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apparition de l'Homme dans nos contrées; elles répondent aux sédiments également argileux des cavernes ou des brèches, et paraissent avoir eu de même une durée considérable. Les preuves qu'elles ont fournies de l'association de notre espèce avec les grands mammifères éteints méritent donc d'être également prises en considération. Une des observations, les plus curieuses qu'elles aient fournies, a été récemment communiquée à l'Académie des sciences de Paris par M. Faudel (1). Il s'agit d'une portion de crâne, assez semblable, par sa dépression, son allongement et la saillie de ses arcades sourcilières, au fameux crâne de Neanderthal, trouvée en plein lehm avec des os de Bœufs et de Cerfs, et dans une couche de ce terrain dont les assises inférieures ont fourni une dent de Mammouth. Le crâne d'un squelette humain, recueilli dans un terrain de gravier, à Slau, en Mecklenbourg, présente, d'après M. Vogt, des caractères analogues. Son antiquité, qui pourtant ne remonte pas au delà de celle des habitations lacustres, est attestée par des instruments en os, une hache d'arme avec emmanchure en bois de Cerf, des défenses taillées de Sanglier et trois incisives de Cerf percées à la racine, dont il était accompagné.

CHAPITRE TROISIÈME.

EXPLORATION DE DIVERSES CAVERNES RENFERMANT DES ANTHROPOLITHES ET DES DÉBRIS
DE L'INDUSTRIE PRIMITIVE De l'homme.

Les cavernes à ossements que j'ai eu l'occasion d'explorer appartiennent, pour la plupart, au midi de la France, particulièrement au bas Languedoc ; je donnerai dans ce chapitre les principaux détails que j'ai pu réunir à leur égard; chacune d'elles sera l'objet d'un paragraphe spécial; c'est par la description de celles qui renferment les débris les moins anciens que je commencerai.

§ 1.

Grotte sépulcrale de Roca-Blanca, près Cabrières (Hérault).

M. Graff, ingénieur des mines, qui a dirigé pendant plusieurs années l'exploi

(1) Compl. rend. hebd., t. LXIII, p. 689; 1866.— Bull. de la Soc. géol., 2a série; t. XXIV, p. 36 (avec fig.). Le lieu où l'on a fait cette découverte est Eguisheim, près Colmar.

Une observation analogue a été publiée, depuis longtemps (1822), par M. Boué, sans que les géologues y aient attaché l'importance qu'elle méritait.

tation des houillères de Neffiès, situées près de Cabrières (Hérault), a entrepris, dans cette localité et aux environs, des études géologiques d'un très-grand intérêt, qui ont surtout profité à l'histoire des terrains paléozoïques. En 1859, ayant été obligé de s'absenter pendant quelques semaines, il avait recommandé aux hommes placés sous ses ordres de continuer à chercher les traces des anciennes exploitations entreprises dans ce pays par les Romains, et abandonnées depuis eux. Le 31 mars, il reçut avis que ses prévisions relatives à d'anciennes excavations minières sur le coteau de Bellarade avaient été reconnues fondées, et que l'on venait d'y découvrir une descenderie, c'est-à-dire un puits d'ancienne exploitation dont le boyau pénétrait, lui écrivait-on, dans « de grands travaux d'un aspect tout à la fois beau, intéressant et émouvant. » Ces prétendus travaux firent soupçonner à M. Graff quelque caverne naturelle en communication avec le descendant romain, et, à son passage à Montpellier, il m'engagea à l'explorer avec lui.

Le descendant ou conduit formé de main d'homme à l'endroit nommé la RocheBlanche (Roca-Blanca) est situé sur le côté méridional de la colline dévonienne de Bellarade, à 100 mètres environ au-dessus de la rivière de Boyne, et à 180 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est percé dans la dolomie. Son orifice, que surmonte un petit massif pierreux, simule un de ces abris ombragés par quelques arbrisseaux, sous lesquels les ouvriers employés à la culture des vignes se retirent pendant la grosse chaleur du jour; elle est au milieu d'un vignoble. Les déblais ayant été opérés, on a reconnu que le conduit dont il s'agit était long de 17 mètres, et que son inclinaison est de 30° par rapport à l'horizon. La roche dolomitique dans laquelle il a été pratiqué est parcourue par une multitude de veines de quartz, et il porte encore, à certains endroits, la trace des coups de pique attestant les travaux d'extraction qui y ont été pratiqués autrefois. On y voit d'ailleurs affleurer, mais en petite quantité, des veines de carbonate de cuivre que les mineurs y recherchaient à l'époque romaine. Extérieurement, aux abords de cette ancienne galerie, le sol est jonché de nombreux fragments du même minerai de cuivre, restés à sa surface depuis ces temps reculés. L'ancienneté de ces débris de l'exploitation minière d'un autre âge, si grande qu'elle soit aux yeux de l'historien, paraît peu considérable au géologue, qui songe à l'antiquité bien autrement reculée des Goniatites et des Orthocères, animaux ayant appartenu à l'une des premières populations du globe et dout les restes sont également nombreux au même endroit.

