Imagens das páginas
PDF
ePub

de Mézence et le carnage des ennemis épouvantés, impastus... leo... loin d'attaquer, les Tyrrhéniens n'opposent plus même de résistance, fugacem capream..., cervum...; on ne voit plus que l'avantage et la férocité du vainqueur: quelle réunion d'images, gaudet hians immane, comasque arrexit, surtout la position du lion, hæret visceribus super incumbens, et pour achever, lavit improba teter ora cruor!

Observons maintenant l'intérêt et la variété que jettent dans le récit les détails sur les guerriers et sur leur mort. Le rapprochement de Latagus et de Palmus, et la distinction établie entre leurs courages, aussi bien qu'entre leurs genres de mort, présentent une heureuse opposition. Remarquez ensuite l'élégance des détails sur Mimas, le rapport de sa naissance avec celle de Pâris, et la différence de leurs derniers destins. On plaint surtout le sort d'Acron, son exil et son malheur, profugus, infectos linquens hymencos, les signes de l'amour qui le signalent à l'ennemi, vidit purpureum pennis et pactæ conjugis ostro, enfin sa mort, sternitur infelix Acron... Le récit de la mort d'Orode donne d'abord une haute idée du courage de Mézence, fugientem haud est dignatus sternere..., obvius...: le triomphe du vainqueur et les applaudissements de ses soldats animent l'action; mais le but principal est d'amener la prédiction d'Orode expirant, non me inulto..., victor..., et la réponse de Mézence, dont la colère et l'ironie carac

Graius homo, infectos linquens profugus hymenæos.
Hunc ubi miscentem longè media agmina vidit,
Purpureum pennis et pactæ conjugis ostro :
Impastus stabula alta leo ceu sæpe peragrans
(Suadet enim vesana fames), si fortè fugacem

Conspexit capream, aut surgentem in cornua cervum,
Gaudet hians immanè, comasque arrexit, et hæret
Visceribus supèr incumbens; lavit improba teter
Ora cruor:

Sic ruit in densos alacer Mezentius hostes.
Sternitur infelix Acron, et calcibus atram
Tundit humum exspirans, infractaque tela cruentat.
Atque idem fugientem haud est dignatus Oroden
Sternere, nec jactà cæcum dare cuspide vulnus;
Obvius adversoque occurrit, seque viro vir
Contulit, haud furto melior, sed fortibus armis.
Tum super abjectum posito pede nixus et hastâ:
<< Pars belli haud temnenda, viri, jacet altus Orodes. »
Conclamant socii lætum pæana secuti.

Ille autem exspirans: «Non me, quicumque es, inulto,
Victor, nec longùm lætabere: te quoque fata
Prospectant paria, atque eadem mox arva tenebis. »
Ad quem subridens mixtâ Mezentius irà :

térisent encore la contempteur des Dieux, ad quem de me Divúm pater atque hominum rex viderit.

subridens...,

Virgile se contente ensuite d'accumuler les noms des guerriers qui s'égorgent et tombent des deux côtés. Dans le tableau général, observez l'effet produit par le rapprochement, la répétition, l'opposition des mots, cædebant, ruebant, paritèr pariterque, etc... Les spectateurs et leur émotion, Di, Jovis in tectis, miserantur..., achèvent de frapper l'imagination, et le tableau s'anime encore par la présence des deux déesses ennemies, hinc Venus, hinc.., Juno. C'est ainsi que Virgile prépare la scène où Énée va paraître, et la seconde partie de ce récit.

L'imagination s'élevant à mesure que le récit avance, cette gradation continue permet au poëte de retracer enfin par une comparaison hyperbolique la force épouvantable de Mézence. Quelles images de ce corps énorme s'avançant, armé de sa lance, au milieu de la mêlée..., per maxima Nerei stagna..., humero supereminet undas, aut referens... montibus ornum..., caput inter nubila condit, talis se vastis infert Mezentius armis! Tel est l'adversaire que Virgile présente à son héros. Cependant la force des combattants nous intéressera moins que leurs caractères et leurs passions. Il faut qu'avant de mourir, Mézence sente son cœur dé

«Nunc morere: ast de meDivûm pater atque hominum rex
Viderit.» Hoc dicens, eduxit corpore telum :
Olli dura quies oculos et ferreus urget

Somnus; in æternam clauduntur lumina noctem.

Cædicus Alcathoum obtruncat, Sacrator Hydaspen,
Partheniumque Rapo, et prædurum viribus Orsen;
Messapus Cloniumque, Lycaoniumque Ericeten :
Illum infrenis equi lapsu tellure jacentem,
Hunc peditem pedes. Et Lycius processerat Agis,
Quem tamen haud expers Valerus virtutis avitæ
Dejicit; at Thronium Salius, Saliumque Nealces,
Insignis jaculo et longè fallente sagittà.

