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QUESTIONS GRAMMATICALES

LE

QUESTIONS

PHILOLOGIQUES

COURRIER DE VAUGELAS

Journal Semi-Mensuel

CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSEL LE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Paraissant le 1er et le 15 de chaque mois

(Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)

PRIX:

Abonnement pour la France. 6 f.

Idem pour l'Étranger 10 f.

Annonces, la ligne.

50 c.

Rédacteur: EMAN MARTIN

PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie

26, Boulevard des Italiens, à Paris.

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Dans mon numéro 24 de la Cinquième année, j'avais à résoudre la question de savoir ce qu'on entend par félibre, et d'où vient ce terme nouveau.

Il m'a été facile de répondre exactement à la première partie de cette question; mais il n'en a pas été de même pour la seconde félibre était-il un mot créé par les modernes poètes provençaux, ou l'avaient-ils pris tout fait dans leur langue?

J'envoyai le numéro qui traitait de cette question à M. Roumanille, le priant de me renseigner sur la naissance de félibre. L'aimable poètè s'est empressé de me répondre une longue lettre, parce qu'il n'a pas eu le temps de la faire plus courte, où je trouve ce qui

suit :

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ABONNEMENTS:

On les prend en s'adressant, soit directement au Rédacteur du journal, soit à un libraire quelconque.

» Longtemps, longtemps ils le cherchèrent. Ils le cherchèrent tant qu'ils finirent par le trouver.

» Où était donc le petit Jésus?

» Le petit Jésus était assis au milieu des sept félibres de la loi. »

C'est une page de l'Evangile telle, à peu près, que nos mères nous la récitaient en provençal, telle que quelques rares vieillards la récitent encore, n'oubliant jamais de dire au mitan di sèt felibre de la lèi, au milieu des sept félibres de la loi.

Ainsi, il est certain que le mot félibre n'a point été créé par les poètes modernes de la Provence, et que ce nom, quand ils l'ont adopté, existait depuis un certain temps déjà dans la langue populaire de leur pays.

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Dans le Courrier du 1er février, vous avez donné du mot Félibre, qui est le nom que portent les poètes provençaux écrivant en langue vulgaire, une explication que je vous demande la permission de rectifier et de compléter.

D'abord, et sur l'autorité de M. Ed. Baillière, vous avez dit que Félibre vient du grec piλaphos, et signifie ami du beau.

Ensuite, et sur la foi d'un correspondant avignonnais d'un journal de Paris, vous ajoutez :

« Des poètes provençaux s'étaient réunis, il y a vingt ans, pour festoyer et dire des vers, tout près d'Avignon, sous les ombrages de Fon-Ségugne. Une vieille paysanne, au dessert, vint leur chanter des chansons du pays. La mémoire de la vieille faillit-elle, ou bien l'érudition néo-romane se trouva-t-elle en défaut? Toujours est-il que, dans une de ses chansons, nos poètes surpris rencontrèrent un mot, précisément le mot félibre, dont nul d'entre eux ne put déterminer le sens. On plaisanta de l'aventure, on rit : Eh! Félibre! Bonjour, Félibre! et comme ce petit groupe enthousiaste se cherchait alors un nom, et redoutait celui de Troubadour, il fut convenu qu'à l'avenir, les poètes provençaux s'appelleraient Félibres. »

Vous déclarez n'être que médiocrement satisfait de l'ex

plication de M. Ed. Baillière; et vous avez bien raison. Premièrement, le mot pλapos n'a jamais eu aucun sens en grec; ensuite, c'est émettre une hypothèse entièrement gratuite, de supposer que les poètes provençaux voulurent réellement devoir leur nom à la langue grecque.

L'histoire de la vieille paysanne de Fon-Ségugne et de sa chanson, parlant des anciens Félibres aux Félibres modernes, qui ne la comprirent pas, est plus sérieuse. Cette paysanne avait conservé, sans en avoir conscience, une tradition bien ancienne, semblable aux prêtres saliens du temps d'Horace, chantant des vers antiques qu'ils ne comprenaient pas.