Un fait inattendu devait se présenter ici. Au lieu de se terminer en cul-de-sac, comme celles que l'on a retrouvées dans les environs de Cabrières, la descenderie de la Roche-Blanche mène dans une excavation naturelle qui s'étend, d'un côté, sur une longueur de 24 mètres, et, de l'autre, sur une longueur de 10 mètres. La hauteur de cette cavité varie entre 4,50 et 6 mètres. La roche, qui en forme les parois, est traversée, comme celle du couloir, par de nombreuses veines de quartz blanc. Des stalactites et des stalagmites, aussi élégantes que variées dans leurs formes, en

ornent les divers compartiments; elles sont dues à des filtrations chargées de carbonate calcaire, qui s'y déversent goutte à goutte et simulent, par endroits, de fines colonnettes ou de blanches tapisseries qu'on croirait drapées avec art; ou bien elles s'étendent à la façon d'un dallage, dont certaines parties auraient été défoncées, tandis qu'ailleurs elles sont restées intactes et sont recouvertes par des amas terreux apportés par les eaux pluviales. Toutefois, c'est là une reproduction de ce que l'on voit dans la plupart des autres cavernes, et nous avons à la Roche-Blanche un nouvel exemple de ces sortes de cavités naturelles dont l'exploration fournit tant de faits curieux. Tout élégante qu'elle soit, cette excavation est loin, pourtant, d'offrir le caractère grandiose qui distingue beaucoup de celles que l'on connaît dans le midi de la France. En quelques points une petite quantité de carbonate de cuivre s'est mêlée aux stalactites et leur a donné une jolie teinte verte.

Nous avons fait faire des fouilles à la Roche-Blanche, mais sans avoir pu y découvrir encore aucun débris d'espèces éteintes; la plupart des ossements que nous en avons retirés proviennent de l'espèce humaine. Ils y sont disséminés dans l'humus et dans un dépôt moins abondant de couleur noire, que nous avons reconnu pour du peroxyde de manganèse. Il est facile de constater, à la manière dont les ossements sont disséminés et gisent épars, que si la grotte de la Roche-Blanche a été un lieu de sépulture, et c'est, sans doute, l'opinion qu'il faut en avoir, l'accès réitéré des eaux a séparé les ossements des différents squelettes en lavant la terre qui les recouvrait, et qu'elle a parfois porté à une assez grande distance les unes des autres des parties provenant d'un même individu; mêlant ainsi des restes de sujets différents, et les recouvrant de nouveaux sédiments, tandis que sur d'autres points elle les a laissés à découvert. Ces derniers présentent souvent un commencement d'encroûtement stalagmitique.

On doit néanmoins admettre que les cadavres dont ces os proviennent ont été ensevelis dans la caverne au lieu d'y être portés par les eaux. Toutefois il n'est pas probable qu'ils proviennent des mineurs auxquels sont dues les anciennes extractions de cuivre constatées dans la commune de Cabrières. Il n'y a, en effet, avec eux, aucun instrument à l'usage des gens qui travaillent aux mines, ni aucun fragment de minerais. Il n'y a, non plus, ni armes, ni médailles indiquant l'ancienne civilisation des Romains, et, comme on n'a pas davantage observé de couteaux en silex taillé ni de haches en pierre polie, il est fort difficile d'établir, avec quelque certitude, l'âge exact de cette ancienne sépulture. Cependant l'examen de quelques poteries grossières recueillies avec les ossements humains et semblables à celles que l'on trouve dans les palafittes ou sous les dolmens et autres enfouissemens antérieurs à la domination romaine conduit à penser que les hommes inhumés à la RocheBlanche appartiennent à l'époque de la pierre, et que la sépulture dont nous parlons est analogue à celle de Baillargues, qui sera décrite plus loin ou, tout au moins, d'une date peu différente. C'est aussi l'opinion de M. Emilien Dumas, qui possède

ANCIENNETÉ DE L'HOMME.

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des notions fort étendues en céramique. On nous a cependant remis, comme ayant été recueillie avec les poteries primitives de la Roche-Blanche, une petite lampe romaine en terre cuite analogue à celles que l'on trouve en si grande abondance dans les localités où les Romains ont eu des établissements; mais elle y a sans doute été introduite à une date plus récente que les ossements humains.

