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COURRIER DE VAUGELAS

Journal Semi-Mensuel

CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSEL LE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Paraissant le 1er et le 15 de chaque mois

(Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)

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Votre citation d'après M. Edouard Fournier dit bien que guéridon était un personnage de ballet, mais elle ne nous apprend pas comment le mot est formé. Où est l'étymologie? Pourquoi ce chevalier de la triste figure chargé de tenir la chandelle aux gens qui s'embrassaient s'appelait-il guéridon? La question est là tout entière.

On lit dans le Dictionnaire de Richelet :

« Le mot de guéridon, selon M. Bouillaud, fut apporté d'Afrique par les Provençaux, et alors sur ce mot, qu'on métamorphosa en homme, on fit un vaudeville que le peuple appela guéridon, et qui avait pour reprise, à la fin de chaque couplet, le mot de guéridon. Voici un échantillon de cet air qu'on chanta longtemps par tout le royaume : Guéridon est mort;

Depuis près d'une heure,

Sa femme le pleure,
Hélas! guéridon.

De son côté, M. Francisque Michel dit, à propos d'une autre espèce de chanson qui s'appelait filou :

« Le filou était donc une chanson ou plutôt un air de

ABONNEMENTS:

On les prend en s'adressant, soit directement au Rédacteur du journal, soit à un libraire quelconque.

musique, comme le guéridon, ainsi appelé du nom de son auteur. »

Enfin, il me semble acquis que le mot guéridon, après avoir désigné une chanson particulière, s'est dit de toutes les chansons où il entrait comme refrain; on en trouve un exemple dans ce passage d'une facétie de 1616, citée par M. Francisque Michel :

« Belles-Oreilles et Poltronesque ayant dit à Joly Barby, qui vient de chanter une chanson: « Tu n'en sçay pas davantage?» celui-ci répond : «Si fay; mais c'est un second guéridon et un autre filou. » Voyez le Carabinage et matoiserie soldatesque, p. 76.

Ces matériaux servent à marquer le chemin parcouru par le mot du refrain il aura passé à la danse, de la danse à l'homme porte-flambeau, et de l'homme au meuble qui a rempli le même office, meuble dont Richelet a donné la description; mais il reste toujours à savoir quelle est l'origine, quelle est la véritable signification du nom.

A vous, Monsieur, à vous qu'on ne prend jamais sans vert, de nous dire ce dernier mot.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération très-distinguée.

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Scaferlati est-il le nom d'un ouvrier italien? Cette étymologie n'est pas plus admissible que la précédente, ce qui est facile à démontrer.

En effet, l'art. 220 de la loi sur les Finances du 28 avril 1846, est conçu en ces termes (Bulletin des Lois, p. 600):

Les ustensiles de fabrication, tels que moulins, râpes, hache-tabac, rouets, mécaniques à scaferlati, presses à carottes, et autres, etc.

Or, l'expression mécaniques à scaferlati, qui est analogue à presses à carottes, désigne évidemment non l'ouvrier qui a inventé ces machines (on eût dit dans ce cas machines Scaferlati, comme on dit moteur Lenoir, etc.), mais bien le tabac fabriqué au moyen desdites machines.

Le mot scaferlati ne désigne pas un homme, mais une qualité de tabac à fumer; et la preuve, c'est qu'on trouve dans le Dictionnaire technologique, à l'article Tabac, paragraphe Mélanges, p. 228, la définition qui suit :

La première qualité de tabac à fumer ou scaferlati se compose ordinairement de 70 parties de Maryland et de 30 de Virginie maigre. La deuxième qualité se fait avec 60 parties de Maryland et 40 parties de tabac indigène.

Scarferlati désigne-t-il un tabac de Turquie? - Ce nom a certainement désigné dans l'origine un tabac étranger, comme cela ressort de l'art. 1er de l'Ordonnance du 18 mars 1832, inscrite au Bulletin des lois sous le n° 4083:

Le prix de vente aux consommateurs des tabacs étrangers sont réduits, savoir pour les carottes à pulvériser, à dix francs le kilogramme, et pour les tabacs en poudre et scaferlati, à deux francs le kilogramme.