Félibre est un nom que durent porter, dans le midi de l'Espagne et de la France, les poètes écrivant en langue vulgaire, avant les troubadours. Le mot est dans le Liber glossarum d'Isidore de Séville, mort en 636. Le sens de ce mot, qui signifie bon ou joyeux vivant, est expliqué par certaines habitudes des poètes, anciens et modernes.

Lorsque l'Académie des jeux floraux, la plus ancienne de l'Europe, s'établit à Toulouse en 1323, les sept poètes qui la fondèrent prirent le titre de Mantenedors del gay saber, mainteneurs du gay savoir. La première fleur qu'elle distribua fut le gauc ou souci d'argent, fleur emblématique, dont le nom gaulois signifie joie, et avait été employé dans ce sens par Ennius et par Ausone.

L'Académie de Barcelonne consacra les mêmes traditions. Fondée en 1390 par Don Jayme I", roi d'Aragon, elle prit aussi le titre de Consistoire destiné à la culture de la gaya sciencia, ou de la gaie science.

Qui ne trouve dans cette direction de l'esprit.littéraire, dans ces mœurs des poètes primitifs de la Gaule et de l'Espagne, la source d'où jaillirent les mœurs et l'esprit des quatre sociétés du caveau? Que furent Armand Vidal, à l'Académie du gai savoir, et Don Henrique de Villena, au Consistoire de la gaie science, sinon les précurseurs et les initiateurs de Piron, de Collé, de Barré, de Désaugiers, de Béranger, au Caveau, aux Soupers de Momus, à la société des Francs Gaillards, dont Emile Débraux fut le membre le plus populaire?

C'est en vertu de cette tradition ancienne que les poètes du midi prirent dans leurs réunions le nom de Félibres, qu'lsidore de Séville traduit ainsi du patois andaloux en latin, Fellebre, lætè vivens, bon ou joyeux vivant.

En reprenant ce nom, longtemps négligé, comme celui de barde, que les poètes bretons ne portent plus, les poètes actuels de la Provence ont donc renoué une tradition littéraire encore vivante, il y a vingt ans, dans les souvenirs du peuple, et que consacrait la chanson de la vieille paysanne de Fon-Ségugne.

Veuillez agréer, Monsieur, mes compliments empressés. A. GRANIER DE CASSAGNAC.

Or, après avoir remarqué

D'une part, que Au mitan di sèt felibre de la lèi (citation de l'évangile provençal qui se trouve plus haut implique pour félibre la signification de docteur, de savant, comme étant la traduction d'une partie de ce verset de saint Luc (chap. II):

Trois jours après ils le trouvèrent dans le Temple assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant;

D'autre part, que la même citation fait clairement allusion, par le mot set (sept), au nombre des fondateurs de l'Académie des Jeux floraux, les mainteneurs du gai savoir;

Je me crois en possession d'indices suffisants pour en conclure que l'origine donnée dans la lettre qu'on vient de lire est la vraie.

Mes biens sincères remerciements à M. Roumanille et à M. Granier de Cassagnac, dont les communications

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Autrefois, au temps de la féodalité, il y avait ordinairement un orme planté à l'entrée des châteaux. Ainsi, j'ai recueilli ce passage dans l'abbé Leboeuf (Histoire civile du diocèse d'Auxerre, tom. II, p. 66, année 1743) où il est question de cet orme :

<< On trouve dans les Archives de l'Abbaye de Molême, un Titre de lui par lequel il confirme à ce Monastere les biens qu'on lui avoit donnés dans la Paroisse de Saint-Moré-sur-Cure, au Diocese d'Auxerre. Ce Titre y est dit, passé, et accordé dans le Château d'Auxerre sous l'orme in Castello sub ulmo. »

Il y en avait un également devant la porte de l'église, comme l'attestent, par exemple, les vieilles cédules érocatoires qui assignent les débiteurs à comparoir sous l'orme St-Gervais, à Paris.

