hunc lala retectum.., summum degustat vulnere corpus. La seconde partie de l'action, présentée en six vers également, est encore embellie par cette nouvelle image de la valeur du guerrier, ille clypeo objecto.., ibat..., par celle de sa chute, quum rota præcipitem..., et de sa mort, imam inter galeam... Ce récit méritait de terminer le morceau. Quelle variété, quelle justesse dans le choix et la distribution des couleurs et des images! --- Pendant que Turnus fait dans la plaine cet horrible carnage, Virgile porte nos regards sur Énée retenu, dans le camp par sa blessure; et, en achevant de nous faire trembler pour l'armée troyenne, l'inaction forcée du héros l'élève encore à nos yeux. Nulle part Énée ne paraît plus grand que dans ce récit. -Ces mots, castris statuére cruentum, les efforts et la marche pénible du vers suivant, alternos longâ nitentem..., font sentir la gravité de la blessure. Dans son impatience de retourner au combat, voyez ce que fait le héros lui-même, luctatur.., eripere, ce qu'il demande, et le choix de l'instrument, viam quæ proxima.., secent vulnus, ense lato.., latebram rescindant penitùs..... Au milieu des douleurs de l'opération, le poëte lui conserve cette attitude, stabat, ingentem nixus in hastam, Æneas..: autour de lui tout le monde souffre, son fils pleure; lui seul est inébranlable, magno juvenum et maréntis Iuli concursu, lacrymis, immobilis..; et ce Loricam, et summum degustat vulnere corpus. Iasides; acri quondam cui captus amore Scire potestates herbarum usumque medendi Stabat, acerba fremens, ingentem nixus in hastam, -- pendant quelles douleurs supposent ce travail sur la blessure et les efforts d'lapis décrits avec tant de soin, nequidquam trepidat.., spicula sollicitat, prensatque tenaci forcipe ferrum ! Ce qui complète alors l'intérêt de la situation et l'intention générale du poëte, c'est le tourment que le héros éprouve, pendant que les Troyens sont battus dans la plaine: on voit le désastre augmenter et approcher, magis ac magis crebrescit.., propiusque.., jàm pulvere cœlum.., spicula castris.., cadunt..: enfin ce qui achève le présage de la défaite, it tristis ad æthera clamor.., juvenum... Les autres parties du récit sont aussi parfaites. Parmi les détails sur Iapis, quel heureux effet produit sa piété filiale, ut... proferret fata parentis, et son dévouement à l'humanité, maluit et mutas agitare inglorius artes ! Iapis tenant son art d'Apollon, ipse suas artes... Apollo... dabat.., ses vains efforts annoncent la grandeur du mal.., nihil auctor Apollo: on commence à désespérer de la guérison; joignez-y le danger de l'armée : pouvait-on mieux amener l'intervention de la mère du héros, indigno nati concussa dolore ? Observez l'élégance des détails sur le dictamne, puberibus caulem foliis.., et la noblesse des mots exprimant l'action de la déesse, labris splendentibus amnem..., ambrosia succos... Ne semble-t-il pas que nous voyions, nous sentions cette guérison subite,.. omnis de corpore fugit... dolor.., omnis stetit... Concursu, lacrymis immobilis. Ille retorto Pæonium in morem senior succinctus amictu, sanguis, jamque secuta manum, nullo cogente.., atque novæ vires ? Les paroles d'Iapis complètent l'effet et l'intention, arma citi properate viro. Après la guérison de sa blessure, et lorsqu'il retourne au combat, le héros impassible, tant que la douleur a travaillé son corps, déploie toute sa sensibilité dans cet embrassement du guerrier qui compatit aux larmes et à la joie de son fils, Ascanium fusis circum... per galeam delibans oscula... Ne sentez-vous pas l'élévation où s'était placée son âme, disce, puer, virtutem ex me verumque laborem, fortunam ex aliis ? C'est pour son fils qu'il va combattre, nunc te mea dextera... Enfin peut-on ne pas applaudir au sentiment sublime qui lui inspire ces paroles, que le poëte a déjà si bien placées ailleurs... te... et pater Æneas et avunculus excitet Hector? (Liv. III, v. 343.) Seconde partie de la bataille : le retour d'Énée et les exploits des deux héros. D'un côté, les