Mais, malgré les recherches que j'ai faites depuis l'époque déjà éloignée où vous m'avez adressé la question dont il s'agit, je n'ai pas encore pu découvrir de quel pays a été tiré primitivement le tabac ainsi appelé.

La première apparition officielle du mot scaferlati me semble avoir eu lieu dans la loi du 28 avril 1816, dont l'art. 220 a été en partie cité plus haut.

Dans les lois précédentes sur le tabac, on ne voit figurer ce mot à la suite d'aucun nom de machine propre à la fabrication :

|

44. Tout particulier qui aura chez lui des ustensiles de fabrication, tels que moulins, râpe, hache-tabac, presse à carottes et autres, de quelque forme qu'ils puissent être, sera tenu, etc.

(Loi du 24 décembre 1814.)

43. Il est défendu aux entrepreneurs principaux et particuliers, et aux débitants, d'avoir chez eux aucun instrument à tabac, tel que moulin, râpe, hache-tabac, tamis et autres, de quelque forme qu'ils puissent être.

(Loi du 12 janvier 1811.)

D'où il suit que c'est très-probablement entre les années 1811 et 1816, sinon entre cette dernière année et 1814, que l'expression de scaferlati a été introduite dans la langue française.

J'ose espérer qu'en limitant ainsi le champ des investigations, les dates ci-dessus permettront enfin de découvrir une origine qui, à mon avis, doit nécessairement se rencontrer dans quelque document relatif à la régie.

X Seconde Question.

Quelle est l'origine de la phrase familière AVOIR LA VENETTE, que l'on emploie si fréquemment pour dire avoir peur, frayeur?

Il a été donné deux étymologies du mot venette : l'une le fait venir des Vénètes, peuple d'Italie qui, obligé de fuir devant le conquérant Attila, fonda Venise; l'autre, qui est de M. Littré, le dérive de vene, vesne, vieux substantif français tombé en désuétude, et qui, pour cette raison, brave mieux l'honnêteté que son synonyme dans la langue moderne.

Quoi qu'on ait pu dire en faveur de la première, elle n'a aucun fondement; car le mot venette ne se trouvant ni dans Furetière (1727), ni dans Trévoux (1770), ni dans la dernière édition de l'Académie (1835), il n'est pas à croire qu'un événement arrivé sur l'Adriatique au ve siècle ait pu donner lieu, chez nous, à une expression qui ne date guère que du nôtre.

La seconde est sans doute plus sérieuse; mais ce n'est pas encore la vraie. En effet, si venette est le diminutif de vene, il doit se construire avec les mêmes verbes que le synonyme de ce dernier. Or, on n'emploie pas et l'on n'a jamais employé donner et avoir avec le synonyme en question: ce synonyme n'a jamais été que le complément du verbe faire ou d'un verbe de sens analogue. Par conséquent, venette ne peut non plus venir de vene.

Voici, à mon avis, comment a été formé le mot dont il s'agit:

Au commencement du xvIII° siècle, nous avions le verbe vener (latin venari) dans le sens de chasser; ce verbe s'appliquait aux animaux de boucherie, veaux, bœufs, etc., que l'on faisait courir, paraît-il, pour qu'ils eussent la chair plus tendre :

A Rome et en Angleterre, on a coutume de vener les bœufs. (Furetière, Dictionn.)

Ce même verbe s'employait en parlant des personnes. On disait de quelqu'un qu'il avait été bien vené, pour

signifier qu'on l'avait bien fait courir, qu'on lui avait bien donné de l'exercice.

Or, c'est de vener qu'on a fait venette, comme de amuser, seriner, deviner, etc., on a fait amusette, serinette, devinette.

De même qu'aujourd'hui, on disait alors donner la chasse à quelqu'un, ainsi que le montrent ces exemples: L'aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin. (La Fontaine, II, 8.). M. de Grignan donnera la chasse à ces démons. Il donne la chasse aux vices.

(Sévigné, 546.) (Bossuet, Union.)

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Mais comme avoir l'air signifie paraître, sembler, on l'a tout naturellement substitué à ces verbes dans les phrases où ceux-ci étaient suivis d'un adjectif; et comme l'adjectif, dans de telles phrases, se rapporte toujours au sujet :

Elles semblent heureuses et contentes,

i en est résulté que l'expression avoir l'air s'est construite avec un adjectif se rapportant tantôt à air, tantôt au sujet du verbe.

