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silex taillés que l'on recueille en France, figurent des naturalistes et des archéologues dont nous rappellerons les noms.

En 1860, M. Forel signalait des couteaux en silex dans une caverne située auprès de Menton (Alpes-Maritimes). Nous en avons, de notre côté, indiqué dans les départements du Gard, de l'Hérault et de l'Aude (1). M. Aymard en a figuré qui ont été recueillis aux environs du Puy-en-Velay. MM. Caraven, de Gourgues, Leymerie, Noulet, Garrigou, Filhol, Trutat, etc., en ont trouvé dans les départements avoisinant les Pyrénées. MM. Christy et Lartet en décrivent du département de la Dordogne. Il y en a dans le département de la Charente-Inférieure, particulièrement dans les grottes de Chaffaud, près la Rochelle (2). Ceux du Poitou ont été publiés par MM. Brouillet et Millet; ceux de l'Indre-et-Loire, par MM. Bourgeois, Delaunay, Bouvet, etc. MM. Robert et Berthout en possèdent de Meudon et de Paris même. M. Sauvage vient d'en indiquer dans le Pas-de-Calais, et l'on en connaît dans beaucoup d'autres lieux, sur lesquels les mémoires de MM. de Vibraye (grotte d'Arcy, département de l'Yonne), de Saint-Marceaux (silex taillés de Quincy-sous-le-Mont, département de l'Aisne), Watelet (silex de Cœuvres, département de l'Aisne), Chantre (silex taillés du Dauphiné), etc., etc., donnent aussi des détails.

Le recueil édité par M. de Mortillet, sous le titre de : Matériaux pour l'histoire positive de l'Homme, renferme d'autres indications analogues. On en trouvera aussi dans les Revues d'archéologie, dans les Mémoires de plusieurs sociétés savantes et dans quelques notices publiées séparément. Un des silex taillés, le plus remarquable par sa longueur (0m,345), a été découvert à Pauillac (Gers), par M. Bischoff, et décrit, dans la Revue gasconne pour 1865, par M. l'abbé Canéto. Ceux que l'on a recueillis dans d'autres parties de l'Europe ont également donné lieu à des publications aussi intéressantes que multipliées.

HACHES D'ABBEVILLE. Une forme remarquable de ces instruments en silex taillé est celle des Haches dites d'Abbeville, dont il a été retrouvé des exemplaires auprès d'Amiens, et dans plusieurs autres parties de la France, ainsi qu'en Angleterre (3), en Belgique (4) et en Espagne (5).

Ces haches de pierre sont devenues pour M. Boucher de Perthes, savant archéologue d'Abbeville, un nouvel argument en faveur de l'opinion qui admet la haute ancienneté de l'Homme et une preuve souvent citée de sa présence dans nos contrées au moment où les grandes espèces de quadrupèdes anéanties avant les temps historiques y pullulaient encore. Il les considère comme enfouies dans le terrain diluvien et leur assigne une ancienneté égale à celle des Mammifères (Rhinocéros ticho

(1) Bull. de l'Acad. de Montpellier; 13 juillet 1863.

(2) Moniteur du 13 février 1864.

(3) Voir les publications de MM. Prestwich (1862), Lyell, Lubboch, etc. (4) Malaise, Silex ouvrés de Spienne. (Bull. acad. de Belgique; 1866.)

(5) De Verneuil et Lartet, Bull. de la Soc. géol. de France; 1863.

