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ceros leptorhinus, l'Hippopotame (Hippopotamus major), plusieurs espèces de Cerfs, dont une appelée Megaceros Carnutorum par M. Laugel, un Bœuf de forte taille et un rongeur voisin du Castor, sur les caractères duquel nous reviendrons. Tout récemment, M. l'abbé Bourgeois a exploré avec soin le gisement de Saint-Prest et il y a constaté la présence de silex taillés (1).

Je ne discuterai plus l'origine des stries observées par M. Desnoyers, ni les conclusions qu'en a tirées ce savant géologue. Que ces stries soient ou non dues à l'action des couteaux en silex à l'usage des premiers hommes, peu importe maintenant, puisque des instruments de fabrication humaine sont enfouis dans le même dépôt avec les ossements sur lesquels on les observe.

Ce dépôt est-il réellement pliocène, c'est-à-dire tertiaire supérieur, et la présence de l'Elephas meridionalis parmi les animaux qui y ont laissé leurs débris suffit-elle, en effet, pour lui assigner cette ancienneté ? Telle est la question qu'il faut se poser. Je n'accepte pas cette opinion, et, en me fondant sur les espèces mêmes qui sont fossiles à Saint-Prest, j'inclinerais davantage à y voir, ainsi que je l'ai déjà dit (2), un conglomérat d'époque diluvienne, plus ancien, sans doute, que ceux du diluvium ordinaire, mais de la même série géologique, et, par conséquent, quaternaire. C'est un point que je discuterai dans un des chapitres suivants en parlant des pièces figurées sur les planches xv et xvi du présent ouvrage.

Si l'on n'a pas de preuves que l'Homme ait existé soit dans nos régions, soit ailleurs, pendant la période tertiaire, même aux derniers temps de cette période, il n'en est pas de même en ce qui concerne l'époque géologique à laquelle on donne maintenant la dénomination d'époque quaternaire. Celle-ci comprend les terrains que Cuvier et Brongniart appelaient diluviens. C'est à elle qu'appartiennent, en effet, les dépôts nommés diluvium gris et diluvium rouge, le remplissage ancien des cavernes et celui des brèches osseuses, enfin le lehm ou loëss. On trouve abondamment, dans les terrains de cette catégorie, des restes de l'industrie des premiers hommes, particulièrement des instruments en pierre taillée. Ils y sont associés aux grands Mammifères diluviens et il est évident que l'existence de ces espèces s'est prolongée jusqu'aux temps où le refroidissement de l'atmosphère a donné naissance à la période glaciaire proprement dite, Voilà pourquoi les débris des grands quadrupèdes anéantis sont associés, en divers endroits, à ceux des Rennes, et l'on remarque, sur les os de ces derniers animaux, des traces de la main de l'Homme. On constate, en effet, que les ossements de ces ruminants, enfouis dans les conditions qui viennent d'être rappelées, ont été brisés, afin d'en extraire la moelle, ou travaillés de diverses manières et transformés en instruments destinés à des usages très-variés.

(1) Compt. rend. hebd., t. LXIV, p. 47; 1867.

(2) Mémoires de l'Acad. de Montpellier, t. VI, p. 184; 1865.

L'Homme est-il aussi ancien dans nos régions que sembleraient l'indiquer les silex taillés qu'on rencontre si abondamment en quelques points dans les couches du diluvium ou bien quelques remaniements postérieurs au premier dépôt de ces assises diluviennes et dus aux eaux, qui ont ultérieurement agi sur elles, ont-ils donné, à cet égard, le change aux observateurs? Ces deux opinions ont des défenseurs également habiles, et nous rappellerons bientôt quelques-uns des faits qui ont servi à les appuyer. Bornons-nous, pour le moment, à constater, comme un fait irrécusable, que l'Homme a existé dans les parties centrales et méridionales de l'Europe avec les Rennes, animaux depuis longtemps refoulés dans les régions polaires, et rappelons qu'à cette époque, si éloignée de nous que l'histoire n'en a pas conservé le souvenir, les grandes espèces, que Cuvier croyait antérieures à l'Homme, n'avaient point encore été anéanties.