Jam gravis æquabat luctus et mutua Mavors
Funera; cædebant pariter pariterque ruebant
Victores victique; neque his fuga nota, neque illis.
Di, Jovis in tectis, iram miserantur inanem
Amborum, et tantos mortalibus esse labores :
Hinc Venus, hinc contrà spectat Saturnia Juno;
Pallida Tisiphone media inter millia sævit.

At verò ingentem quatiens Mezentius hastam
Turbidus ingreditur campo. Quàm magnus Orion,
Quum pedes incedit medii per maxima Nerei
Stagna, viam scindens, humero supereminet undas;
Aut, summis referens annosam montibus ornum,
Ingrediturque solo, et caput inter nubila condit:
Talis se vastis infert Mezentius armis.

chiré par les plus cruels tourments: les douleurs d'une mort sanglante, qu'il partagerait avec tant d'autres guerriers, ne suffiraient pas pour venger sur le tyran les droits de l'humanité (liv. vi, v. 483). Mais comment déchirer le cœur d'un pareil monstre? Virgile lui prête un sentiment, que la scélératesse même n'éteint pas: l'amour paternel, le seul qui lui reste, n'en a que plus de force, et dès le commencement du combat, lorsqu'après ces mots, dextra mihi deus..., il fait ce vœu à son fils comme à son dieu, voveo... te..., Lause, tropæum Æneæ, le poëte exprime cet amour encore plus que son impiété. Mais le comble de l'adresse, c'est de nous préparer nous-mêmes aux tourments de son âme, en nous faisant verser des larmes sur la mort de son fils. Le contraste de cette figure touchante avec l'horrible figure du père forme une des beautés du tableau; et quel intérêt excite ce dévouement de la piété filiale! Lorsque Lausus voit son père blessé, ses larmes coulent, ingemuit cari graviter genitoris amore..., lacrymæque per ora volutæ: et aussitôt l'émotion du poëte ajoute à la nôtre par cette apostrophe pleine de sensibilité et de noblesse, hic mortis duræ casum..., nec te, juvenis memorande, silebo. Pendant que Mézence recule avec les dangers et la lenteur que peignent le sens des mots, les images et la cadence, et inutilis, inque ligatus...

Huic contrà Æneas, speculatus in agmine longo,
Obvius ire parat: manet imperterritus ille,

Hostem magnanimum opperiens, et mole suâ stat;
Atque oculis spatium emensus quantùm satis hastæ:
<< Dextra mihi deus et telum, quod missile libro,
Nunc adsint! Voveo prædonis corpore raptis
Indutum spoliis ipsum te, Lause, tropæum
Æneæ.» Dixit, stridentemque eminus hastam
Jecit: at illa volans clypeo est excussa, proculque
Egregium Anthorem latus inter et Ilia figit,
Herculis Anthorem comitem, qui missus ab Argis
Hæserat Evandro, atque Italà consederat urbe.
Sternitur infelix alieno vulnere, cœlumque
Adspicit, et dulces moriens reminiscitur Argos.
Tum pius Æneas hastam jacit: illa per orbem
Ære cavum triplici, per linea terga, tribusque
Transiit intextum tauris opus, imaque sedit
Inguine; sed vires haud pertulit. Ocyùs ensem
Æneas, viso Tyrrheni sanguine lætus,
Eripit a femine, et trepidanti fervidus instat.

Ingemuit cari graviter genitoris amore,
Ut vidit, Lausus, lacrymæque per ora volutæ.
Hic mortis duræ casum, tuaque optima facta
(Si qua fidem tanto est operi latura vetustas)
Non equidem, nec te, juvenis memorande, silebo.
Ille pedem referens, et inutilis, inque ligatus

cedebat, clypeoque..... hastile trahebat, voyez Lausus s'élancer pour le défendre, prorupit juvenis...: l'épée d'Énée va tomber sur Mézence, jamque assurgentis dextrâ.....; à l'instant même Lausus pare le coup, subiit mucronem, ipsumque morando sustinuit. Vous voyez enfin le père se retirant du combat, à l'abri du bouclier de son fils, dùm genitor nati parmâ protectus abiret. Combien le dévouement de Lausus doit encore le rendre plus cher à son père ! Et ce fils va périr !