rhine, etc.), dont il y a des ossements auprès de la même ville, dans le faubourg de Menchecourt. C'était d'ailleurs la première fois que l'on signalait de semblables instruments en France, et la classification qu'on avait donnée de leur gisement rendait leur découverte fort intéressante. Toutefois on n'en comprit pas immédiatement la portée, ou plutôt on ne leur attribua pas une semblable importance. Les restes de l'âge de pierre avaient à peine été remarqués par les savants français, lorsqu'il en fut parlé pour la première fois, et M. Boucher de Perthes dut conserver longtemps ses convictions avant d'obtenir que les naturalistes s'occupassent des faits curieux qu'il avait observés. Mais, il faut bien le dire à la décharge de ces derniers, les détails consignés dans les premières publications de M. Boucher ne présentaient pas tout d'abord les garanties d'une suffisante authenticité. En parlant des haches en pierre dans son livre sur les Antiquités celtiques ou anté-diluviennes, qui a paru en 1849, il avait, en effet, inséré le passage suivant qui fait honneur à sa sincérité, mais pouvait bien inspirer quelques doutes : « Je n'étais pas présent, lorsqu'elles ont été extraites de la sablière. »

Durant le dernier siècle, une hache, tout à fait semblable à celles d'Abbeville, avait été recueillie dans Londres même, à Grays-in-Lane. Elle a fait partie de la collection de Sloane et est aujourd'hui conservée au musée britannique, où nous l'avons vue, il y a déjà plusieurs années. Son étiquette porte qu'elle était enfouie avec des os d'Éléphant « with Elephant's remains. »

Après plusieurs années de persévérantes recherches, en 1863, M. Boucher de Perthes trouva également auprès d'Abbeville, dans les sablières de Moulin-Quignon, dans le gisement même qui lui avait fourni les haches citées précédemment, une mâchoire inférieure provenant, sans aucun doute, d'un sujet humain et que M. de Quatrefages a mise sous les yeux de l'Académie des sciences de Paris. Cette pièce est devenue l'objet de nombreuses observations et elle a fourni matière à des discussions que nous n'avons pas à rappeler ici. On trouvera des détails à cet égard dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences et dans les publications de la Société anthropologique.

Pour l'auteur de cette découverte, l'identité des couches renfermant la mâchoire et les baches de Moulin-Quignon, avec celles du faubourg Menchecourt d'où Cuvier avait reçu des fossiles diluviens, ne saurait être contestée; suivant lui, la contemporanéité de l'Homme avec les grands quadrupèdes, maintenant anéantis, qui ont vécu pendant l'époque diluvienne, se trouverait dès lors acquise à la science. Cependant, cette fois encore, des objections graves se sont produites, objections que nous ne devons pas passer sous silence.

M. Élie de Beaumont a nié formellement que le terrain de Moulin-Quignon fût d'époque diluvienne. D'autre part, M. Hébert a établi que c'était bien du diluvium, mais du diluvium moins ancien que celui où sont enfouis les fossiles de Menchecourt; il le considère comme en étant séparé par plusieurs couches faciles à

distinguer. N'est-ce pas dire également qu'on ne saurait classer le dépôt de MoulinQuignon parmi ceux que Cuvier attribuait au diluvium (1)? Enfin j'ai observé, de mon côté, que le mode de conservation de la mâchoire humaine d'Abbeville indique une date d'enfouissement évidemment postérieure à celle des os diluviens trouvés près de la même ville, qui proviennent des animaux d'espèces perdues.

On pourrait donc considérer la question comme jugée contrairement à l'âge diluvien des ossements et des haches de Moulin-Quignon et, par suite, contester une fois de plus la présence des ossements de l'Homme parmi les dépôts qui remontent aux premiers temps de l'époque quaternaire. Cependant M. Élie de Beaumont, d'ailleurs très-explicite en ce qui concerne cette localité, fait ses réserves quant au gisement de Saint-Acheul près Amiens, où l'on trouve des haches de même forme associées à des os d'Eléphant dans des sablières que MM. Gaudry et Hébert rapportent, sans hésiter, au diluvium véritable. On observe, par endroits, de semblables associations dans les graviers diluviens des environs de Paris.

Peut-être se demandera-t-on comment il existe une si grande différence d'âge entre des produits de l'industrie humaine, qui sont de forme si parfaitement identique que les haches d'Abbeville et celles d'Amiens; mais le fait étant reconnu exact, c'est aux archéologues plutôt qu'aux naturalistes qu'il appartient de résoudre ce nouveau problème. Il est vrai que la science est encore bien éloignée de posséder une classification chronologique des instruments en silex.