Ces premières remarques font voir que la classification des terrains appelés quaternaires n'est pas aussi complétement achevée qu'on le pense en général; elles nous montrent en même temps que la paléontologie est appelée à refaire une partie considérable de l'histoire de notre propre espèce, dont le souvenir s'est effacé de la mémoire des hommes. C'est ce qui me faisait dire, dès 1848, que « l'archéologie et la paléontologie se confondent lorsque, remontant la série des âges, nous cherchons à connaître quelles sont les premières races d'hommes qui ont habité notre sol; quelles modifications leur ont imprimées les conquêtes successives des peuples voisins; à quelles populations animales déjà éteintes les premiers habitants des Gaules ont succédé; à quelles espèces, soit féroces, soit sauvages, vivant aux temps héroïques, ils ont disputé le sol que nous cultivons aujourd'hui (1)... »

Les Rennes devaient disparaître de nos régions et avec eux d'autres espèces se sont aussi retirées sous les latitudes les plus boréales. En effet, des modifications ne tardèrent pas à s'opérer dans la climatologie de nos pays, ainsi que dans celle des parties avoisinantes de l'Afrique ou de l'Asie. Les pluies torrentielles des premiers temps de la période diluvienne ne se sont plus reproduites, et les glaciers, dont le sol avait été, bientôt après, recouvert sur une grande surface, ont peu à peu perdu l'extension qui les avait d'abord caractérisés. Aux phases diluvienne et glaciaire de la période quaternaire a, dès lors, succédé une distribution régulière des saisons, peu différente, sans aucun doute, de celle qui subsiste encore.

D'immenses forêts ont bientôt couvert le sol, mais en beaucoup d'endroits les hommes ont continué à avoir les cavernes pour séjour ou pour sépulture. Ils trouvaient aussi des abris sous la robuste végétation dont nous venons de parler, ou bien encore, comme on en reconnaît des traces dans le Jura, en Savoie, en Suisse, dans la Vénétie, en Irlande et ailleurs, ils construisaient sur les lacs des habitations qui leur offraient un refuge contre leurs semblables et contre les animaux

(1) Zool. et Pal. franç., 1" édit., t. I, p. 2.

ANCIENNETÉ DE L'HOMME.

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carnassiers, tels que les Loups, les Ours de l'espèce ordinaire et quelques autres quadrupèdes moins forts, il est vrai, que ne l'avaient été les grands carnivores diluviens, mais cependant très-nombreux et, par suite, également redoutables.

Parmi les espèces alors plus répandues qu'elles ne le sont aujourd'hui, il faut également citer le Castor, le Sanglier, le Cerf, etc., qui pullulaient dans un grand nombre de localités d'où ils ont disparu depuis. Il y avait aussi, dans beaucoup de lieux, des Bœufs sauvages de grande dimension : l'Aurochs ou Bos urus, qui est le même que le Bos priscus des époques plus anciennes, et le Bœuf primitif (Bos primigenius), qui passe pour l'une des souches de nos Boeufs domestiques.

Les hommes de ces temps reculés étaient en possession du Cheval; ils comptaient aussi parmi leurs animaux domestiques le Bœuf ordinaire (Bos taurus), le Cochon, le Chien, la Chèvre et le Mouton, que les âges antérieurs paraissent n'avoir pas connus, du moins dans nos régions.

C'est vers la même époque que s'est opérée l'extension, en Europe, de tous ces peuples d'origine asiatique, que l'on confond sous le nom d'Aryas, et ce sont, sans doute, eux qui y ont amené les principales espèces domestiques dont la civilisation a su tirer un parti si avantageux. Les métaux n'étaient pas encore répandus, et, parmi les débris d'origine humaine qui caractérisent ces anciens temps, on trouve, comme précédemment, de nombreux silex taillés. Ils sont associés à des haches polies faites en jade, en néphrite, etc. Bientôt après, apparurent les instruments en métal, l'âge du bronze ayant succédé à celui pendant lequel on employait des instruments en pierre à l'exclusion d'objets métalliques. Ce n'est que plus tard encore que les hommes ont appris à travailler le fer.