Ce dernier était un endroit de réunion, d'assemblée, d'actes solennels, où l'on célébrait des jeux, des danses; et, comme on y rendait la justice, il avait donné lieu à plusieurs expressions telles que avocat dessous l'orme, signifiant un avocat de village, obscur, par conséquent; juge dessous l'orme, équivalant à juge de campagne; attendre quelqu'un sous l'orme, voulant dire ne pas craindre d'être attaqué par lui en justice:

Le cardinal Petrucci les attend sous l'orme [les juges de l'inquisition], et ils n'osent l'attaquer, parce qu'il a de l'esprit et du savoir joints à une grande dignitė.

(Sévigné, t. VIII, p. 139, éd. Régnier.) Naturellement, on a cru trouver dans cette ancienne expression l'explication de attendez-moi sous l'orme. Il arrivait souvent, a-t-on dit, que les parties, assignées manquaient au rendez-vous, se faisaient attendre vainement, et delà le sens actuel.

Quoique cet avis soit celui de Génin, de Leroux de Lincy, de Quitard et même de M. Littré, il ne peut être le mien, parce que je ne puis comprendre comment du sens sérieux, provocateur, pour ainsi dire, de je vous attends sous l'orme, on a pu passer au sens badin, ironique de attendez-moi sous l'orme, formule employée pour donner un rendez-vous auquel on n'a pas dessein de se rendre. Aussi, ai-je cherché une explication qui me satisfit davantage, et, par bonheur, je crois l'avoir trouvée.

C'est la comédie de Regnard (d'autres disent de Dufresny) intitulée Attendez-moi sous l'orme, qui a donné lieu à l'expression proverbiale en question.

La scène se passe «< sous l'orme » dans un village de Poitou. Lisette exige, avant son mariage avec Dorante, que celui-ci aille rompre l'engagement qu'il a pris avec le père d'Agathe.

DORANTE.

Oh! pour cela volontiers!

LISETTE.

Allez promptement, et revenez dans une demi-heure m'attendre sous cet orme.

Mais la fausseté de Dorante se découvre, et l'on va se venger de lui tous veulent berner ce petit « coquet ». Dorante vient au rendez-vous; il n'y trouve que Pasquin, son domestique, qui lui annonce que la veuve (Lisette) est partie, enlevée à l'instant par une de ses tantes.

Le chœur chante derrière le théâtre :

Attendez-moi sous l'orme,

Vous m'attendrez longtemps.

Une noce vient à passer, elle se moque de Dorante, et le chœur chante encore:

Attendez-moi sous l'orme,

Vous m'attendrez longtemps.

Furieux, Dorante tire son épée et menace de saccager le village avec un régiment qu'il achètera exprès; il fait seller son cheval, et part. Le village poursuit Dorante en dansant et en chantant :

Attendez-moi sous l'orme,

Vous m'attendrez longtemps.

Or, quand je considère

4° Que personne, à ma connaissance, n'a rencontré nulle part attendez-moi sous l'orme, dans le sens ironique, avant l'époque où parut pour la première fois la pièce de Regnard (1694);

2° Que le premier emploi de cette expression au sens actuel (en supposant que ce soit M. Littré qui l'ait réellement donné) est postérieur de 21 ans à la pièce de Regnard, car attendez-moi sous l'orme se trouve dans la phrase suivante de la première partie de Gil Blas (VI, 2), partie qui fut publiée en 1745 :

Vous n'avez, ajouta le fils de Lucinde, qu'à nous attendre sous ces saules; nous ne tarderons pas à vous venir rejoindre. Seigneur don Raphaël, m'écriai-je en riant, dites-nous plutôt de vous attendre sous l'orme. Si vous nous quittez, nous avons bien la mine de ne vous revoir de longtemps;

3o Que si le sens moderne de l'expression ne peut se tirer qu'avec la plus grande difficulté de attendre sous l'orme signifiant ne pas craindre d'être attaqué en justice, il se tire très-facilement, au contraire, du refrain dont la phrase de Lesage offre comme une réminiscence dans longtemps, son terme final;

Il me semble pouvoir en induire avec certitude que attendez-moi sous l'orme a bien réellement l'origine que je viens de vous indiquer.

