactolusque irrigat auro.
Affuit et Mnestheus, quem pulsi pristina Turni
Aggere murorum sublimem gloria tollit;
Et Capys: hinc nomen Campanæ ducitur urbi.

V. 146-163. 2° 146-162. Virgile a tout disposé, dans le huitième livre, pour qu'il devienne vraisemblable que, sans aucun délai, le héros s'embarque avec ses nouveaux alliés. Il reverra son camp le cinquième jour après son départ (voy. liv. vi, v. 497, 596). La rapidité du récit seconde encore l'intention du poëte. Cependant rien d'important n'est oublié. Ce discours indirect de moins de cinq vers est surtout remarquable, regem adit, et regi... : d'abord Énée se fait connaître, memorat nomenque genusque, c'est l'exorde vient ensuite la proposition, quidve petat, quidve ipse ferat: pour la confirmation, ces deux raisons suffisent, Mezentius arma..., violentaque pectora Turni : la péroraison parle au cœur, humanis... fiducia rebus, immiscetque preces. Trois vers de plus, nous voyons le traité conclu, les Tyrrhéniens embarqués sous la conduite du héros troyen, et la cause de cette prompte résolution, libera fati, jussis Divúm. Peut-on être plus rapide et plus exact? Pour peindre la navigation, le poëte fixe d'abord nos regards sur le vaisseau d'Énée, Eneia puppis...: sa place, prima tenet; ce genre d'ornements, Phrygios leones, Ida super...; le héros luimême et les grandes pensées qui l'occupent, hic magnus sedet Æneas...; à ses côtés l'intéressant Pallas, dont les questions ajoutent encore à la grandeur du héros qui lui sert de maître; quoi de plus convenable pour embellir ce court récit?

3o 163-214. Le dénombrement de l'armée tyrrhénienne semblerait ralentir la marche. Mais outre le but important que nous avons annoncé, Virgile, qui n'a pu dans le septième livre faire passer sous nos yeux les peuples de l'Italie qu'il devait donner pour alliés aux Troyens, veut consacrer aussi les traditions poéti

Illi inter sese duri certamina belli

Contulerant medià Æneas freta nocte secabat.
Namque, ut ab Evandro castris ingressus Etruscis,
Regem adit, et regi memorat nomenque genusque ;
Quidve petat, quidve ipse ferat, Mezentius arma
Quæ sibi conciliet, violentaque pectora Turni
Edocet; humanis quæ sit fiducia rebus

Admonet; immiscetque preces. Haud fit mora; Tarcho
Jungit opes, fœdusque ferit: tum libera fati
Classem conscendit jussis gens Lydia Divûm,
Externo commissa duci. Encïa puppis

Prima tenet, rostro Phrygios subjuncta leones;
Imminet Ida supèr, profugis gratissima Teucris.
Hic magnus sedet Æneas, secumque volutat
Eventus belli varios; Pallasque sinistro
Affixus lateri jam quærit sidera, opaca

Noctis iter, jam quæ passus terrâque marique.
Pandite nunc Helicona, deæ, cantusque movete

ques de ces contrées, où nous verrons le Pô, le Mincius et Mantoue, les fleuves de sa patrie, et les lieux témoins de sa naissance. Cette revue des guerriers doit avoir lieu avant la bataille, qui s'engage au milieu du débarquement. Virgile en fait une partie de l'action, en la joignant au récit du retour; et ce qui prouve son intention, c'est qu'à chaque instant il nous montre les guerriers sur leurs vaisseaux (v. 165, 166, 171, 195, 206). Parmi les details, remarquez l'image pittoresque du Centaure (v. 195). Observez d'ailleurs que ce dénombrement est beaucoup plus court et plus rapide que celui du septième livre : celui-ci se composait de treize parties et de 170 vers; maintenant 52 vers suffisent à sept parties distinctes.

Dans un espace de 19 vers, un petit nombre de traits, quelques détails sur l'armure, le pays, ou les coutumes, forment quatre tableaux précis du caractère et des souvenirs de l'Étrurie. Le poëte insiste davantage sur la science des augures, qui rendit cette contrée si fameuse, et sous ce rapport ces trois vers sont remarquables, tertius ille.., cui pecudum fibra..-Il semble surtout s'arrêter avec plaisir aux trois dernières parties. L'origine des chefs qu'il donne aux Liguriens, est un moyen de présenter le souvenir poétique du Pô. Le lieu de la scène est indiqué d'une manière touchante par ces peupliers qui rappellent la douleur des sœurs de

Quæ manus interea Tuscis comitetur ab oris
Ænean, armetque rates, pelagoque vehatur.

Massicus æratà princeps secat æquora Tigri;
Sub quo mille manus juvenum, qui mœnia Clusî
Quique urbem liquere Cosas : quis tela, sagittæ,
Corytique leves humeris, et lethifer arcus.
Unà torvus Abas: huic totum insignibus armis
Agmen, et aurato fulgebat Apolline puppis:
Sexcentos illi dederat Populonia mater
Expertos belli juvenes; ast Ilva trecentos
Insula, inexhaustis chalybum generosa metallis.
Tertius, ille hominum Divûmque interpres Asylas,
Cui pecudum fibræ, cœli cui sidera parent,
Et linguæ volucrum, et præsagi fulminis ignes,
Mille rapit densos acie atque horrentibus hastis.
Hos parere jubent Alpheæ ob origine Pisa,
Urbs Etrusca solo. Sequitur pulcherrimus Astur,
Astur equo fidens, et versicoloribus armis.
Tercentum adjiciunt (mens omnibus una sequendi)
Qui Cærete domo, qui sunt Minionis in arvis,
Et Pyrgi veteres, intempestæque Graviscæ.