Le nombre des sujets inhumés à la Roche-Blanche paraît avoir été considérable. On reconnaît parmi eux des individus des deux sexes et de presque tous les âges. Une tête entière, que nous avons extraite de ce gisement, semble être celle d'une femme encore jeune, et nous avons recueilli, dans les mêmes conditions, des restes de deux enfants, l'un de 7 à 8 ans, l'autre de 12 environ, ainsi que des os de vieillards. Nous possédons des maxillaires inférieurs de sujets adultes. Quelques portions de crânes se font remarquer par l'épaisseur des os, et les frontaux présentent pour caractère à peu près constant leur médiocre élévation, ainsi que, chez les adultes, une saillie assez prononcée des arcades sourcilières. Ces portions de crânes, de même que le crâne entier que nous possédons, indiquent une forme approchant du type brachycéphale. Les dents incisives sont usées à leur couronne, suivant un plan horizontal et en manière de meules. On sait que cette usure myloïde des incisives est, pour nos contrées du moins, un signe de haute antiquité, et qu'elle se retrouve aussi chez certaines peuplades actuellement sauvages.

Voilà donc une sépulture renfermant un nombre assez considérable d'individus dont les caractères paraissent analogues à ceux des peuples celtiques ou ligures. Nous avons pensé qu'il ne serait pas inutile de donner, à son égard, les détails qu'on vient de lire.

Parmi les débris appartenant à des animaux qui ont été extraits de la même cavité souterraine, nous avons reconnu une portion de canon provenant d'un Boeuf de petite race et des os de Mouton ainsi que de Porc mêlés à quelques ossements de Lapins. De même que ceux laissés par l'Homme, ces débris paraissent avoir séjourné dans la caverne pendant un temps considérable. Pourtant il n'y a rien de bien certain à cet égard. Les os du Mouton, animal domestique depuis longtemps introduit dans le midi de la France, et ceux du Lapin, espèce sauvage fort répandue dans la même région, s'observent dans un grand nombre de cavités souterraines, et, chaque jour encore, de nombreux restes des mêmes animaux sont enfouis dans des conditions analogues. Toutefois, la présence du Lapin ne serait pas ici, plus qu'ailleurs, une preuve que la sépulture de la Roche-Blanche est contemporaine de l'époque romaine, ou postérieure à cette époque.

On lit dans beaucoup d'ouvrages que le Lapin n'existait pas autrefois dans l'Europe centrale et qu'il y a été apporté de l'Espagne et de la Grèce par les Romains. Je ne sais s'il en est ainsi du Lapin domestique; mais ce qui est certain, c'est que le Lapin sauvage appartient bien réellement à la faune de l'Europe centrale, et qu'on en a trouvé des restes enfouis dans plusieurs des assises auxquelles les géologues

réservent la dénomination de quaternaires. C'est ce que nous avons déjà eu l'occasion de faire remarquer (1).

§ 2.

Grotte sépulcrale de Baillargues, près Castries (Hérault).

Il a été découvert, en 1863, dans la commune de Baillargues (Hérault), sur le chemin qui conduit de Castries à cette localité, une excavation naturelle, longue de plusieurs mètres, à parois usées par le passage prolongé des eaux, qui avait servi de sépulture à plusieurs corps humains, dont l'enfouissement remonte évidemment à une haute antiquité. Les squelettes retirés de cette grotte ont été en partie brisés par les ouvriers, qui avaient pénétré dans cette cavité en extrayant, pour les constructions, des moellons de calcaire coquillier (étage miocène), formation dans laquelle elle est creusée. Il est facile de reconnaître, à l'usure des dents recueillies, que plusieurs de ces sujets humains étaient arrivés à un âge déjà avancé. L'un d'eux, dont le crâne a aussi été mutilé, était un homme de haute stature; son fémur a 0,465 de long.

Prévenu de cette découverte par M. le docteur Delmas, qui a sauvé une partie des objets recueillis d'abord, j'ai fait bientôt, et avec son concours, des fouilles dans la même excavation. MM. Sauvadet et A. Ricard, archéologues de Montpellier, y ont également entrepris des recherches.

Mes fouilles m'ont fourni, entre autres pièces intéressantes, un crâne presque entier provenant d'un sujet adulte, mais encore assez jeune, et des portions de mâchoires, dont une (pl. vi, fig. 5), garnie de dents très-usées, indique un individu bien plus âgé.

Le crâne (pl. vii, fig. 2) paraît être celui d'une femme. Il ne diffère que par des caractères secondaires de celui que l'on a trouvé dans la caverne de Mialet (Gard), dont je donne aussi la figure (pl. ví, fig. 1). Il appartient de même à un type de race blanche, à peu près brachycéphale et sans trace appréciable de prognathisme. Le front, quoique peu élevé, est bien développé, et les proportions générales présentent un ensemble assez harmonicux.

Deux ou trois couteaux en silex taillé, rencontrés avec ces restes humains, permettent de rapporter à l'époque de la pierre l'inhumation des sujets dont ces ossements proviennent. Un de ces silex est représenté dans notre Atlas (pl. vi, fig. 6 et 6 a; de grandeur naturelle).

La sépulture de Baillargues renfermait, en outre, de petites rondelles en carbo

(1) Histoire naturelle des Mammifères, t. I, p. 288.

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