Dans l'un et l'autre cas, la signification est identique : il s'agit toujours de qualifier l'apparence de la personne ou de la chose désignée par le sujet; mais l'adjectif varie, et de là, une difficulté pour l'orthographe. L'accord avec le sujet du verbe peut toujours se faire, de quelque qualité qu'il s'agisse :

Ces hommes ont l'air étourdis.

Elles ont l'air désappointées. Comme elle a l'air prétentieuse!

Quant à l'accord avec air, il n'est pas toujours possible; l'air, chez les personnes, c'est le maintien, l'ensemble des manières; dans ce cas, il peut avoir pour épithète coquet, doux, embarrassé, furibond, mauvais, méchant, charmant, mignon, etc., comme on le voit dans ces phrases:

Ne vous y fiez pas, elle a, ma foi, les yeux fripons; je lui trouve l'air bien coquet.

(Boileau, Hist. des rom. t. II, p. 126.) Je ne suis point d'avis qu'on vous peigne en amazone; vous avez l'air trop doux. (Fontenelle, lett. XLI.)

Elle a l'air bien furibond.

(Voltaire, l'Ecoss, I, 5.)

Elle avait l'air tendre, embarrassé.

(Idem, l'Enfant prod. IV. 7.)

De grâce, dites-moi, parlant sincèrement,
Sous l'habit de Vénus aurais-je l'air charmant ?
(Regnard, Dém. amour. IV, 7.)

Mon Dieu! qu'elle est jolie, et qu'elle a l'air mignon.
(Molière, l'Etourdi, III, 11.)

En parlant des choses, on emploie air pour signifier le dehors, l'extérieur, l'aspect de la surface, et des auteurs l'ont qualifié de gai, de grossier, dans ce cas, comme le montrent ces exemples:

La tuile a l'air plus propre et plus gai que le chaume. (Rousseau, Emile, IV, t. 7, p. 173.)

En voici une [statue] qui a l'air bien grossier.

(Fénelon, fable XXV, 3.)

Mais il y a tels adjectifs qui ne peuvent se dire que des personnes, comme enceinte, rompu, fatigué, altéré, etc.; on ne doit point les mettre après le mot air parce qu'il n'y a pas convenance entre eux et ce substantif; il faut nécessairement dire :

Cette femme a l'air enceinte.
Sa cavalerie a l'air bien fatiguée.

Nos soldats ont l'air rompus à la marche.
Ils ont l'air bien affectés de la nouvelle.
Maintenant j'arrive à votre question peut-on dire
cette pomme a l'air bon?

A la rigueur, oui, puisque air signifie ici la surface, l'extérieur; mais avoir l'air, avec un adjectif masculin, n'ayant été que rarement appliqué aux choses (je n'en ai trouvé que les deux exemples cités plus haut avec les noms de J.-J. Rousseau et de Fénelon), il me semble qu'il vaut mieux faire accorder l'adjectif avec le sujet du verbe, et dire :

Cette pomme a l'air bonne.

Avant de finir, je veux vous parler d'une correction qui, si elle était adoptée, ferait disparaître au profit de notre syntaxe une anomalie des plus choquantes.

Avoir l'air est le synonyme, dans notre langue, de avoir la mine, dont la composition est entièrement semblable à la sienne: il doit se construire d'une manière analogue.

Or, dans les phrases où se trouve avoir la mine, si l'adjectif se rapporte à mine, il se met immédiatement après lui:

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La julienne, qu'on appelle dans le patois de Genève la soupe à la bataille, n'est mentionnée ni dans Taillevent, ni dans le Ménagier de Paris (1393), ni dans le Dictionnaire français-anglais de Cotgrave (1660), ni dans le Cuisinier françois de La Varenne (1670); c'est seulement dans le Cuisinier royal et bourgeois (1722) qu'on la trouve pour la première fois, ce qui me fait présumer que ce potage n'est guère connu qué depuis le commencement du xviie siècle.

On a dit d'abord potage à la Julienne, comme le montrent ces exemples:

Potage à la Julienne en maigre.