AUTRES LOCALITÉS. A Cœuvres, entre Villers-Cotterets et Soissons, il existe un dépôt de silex taillés, bien évidemment associés à des os d'Eléphant, de Rhinocéros, de grand Bœuf, de Cheval et autres animaux diluviens, sur lequel M. Watelet a le premier appelé l'attention des naturalistes. J'ai visité ce dépôt qui est enclavé dans le calcaire nummulitique, et je suis, avec M. Hébert, de l'avis que l'on peut l'expliquer par l'écrasement de quelque cavité comparable à une caverne; mais les objections faites à propos des cavernes ordinaires se représentent dès lors à l'esprit, et, si les silex supposés taillés de Cœuvres méritent réellement cette qualification, ce que j'admets, ne peut-on pas penser qu'ils ne sont peut-être pas du même âge que les ossements diluviens avec lesquels on les trouve mêlés, et, par suite, l'incertitude subsiste au sujet de leur ancienneté géologique. On est d'autant plus fondé à soutenir qu'il en est ainsi, que les dépôts diluviens non remaniés ne renferment que des débris animaux, sans traces d'os de l'Homme ou d'objets provenant de son industrie. L'observation des haches de Saint-Acheul et de Madrid mériterait une plus

(1) Dans sa note du 25 mai 1863 (Compt. rend. hebd.), mon savant collègue va plus loin encore. Il dit en effet : « Le gisement de Moulin-Quignon ne présente les caractères ni du diluvium gris ni du diluvium rouge; il semble être le résultat du mélange des deux par des eaux violemment agitées, peut-être celles auxquelles est dû le dernier creusement des vallées..... Il y a donc là l'indication d'une septième phase de la période quaternaire. »>

grande confiance, si de nouvelles observations au sujet des gisements qui les ont fournies n'étaient encore désirables.

Ce sont là de grandes présomptions en faveur de l'ancienneté diluvienne de l'Homme, ce ne sont pas encore des preuves irrécusables. D'ailleurs la géologie n'a pas dit son dernier mot sur les terrains que les géologues ont réunis et réunissent encore sous la dénomination commune de diluvium.

Ce qui reste, dès à présent, acquis à la science, c'est l'exagération dans laquelle beaucoup de personnes sont tombées, en attribuant indistinctement aux temps où vivaient les grandes espèces de Mammifères, soit pachydermes, soit carnivores, plus particulièrement durant l'époque diluvienne proprement dite, les gisements de silex taillés, couteaux, pointes de flèches, haches en coins de l'âge de la pierre, et les instruments en os, découverts postérieurement aux remarques de Frere et de Schmerling en tant de lieux différents et sur des points si éloignés les uns des autres. L'archéologie n'a pas de peine à démontrer qu'il s'en est fabriqué à des époques beaucoup moins éloignées; cependant les anciens gisements de l'âge de la pierre n'ont point encore fourni de haches taillées, ce qui indiquerait tout au moins que les remaniements du sol qui ont pu changer leurs rapports de stratifications sont antérieurs à l'époque néolithique.

OS D'ANIMAUX UTILISÉS PAR L'HOMME.

Beaucoup d'autres objets ouvrés sont associés aux silex taillés dans les palafittes ou anciennes habitations sur pilotis, à l'usage des hommes qui vivaient sur les lacs. On en trouve aussi dans les cavernes. Ces objets sont, les uns de provenance animale, les autres d'origine végétale. Parmi les premiers, on remarque particulièrement des dents perforées ou des portions de dents différemment sculptées, des fragments d'ivoire, etc., qui ont également servi à l'Homme. Il y a aussi des os tantôt taillés en poinçons, poignards, stylets ou polissoirs, ou simplement brisés en éclats, maissur lesquels l'action de l'Homme n'est pas moins évidente. On découvre aussi des coquilles qui ont été percées pour être réunies en colliers ou en couronnes, analogues sans doute à celles que font de nos jours beaucoup de peuplades sauvages.