X Seconde Question.

Je vous serais très-obligé de vouloir bien me donner, par la voie de votre journal, l'étymologie et la signification du mot BOUI-BOUI.

C'est en l'année 1854 que ce mot parut pour la première fois dans une œuvre littéraire, Paris anecdote, un petit volume écrit par Privat d'Anglemont, et voici les lignes de la page 34, où il se trouve :

Les impresarii des marionnettes y établissent leurs quartiers généraux. Ceux-ci ont importé toute une industrie dans la rue du Clos-Bruneau. Ils y font vivre toute

une population qui rappelle de loin certains personnages des contes fantastiques d'Hoffmann. Elle est toute employée à la fabrication des fantoccini. Il y a d'abord le sculpteur en bois qui fait les têtes... A côté de lui se trouve l'habilleuse qui fait les costumes... Puis viennent les cordonnières, celles qui font les souliers de satin pour les marionnettes danseuses et les bottes en chamois pour les chevaliers... Enfin, le véritable magicien de ce monde, celui qui ensecrète les bouisbouis. Ensecréter un bouisbouis consiste à lui attacher tous les fils qui doivent servir à le faire mouvoir sur le théâtre c'est ce qui doit compléter l'illusion.

Or, une fois connue comme synonyme de marionnette, l'expression de bouisbouis aura été employée par quelque auteur de revue dramatique qui, au lieu de dire: un théâtre à marionnettes, aura dit pour rajeunir son style, un théâtre à bouishouis, et, par ellipse, un bouisbouis, absolument comme on dit tous les jours, familièrement, un guignol, pour un théâtre analogue à celui de Guignol, aux Champs Elysées.

D'où il suit que bouisbouis signifie théâtre ayant pour acteurs des marionnettes; sens qui, par extension, est naturellement devenu théâtre de dernier ordre, théâtre en plein vent, théâtre à quatre sous.

Maintenant, quelle est l'étymologie de bouisbouis?

M. Francisque Michel croit qu'il a été emprunté par onomatopée au cri de Polichinelle, la marionnette par excellence, quand il appelle les spectateurs, et qu'il s'annonce à eux.

En me rappelant que les Napolitains, au dire de Génin (Récréat. philol., II, p. 97), avaient surnommé les Français les oui-oui parce que, lors de notre ancien séjour à Naples, le peuple avait remarqué que nos soldats prononçaient souvent l'affirmation oui! oui! je me sens tout disposé à faire un accueil favorable à l'opinion que professe l'auteur du Dictionnaire d'argot à l'égard du mot qui nous occupe.

Théophile Gauthier, qui a été, sinon le premier, du moins un des premiers, je crois, à faire usage de bouisbouis, pour désigner un théâtre de bas étage, avait prédit la fortune du nouveau vocable dans ce passage cité par P. Larousse (Gr. Dict. du XIXe siècle):

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Aussi, chaque soir, des files de voitures entrent-elles devant ces tréteaux sans prétention, qu'on nomme bouigsbouigs, un nom peu académique, mais qui finira par prendre sa place dans le dictionnaire.

La prédiction s'est accomplie; car, après avoir fait, comme on dit assez ordinairement, le tour de la presse, bouisbouis est venu prendre rang dans le Supplément de M. Littré, sous la forme boui-boui.

X

Troisième Question.

On trouve dans Rabelais (Garg. II, ch. II) l'expression acculer ses SOULIERS: « Tousjours se vaultroyt par les fanges, ACCULOYT SES SOLIERS ». Pourquoi dit-on aujourd'hui ÉCULER?