(Cuisinier roy. et bourg. vol. II, p. 163.)

On fait aussi des potages à la Julienne de poictrine de veau, chapon, poularde, pigeons et autres viandes.

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Mais on peut croire aussi que c'est une femme, parce que Julienne a désigné autrefois un type de servante grossière, maladroite, et que pour dire grossièrement, sans façon, nous avons eu à la Julienne (conservé dans le proverbe recoudre sa robe à la Julienne), expression qui a pu s'appliquer à une préparation culinaire faite avec négligence et sans art.

Cependant, comme en lisant la recette de la Cuisinière de la campagne et de la ville, je ne vois pas qu'un potage à la Julienne éxige moins de soin, moins d'habileté qu'un autre potage quelconque, j'en conclus que, probablement, l'expression dont il s'agit vient. plutôt d'un nom d'homme que d'un nom de femme.

A mon grand regret, je ne puis rien vous dire de plus sur l'origine du mot Julienne, terme de cuisine.

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On trouve ce qui suit dans Rabelais (Pantag. liv. III, ch. 44):

Estoyt a Semerue ung nommé Perrin Dendin, homme honnorable, bon laboureur, bien chantant au letrain, homme de credit et eagé, autant que le plus de vous aultres, messieurs lequel disoit avoir veu le grand bon homme Concile de Latran, avec son gros chapeau rouge; ensemble la bonne dame Pragmaticque Sanction, sa femme, avec son large tissu de satin pers et ses grosses patenostres de jayet. Cestuy homme de bien appoinctoit plus de proces qu'il n'en estoyt vuidé en tout le palays de Poictiers, en l'auditoire de Monsmorillon, en la halle de Parthenay le vieulx. Ce que le faisoit venerable en tout le voisinaige de Chauvigny, Nouaillé, Croutelles, Aisgne, Leguge, la Motte, Lusignan, Vivonne, Mezeaulz. Estables et lieux confins. Tous les debatz, proces et differens estoyent par son devis vuidez, comme par juge souverain, quoy que juge ne feust, mais homme de bien. Il n'estoyt tué pourceau en tout le voisinaige, dont il n'eust de la hastile [saucisse] et des boudins. Et estoyt presque tous les jours de bancquet, de festin, de nopces, de commeraige, de relevailles, et en la taverne, pour faire quelque appoinctement, entendez. Car jamais n'appoinctoit les parties, qu'il ne les feist boyre ensemble, par symbole de reconciliation, d'accord parfaict et de nouvelle joye...

Or, c'est par allusion à ce personnage que La Fontaine, qui faisait ses délices de la lecture de Rabelais, a nommé Perrin le juge devant lequel il fait plaider les pèlerins de sa charmante fable.

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PASSE-TEMPS GRAMMATICAL

FEUILLETON.

Corrections du numéro précédent.

2. M. Offenbach

1... revenus de l'Inde qui auraient; appelle du jugement (pas de en); 3°... oui, disent les autres (on ne dit pas affirmer oui}; · 4°... en état de recevoir nonseulement ses aliénés (il faut non-seulement après le verbe); 5o... Madame Charlotte pour se cacher; 6°... ces énormes roses moussues (voir Courrier de Vaugelas, 3 année, p. 91); 7. Bien que nous ayons, quoique nous soyons (pas d'i après l'y); 8°... amateurs de Teste-les-Bordeaux; 9... peut-être

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fâcheuse... dame! je ne puis; 10° Non-seulement cette fâcheuse

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situation entraînait... mais encore elle était un obstacle...

Phrases à corriger

trouvées dans la presse périodique et autres publications contemporaines.

1. Donc, étant donné une telle situation, la ligne de conduite est simple; défendre énergiquement M. Buffet contre l'abominable coalition qui le menace.

2o Le Conseil des ministres, qui s'est tenu ce matin à l'Elysée, sous la présidence de M. le maréchal de MacMahon, et qui a commencé à neuf heures et quart, ne s'est terminé qu'à onze heures.

3o Le navire français l'Aimable-Prudence vient de périr sur les côtes de Cardiff, dans des circonstances on ne peut plus dramatiques.