Mais cette ère nouvelle des sociétés européennes ne répond pas à un changement complet de la population animale et végétale, et depuis le commencement de la période quaternaire il ne s'en était pas opéré qui fût comparable à ceux dont le globe avait été plusieurs fois le témoin pendant les périodes primaire, secondaire ou tertiaire. En effet, si nous faisons abstraction des animaux domestiques amenés par l'Homme lui-même, nos espèces européennes de Mammifères sont restées les mêmes, sauf les extinctions déjà signalées, que celles qui “avaient vécu alors que les dépôts diluviens étaient en voie de formation ou durant l'époque glaciaire.

Aussi trouvons-nous, dans les dépôts diluviens, des fossiles qui prouvent que le Loup, l'Ours ordinaire, le Blaireau, l'Aurochs, le Boeuf primitif, le Bouquetin, le Cerf, le Daim, le Chevreuil, le Sanglier, le Castor et presque tous les autres Mammifères actuels étaient déjà répandus dans nos contrées, et qu'ils ont été ensevelis dans les cavernes en même temps que les grandes espèces dont la présence dans ces terrains avait surtout préoccupé Cuvier : ils en ont donc été contemporains, et, quoiqu'ils leur aient survécu, on ne saurait les attribuer à une autre faune.

Ce résultat des recherches zoologiques et paléontologiques, qui ont été entre

prises depuis le grand naturaliste, méritait d'être rappelé dans ce préambule. Il nous donne, en effet, les moyens de contrôler la réalité des données dont il vient d'être question, et il nous suffira, pour en mettre les preuves sous les yeux du lecteur, de renvoyer aux détails consignés dans notre précédent ouvrage. Nous pouvons donc répéter ce que nous avons écrit ailleurs, il y a longtemps déjà, que la population mammifère de nos contrées descend, à l'exception des espèces domestiques que l'Homme y a amenées d'Orient, des espèces mêmes que l'Europe a eues pour habitants, alors que s'opérait le dépôt des terrains diluviens.

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DES DIFFÉRENTS GENRES DE PREUVES QU'ON A INVOQUÉES EN FAVEUR DE L'EXISTENCE
ANTE-HISTORIQUE DE L'HOMME DANS NOS CONTRÉES.

La notion de l'existence anté-historique de l'Homme en Europe a pour base principale l'observation attentive des faits géologiques, et parmi les preuves qu'on a invoquées à cet égard il n'en est pas de plus concluante que la découverte de débris humains dans les couches mêmes de la série quaternaire. Mais, si évident qu'il paraisse au premier abord, ce genre de preuves ne laisse pas d'offrir de grandes difficultés de détail. Les anthropolithes ne sont pas toujours faciles à reconnaître, et l'on peut aussi se tromper sur la nature ou l'ancienneté des terrains dans lesquels on trouve ces fossiles. J'en ai énuméré assez d'exemples dans le chapitre de ma Zoologie française qui traite de l'ethnographie envisagée au point de vue paléontologique (1) pour n'avoir pas besoin d'y revenir en ce moment; je préfère m'étendre sur d'autres genres de preuves dont on n'a connu l'importance que dans ces dernières années. Tels sont les instruments en pierre fréquents dans les stations des premiers habitants humains de nos régions, les os travaillés ou simplement fracturés des animaux dont l'Homme a autrefois tiré parti, les sculptures ou les dessins de ces animaux faits par les premiers hommes, et les fouilles entreprises au sein des palafittes ou anciennes habitations sur pilotis que l'on a retrouvées sous les lacs de plusieurs parties de l'Europe. Mais rappelons d'abord en quelques mots l'état de la question relative à la définition du mot fossile, principalement en ce qui touche les anthropolithes ou ossements fossiles de l'Homme.

LES FOSSILES HUMAINS.- La question, si longtemps controversée, de savoir si l'on rencontre des ossements humains que l'on puisse dire véritablement fossiles, est susceptible d'une solution précise, et de nombreux documents capables de l'éclairer ont déjà été réunis par les observateurs. Cette question, qu'adressent si souvent aux naturalistes les personnes étrangères à la géologie ou qui sont peu au courant de l'état actuel de cette science: Y a-t-il des hommes fossiles? mérite d'être examinée avec détail; mais, rappelons-le d'abord, telle qu'on la pose habituellement, elle donne une idée assez fausse du problème auquel elle se rapporte.

(1) P. 386.

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