images effrayantes de la marche d'Énée, sese extulit ingens, telum immane.., simul agmine denso.., cœco pulvere.., pulsuque pedum; de l'autre, la terreur de ses ennemis, vidit... Turnus, vidére, Ausonii, gelidusque.., Juturna audiit.., et tremefacta refugit; ensuite, pour achever de frapper l'imagination, Excidit, atque novæ rediêre in pristina vires. Hinc atque hinc, oditque moras, hastamque coruscat. Hæc ubi dicta dedit, portis sese extulit ingens, les mêmes idées, presentées sous la forme d'une comparaison, la marche, ille volat; campoque atrum rapit.., qualis, ubi ad terras.., nimbus.., l'épouvante et les présages, miseris heu ! præscia... horrescunt corda, dabit ille ruinas.., le bruit même qui de loin fait trembler, antevolant sonitumque ferunt; tel est le tableau qui annonce le rival de Turnus et le changement de l'action. Dans aucune autre partie du poëme, Virgile n'a donné au caractère de son héros plus de grandeur réelle que dans le douzième livre. Il se précipite avec ses guerriers dans la mêlée; mais tandis que ceux-ci égorgent les ennemis, ferit ense Thymbræus, Mnestheus, etc., il ne daigne pas frapper ceux mêmes qui l'attaquent, neque adversos dignatus..., nec tela ferentes..: il ne cherche que Turnus, solum... Turnus.., solum... Nous verrons plus loin les scrupules qu'il surmonte, avant de se déterminer à immoler d'autres guerriers. Ce trait sublime du caractère d'Énée est une raison de plus, pour ne pas excuser Virgile, lorsqu'il prête à Turnus une conduite et des sentiments contraires. Cependant il ne faut pas croire que, s'il diffère encore la rencontre des deux héros, ce soit uniquement pour prolonger l'action et reculer le dénouement. Il s'agit d'amener un des trois faits indispensables que nous avons annoncés dans la troisième partie du récit, Énée se portera sur Laurente, et Amate persuadée que la bataille est perdue et Turnus tué, se donnera la mort. Il faut donc, pour la vraisemblance, que les deux héros combattent aux deux extrémités de la plaine, Énée du côté de la ville, et Turnus du côté opposé. Mais comme alors ils sembleraient s'éviter, Virgile sauve du moins l'honneur de son Ille volat, campoque atrum rapit agmen aperto. héros, et le désavantage de la situation retombe tout entier sur le Rutule. Il est vrai que Turnus ne paraît pas fuir de lui-même; mais l'action de Juturne satisfait-elle l'esprit du lecteur, et à l'approche du dénouement, l'imagination peut-elle admettre un merveilleux aussi petit que le moyen employé par la nymphe pour dérober son frère au bras d'Énée? Ce héros impétueux, qui tout à l'heure semblait devoir triompher seul de l'armée troyenne, maintenant il se laisse aller au gré du conducteur de son char, partout où il sait bien ne devoir pas trouver Énée, et dans ses rapides détours, lorsqu'il doit le voir ou l'entendre, rien n'annonce qu'il soit fâché de fuir devant son rival. Autant qu'il est possible, Virgile rachète le défaut du plan par la beauté des détails. Sous le rapport de l'expression poétique, rien de plus parfait que les nombreux détours du char et les cercles multipliés qui s'entremêlent à nos yeux dans la plaine. Quoi de plus léger que le vol irrégulier de l'hirondelle, nigra velut......, ædes pervolat..? Nous parcourons avec elle les diverses parties du vaste manoir, alta atria, porticibus vacuis, humida stagna; et quel intérêt ajoutent à la pensée le soin maternel et ces détails si vrais, pabula parva legens, nidis loquacibus! Pouvait-on mieux nous préparer aux images et à la cadence des vers suivants, similis... Juturna.. fertur equis..., jàmque hic..., volat avia longè..., haud minùs Æneas tortos legit obvius orbes..., alipedumque fugam...? Cependant cette vaine poursuite ne peut continuer longtemps sans exposer la dignité d'Énée lui-même. Ces deux vers nous préparent au changement, heu quid agat..., Hoc concussa metu mentem Juturna virago Ipsa subit, manibusque undantes flectit habenas, Cuncta gerens, vocemque, et corpus, et arma Metisci. Heu! quid agat? vario nequidquam fluctuat æstu, |