4° Ce ne sont pas les républicains, dit-il, quoi qu'en prétendent leurs adversaires, qui attaquent ou attaqueront une loi qui affirme et légalise l'aspiration de toute leur vie, la République.

5° L'Assemblée nationale vient de voter un crédit pour leur entretien et leur nourriture, et leur accorde, de ce dernier chef, une somme de quatre piastres par jour, et cette somme, en Serbie, suffira amplement à remplir le

but.

6° Ceci vous conviendra mieux, continua-t-il en hésitant néanmoins un peu je consens au partage, soyez à moi et à lui.

7. Il nous semble que cette affaire a fait trop de bruit pour que la commission d'enquête elle-même ne tienne point à cœur de se décharger vis-à-vis de la presse et de M. de Saint-Mesmin lui-même.

8° Si je comprends bien l'institution du faubourg Poissonnière, cela veut dire qu'il a ses brevets de capacité, autrement dit, c'est un bachelier ès musique.

9. Comme elle s'est donnée de la peine, la vaillante artiste, pour soutenir une pièce qui n'eût pas été au bout sans elle!

10° On pourrait vous répondre que vous êtes bien osé de vous plaindre quand on vous fournit, avec une prodigalité qui demande un conseil judiciaire, la synthèse toute entière de l'Ecole française en une soirée.

11° Les journaux dévoués au ministre de l'intérieur, dans un but qu'il est facile à comprendre, persistent, malgré les nombreux démentis qui leur ont été donnés, à publier, etc.

12° Il vous ferait crédit pendant un acte, voire même deux actes, s'il était prévenu en votre faveur, pourvu qu'au troisième vous vous déclariez spontanément son débiteur.

(Les corrections à quinzaine.)

BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS

SECONDE MOITIÉ DU XVII SIÈCLE.

Claude LANCELOT

(Suite et fin.)

Des verbes auxiliaires. Il y a deux de ces verbes qui sont communs à toutes les langues modernes de l'Europe étre et avoir. Quelques-unes en ont encore d'autres, comme l'allemand, qui a werden, devenir, et wollen, vouloir.

Étre. Avec le participe des verbes actifs, il forme tous les passifs, je suis aimé, j'étois aimé. D'où il suit que le verbe passif, comme amor, signifie l'affirmation de l'amour passif, et, par conséquent, aimé signifiant cet amour passif, il est clair qu'en y joignant le verbe substantif, qui marque l'affirmation, je suis aimé doit signifier la même chose qu'amor.

Avoir.

Cet autre auxiliaire est bien plus étrange, et il est assez difficile d'en donner la raison.

Il forme non-seulement le prétérit, mais encore tous les temps qui, en latin, dérivent du prétérit, c'est-àdire amaveram, amaverim, amavissem, amavero, amavisse.

Et le même verbe avoir forme ces sortes de temps par lui-même comme auxiliaire et son participe eu, car on dit j'ai eu, j'avois eu, etc.

Le verbe être forme également ces mêmes temps d'avoir et de son participe été : j'ai été, j'avois été. En cela, notre langue diffère de l'allemand, de l'italien et de l'espagnol, qui font de être l'auxiliaire de luimême dans ces temps-là, car ils disent je suis été, ce qu'imitent les Wallons.

Mais si cette façon de parler au moyen de l'auxiliaire el du participe est assez étrange en elle-même, elle ne l'est pas moins dans la construction avec les noms qui se joignent aux prétérits qu'elle sert à former. En effet :

1o Le nominatif du verbe ne cause aucun changement dans le participe; ainsi on dit il a aimé et ils ont aimé, elle a aimé et elles ont aimé.

2o L'accusatif qui suit ce participe ne cause point non plus de changement dans le participe lorsqu'il le suit il a aimé Dieu, elle a aimé l'Eglise.

3. Mais quand cet accusatif précède le verbe auxiliaire (ce qui n'arrive guère en prose que pour l'accusatif du relatif ou du pronom), le participe se doit accorder en genre et en nombre avec cet accusatif: la lettre que j'ai écrite, les livres que j'ai lus, etc.

Il y a néanmoins, selon Vaugelas, une exception à cette règle, c'est que le participe reste indéclinable, lorsqu'il précède son nominatif : la peine que m'a donné cette affaire, les soins que m'a donné ce procès.

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