Les os simplement brisés sont ceux sur lesquels l'action de l'Homme semblerait le moins démontrable, mais il est cependant facile de la constater. C'est en Danemark qu'ils ont d'abord été signalés. On les trouve dans les amas ou monticules terreux peu éloignés de la mer, renfermant une grande quantité d'instruments en pierre et beaucoup de coquillages alimentaires, auxquels les naturalistes de ce pays ont donné le nom de Kjôkkenmôddings, signifiant débris de cuisine.

Des os exactement fracturés de la même manière se retrouvent à Bize (Aude), aux Eyzies, dans le département de la Dordogne et dans une foule d'autres localités où les fossiles abondent. Ici, c'est au Renne lui-même qu'ils appartiennent, mais on ne trouve pas cette espèce dans les Kjokkenmôddings dont le dépôt paraît remonter à une date plus rapprochée de celle des palafittes. Le Mammouth et le Rhinocéros

ne s'y rencontrent pas non plus; les espèces qu'on y a reconnues sont le Bœuf primitif et le Bison d'Europe, associés au Daim, au Chevreuil, au Castor, au Loup, au Lynx ainsi qu'au Renard. Il y a aussi un Phoque (Phoca gryphus), ce qui s'explique par le voisinage de la mer, et un oiseau de rivage digne d'être signalé, le grand Pingouin (Alca impennis), espèce depuis longtemps disparue de ces mêmes parages et qui maintenant n'existe peut-être plus qu'au Groënland, si même elle n'y a pas été entièrement détruite. Un seul animal domestique a été signalé dans les Kjôkkenmôddings, c'est le Chien; la race en est plus petite que celle des chiens de l'âge du bronze.

Les os fracturés par l'Homme sont les os longs, particulièrement ceux des animaux ruminants. Ils sont partagés en fragments longitudinaux, à bords irréguliers, ayant conservé la netteté de leur cassure. Ces os ainsi concassés sont restés sur les lieux où l'Homme les a brisés ; ils diffèrent, par là, de ceux qui ont été roulés et de ceux qu'ont rongés les carnivores. En effet, leurs épiphyses, c'est-à-dire leurs parties terminales, sont encore intactes. Au contraire, ce sont surtout les parties terminales, dont la substance organique est plus abondante, que recherchent les animaux féroces, et ces derniers laissent intactes les diaphyses, c'est-à-dire la partie moyenne du corps des os dont les extrémités entamées montrent alors la trace de leurs puissantes canines.

On reconnaît aisément que la brisure dont les os cassés par l'Homme ont été l'objet avait pour but de permettre d'en extraire la moelle. Les vertèbres et d'autres pièces qui manquent de cette substance sent restées intactes. Aujourd'hui encore les peuples du Nord ont recours au même procédé de brisure. Ajoutons que, dans certains cas, des stries reconnaissables pour avoir été faites avec des instruments en silex sur les mêmes os permettent d'assurer que ces os proviennent bien des festins de l'Homme, puisqu'elles sont la trace des couteaux de pierre dont il s'est servi pour en détacher les chairs.

M. Steenstrup, savant naturaliste de Copenhague (1), a fourni à cet égard des données très-précises et d'une application facile. On peut ainsi reconnaître, à l'examen des pièces osseuses que l'on retire des terrains quaternaires, si les animaux dont ces débris osseux proviennent ont servi à l'Homme, ou si, au contraire, la dent des carnivores, plus particulièrement celle des grands Felis et surtout des Hyènes, a seule agi sur eux.

Certaines cavernes du midi de la France nous fournissent des exemples remarquables de ces deux modes. Dans celle de Bize, la plupart des os du Renne sont fracturés comme nous venons de le dire, et c'est à la main de l'Homme qu'il faut attribuer ces fractures; dans celle de Lunel-Vieil, près Montpellier, où le Renne n'a pas encore été démontré, les os longs des grands ruminants, et ce sont principale

(1) Menneskeslagtens tidligste Optræden i Europa. In-8. Copenhague; 1865.

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