Lausus va périr de la main d'Énée. C'est ici que Virgile établit l'opposition la mieux marquée et la plus touchante entre le caractère d'Énée et celui de Turnus. Il nous montre d'abord le héros soutenant seul l'attaque de Lausus et de tous ses soldats, socii magno clamore sequuntur..., proturbant eminùs...: on s'étonne moins alors qu'il laisse échapper Mézence. Le poëte semble même s'arrêter quelque temps avec le héros, tectusque tenet se, ac velut effusa...: admirons dans la comparaison le nombre et le choix des idées, mais surtout les détails de l'orage, qui amènent enfin cette image sublime du choc épouvantable, que soutient Énée sous son bouclier, nubem belli, dùm detonet, omnem sustinet. Qu'on se rappelle la situation de Turnus à l'égard de Pallas, et les paroles cruelles du Rutule assuré de la victoire. Maintenant, au milieu d'un péril effroyable, Énée témoin de la piété filiale de Lausus, laisse tomber sa fureur, qui jusque-là ne lui permettait pas la pitié; il lui crie, quó, moriture, ruis, fallit te incautum pietas tua. Ce n'est que l'attaque réitérée du jeune homme, qui le force enfin à lui donner la mort, nec minùs exsultat demens, sævæ jamque...

Cedebat, clypeoque inimicum hastile trahebat.
Prorupit juvenis, seseque immiscuit armis :
Jamque assurgentis dextrâ plagamque ferentis
Æneæ subiit mucronem, ipsumque morando
Sustinuit; socii magno clamore sequuntur,
Dum genitor nati parmâ protectus abiret;
Telaque conjiciunt, proturbantque eminus hostem
Missilibus: furit Æneas, tectusque tenet se.
Ac velut, effusâ si quando grandine nimbi
Præcipitant, omnis campis diffugit arator,
Omnis et agricola, et tutâ latet arce viator,
Aut amnis ripis, aut alti fornice saxi,
Dum pluit in terris, ut possint, sole reducto,
Exercere diem: sic obrutus undique telis
Æneas nubem belli, dum detonet, omnem

Sustinet, et Lausum increpitat, Lausoque minatur:
«Quò, moriture, ruis, majoraque viribus audes?
Fallit te incautum pietas tua. » Nec minùs ille
Exsultat demens: sævæ jamque altiùs iræ

Turnus foulait aux pieds le corps de Pallas; mais à peine le fils d'Anchise, Anchisiades, a-t-il vu sur le visage de Lausus la pâleur de la mort, aussitôt ses gémissements, ingemuit miserans gravitèr, son geste, dextramque tetendit, ce sentiment si naturel et si touchant, mentem patriæ subiit pietatis imago, offrent l'expression la plus vive de sa douleur et de ses regrets. Quelle différence entre le langage de Turnus après la mort de Pallas, et le discours d'Énée déplorant le sort de son ennemi et faisant son éloge, quid tibi nunc, miserande puer, pro laudibus istis,... tantâ indole dignum! Ce n'est plus l'amertume des paroles du Rutule renvoyant le corps de Pallas à Évandre, arma quibus lætatus habe, teque parentúm Manibus et cineri... remitto; enfin, loin d'outrager le corps de Lausus, le héros aide lui-même à le relever, increpat... socios, et terrâ sublevat ipsum.

Revenons sur quelques détails. Le javelot que Mézence destinait à Énée donne la mort à un Grec (v. 777). Cette circonstance, et les détails sur le pays et la destinée d'Anthor, amènent le vers le plus touchant qu'ait jamais inspiré le sentiment de la patrie, sternitur infelix alieno vulnere, cœlumque aspicit, et dulces moriens reminiscitur Argos. Quand Énée parle ainsi de luimême, Æneæ magni dextrâ cadis, on s'étonne sans doute d'un langage qui n'est pas dans nos mœurs. Mais lorsque les héros ont sur les autres mortels la supériorité que leur donne l'épopée, ne leur est-il pas permis de la sentir et de l'exprimer eux-mêmes ? — Dans la couleur générale du récit de la mort de Lausus, et dans plusieurs détails du même genre que le dernier trait, comptos de

Dardanio surgunt ductori, extremaque Lauso
Parcæ fila legunt: validum nanique exigit ensem
Per medium Æneas juvenem, totumque recondit.
Transiit et parmam mucro, levia arma minacis,
Et tunicam, molli mater quam neverat auro;
Implevitque sinum sanguis: tum vita per auras
Concessit mosta ad Manes, corpusque reliquit.
At verò ut vultum vidit morientis et ora,
Ora modis Anchisiades pallentia miris,
Ingemuit miserans graviter, dextramque tetendit,
Et mentem patriæ subiit pietatis imago :

« Quid tibi nunc, miserande puer, pro laudibus istis,
Quid pius Æneas tantà dabit indole dignum?
Arma, quibus lætatus, habe tua; teque parentûm
Manibus et cineri (si qua est ea cura) remitto.
Hoc tamen, infelix, miseram solabere mortem :
Eneæ magni dextrà cadis. » Increpat ultro
Cunctantes socios, et terrà sublevat ipsum
Sanguine turpantem comptos de more capillos.

« AnteriorContinuar »