Non ego te, Ligurum ductor fortissime bello,
Transierim, Cinyra; et paucis comitate Cupavo,
Cujus olorinæ surgunt de vertice pennæ:

Phaéton, populeas inter frondes... : le vers suivant fait sentir le genre et l'objet des chants de Cycnus, mæstum musâ solatur amorem : la douce image de la vieillesse, canentem, amène celle de la métamorphose, molli plumá: nous le voyons alors quitter la terre, linquentem terras, et jusque dans les cieux chanter encore, et sidera voce sequentem. — Dans les neuf vers sur Mantoue, sans négliger l'idée poétique, Virgile s'occupe principalement de l'origine antique et de l'importance réelle de cette ville. Il est même à croire que cette division territoriale, si pen claire pour nous, gens illi triplex....., n'offrait alors aucune obscurité. L'image du Mincius embellit l'expression des vers suivants. - La dernière partie se borne presque à la navigation. On voit à la fois la grandeur du vaisseau, sa hauteur et son mouvement, centenâ arbore, verberat assurgens, spumant vada.....: la description du Triton est parfaite; les premiers mots l'animent, cœrula conchâ exterrens freta; l'imagination saisit à la fois les deux parties distinctes de son corps, laterum tenus..., in pristin, enfin la couleur et le bruit même de l'onde qu'il sillonne, spumea murmurat unda.

4o 215–255. Les Troyens ne peuvent envoyer à la rencontre

Crimen amor vestrum formæque insigne paternæ.
Namque ferunt luctu Cycnum Phaetontis amati,
Populeas inter frondes umbramque sororum
Dum canit et moestum musà solatur amorem,
Canentem molli plumà duxisse senectam,
Linquentem terras, et sidera voce sequentem.
Filius, æquales comitatus classe catervas,
Ingentem remis Centaurum promovet : ille
Instat aquæ, saxumque undis immane minatur
Arduus, et longà sulcat maria alta carinà.

Ille etiam patrii agmen ciet Ocnus ab oris,
Fatidicæ Mantûs et Tusci filius amnis,
Qui muros, matrisque dedit tibi, Mantua, nomen :
Mantua dives avis, sed non genus omnibus unum :
Gens illi triplex, populi sub gente quaterni;
Ipsa caput populis: Tusco de sanguine vires.
Hinc quoque quingentos in se Mezentius armat,
Quos patre Benaco, velatus arundine glaucâ,
Mincius infestà ducebat in æquora pinu.

It gravis Aulestes, centenàque arbore fluctum
Verberat assurgens: spumant vada marmore verso.
Hunc vehit immanis Triton, et cærula conchà
Exterrens freta: cui laterum tenus hispida nanti
Frons hominem præfert, in pristin desinit alvus;
Spumea semifero sub pectore murmurat unda.
Tot lecti proceres ter denis navibus ibant
Subsidio Troja, et campos salis ære secabant.

d'Énée. Pour le prévenir de la situation de son armée, pour le déterminer à livrer bataille en arrivant, et à débarquer en face de l'ennemi plutôt que dans son camp placé sur le Tibre, Virgile profite d'une ressource qu'il s'est créée dans l'action précédente. Il serait peut-être plus heureux de n'avoir pas à remettre en scène les vaisseaux métamorphosés; mais y a-t-il un meilleur moyen d'instruire Énée de la perte de sa flotte, qu'en renouvelant, pour ainsi dire, à ses yeux, le prodige qui l'a soustraite aux feux des Rutules?

Ce genre d'action a presque toujours lieu pendant la nuit, qui semble mieux se prêter à l'illusion des apparitions; et la lune, dont le poëte a besoin pour éclairer la scène, ne nuit pas au merveilleux, curru noctivago Phœbe... L'approche des nymphes se peint avec grace dans la facilité du style; mais remarquez surtout les divers traits du tableau de Cymodocée, ponè sequens, dextrâ puppim tenet, ipsaque... Les nymphes devaient d'abord se faire connaître, et raconter au héros le prodige de la métamorphose. Au milieu de ces détails, dont la brièveté est animée par la vivacité et la force de l'expression, leur dévouement ajoute encore à l'intérêt, rupimus invita tua vincula, teque per æquor quærimus. Cymodocée expose ensuite avec la même rapidité la situation des Troyens et l'arrivée de la cavalerie alliée dans la personne de son fils, Énée sent plus vivement le danger de son peuple, at puer Ascanius... tela inter media.... Turnus ayant l'in

Jamque dies cœlo concesserat, almaque curru
Noctivago Phoebe medium pulsabat Olympum:
Æneas (neque enim membris dat cura quietem)
Ipse sedens clavumque regit velisque ministrat.
Atque illi, medio in spatio, chorus ecce suarum
Occurrit comitum: nymphæ, quas alma Cybele
Numen habere maris, nymphasque e navibus esse
Jusserat innabant pariter, fluctusque secabant,
Quot priùs æratæ steterant ad littora proræ.
Agnoscunt longè regem, lustrantque choreis.
Quarum quæ fandi doctissima, Cymodocea,
Ponè sequens, dextrâ puppim tenet, ipsaque dorso
Eminet, ac levâ tacitis subremigat undis.

Tum sic ignarum alloquitur: «Vigilasne, Deûm gens,
Enea? Vigila, et velis immitte rudentes.

Nos sumus Idææ sacro de vertice pinus,

Nunc pelagi nymphæ, classis tua. Perfidus ut nos
Præcipites ferro Rutulus flammâque premebat,
Rupimus invitæ tua vincula, teque per æquor
Quærimus. Hanc Genitrix faciem miserata refecit,
Et dedit esse deas, ævumque agitare sub undis.
At puer Ascanius muro fossisque tenetur

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