Au XVIe siècle, on se servait de acculer aussi bien en parlant des souliers que pour signifier pousser dans un endroit sans issue, faire tomber sur la partie de derrière (s'il s'agissait d'une voiture), et il en fut de

même jusque dans la seconde moitié du XVIIe siècle, puisque cette expression se trouve dans le dictionnaire français-anglais de Cotgrave (1660).

Mais il y avait plus de cinquante ans que le Thresor de Nicot avait donné esculer en parlant d'une aiguille; et, quand l'Académie publia la première édition de son dictionnaire (1694), elle substitua esculer à acculer, appliqué aux chaussures, mue probablement par les raisons suivantes :

1° Que le fait de marcher sur le talon d'un soulier, ou de le rabattre en dedans, produit la destruction dudit talon;

2o Que le préfixe qui signifie retranchement, destruction est ordinairement e (es) dans notre langue;

3. Que l'espagnol exprime la même action par le verbe descalcañar; composé de calcaña, talon, et de des, qui équivaut à notre e (es), et l'italien, par scalcagnare, composé de calcagno talon, et de s, autre équivalent de notre e (es).

Or, depuis cette époque tous les lexicographes ont imité l'Académie, et voilà pourquoi on dit aujourd'hui éculer ses souliers au lieu de acculer ses souliers, qui a été autrefois plusieurs siècles en usage.

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Quant à l'origine de ce proverbe, voici comment elle est expliquée par Quitard:

Les détracteurs de Christophe Colomb lui disputaient l'œuvre de son génie, en objectant que rien n'était plus aisé que de faire la découverte du Nouveau-Monde. Vous avez raison, leur dit le célèbre navigateur ; aussi je ne me glorifie pas tant de la découverte que du mérite d'y avoir songé le premier. Prenant ensuite un œuf dans sa main, il leur proposa de le faire tenir sur la pointe. Tous l'essayèrent, mais aucun n'y put parvenir. La chose n'est pourtant pas difficile, ajouta Colomb, et je vais vous le prouver en même temps il fit tenir l'œuf sur sa pointe, qu'il aplatit en le posant. Oh! s'écrièrent-ils alors, rien n'était plus aisé. J'en conviens, Messieurs, mais vous ne l'avez point fait, et je m'en suis avisé seul. Il en est de même de la découverte du Nouveau-Monde. Tout ce qui est naturel paraft facile quand il est une fois trouvé. La difficulté est d'être l'inventeur.

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X

Seconde Question

Je vois dans Littré que l'Académie prononce AVRIL avec l'L mouillée (avri-ye); mais plusieurs grammairiens veulent qu'on prononce sans mouiller l'L, et d'autres veulent qu'on dise AVRI. D'après vous, quelle est la meilleure de ces trois manières de prononcer?

Au point de vue de la prononciation, les mots en il ayant un dérivé en ll mouillées forment deux groupes bien tranchés dans la langue française:

L'un, composé de trois mots, où il sonne iye: cil (ciller), mil (millet), péril (périlleux);

L'autre, composé de onze mots, où il sonne i : babil (babiller), chenil (décaniller), baril (barillet), courtil (courtille), fusil (fusiller), grésil (grésiller), gentil (gentille), gril (grille), outil (outiller), persil (persiller), sourcil (sourciller).

Or, auquel de ces deux groupes appartient avril, qui, lui aussi, a des dérivés, avrillé et avrillet, où les ll sont mouillées?

Il me semble que c'est au second, et, cela, pour les raisons que je vais vous dire :

1° Il y appartient par son passé; car au XVIIe siècle, d'après le grammairien Chifflet, on prononçait avri.

2o On prononce encore aujourd'hui poisson d'avril sans faire entendre l' finale, pourquoi prononcer différemment quand ce mot n'est pas précédé du substantif poisson?

3o Les listes qui précèdent sont un indice que notre langue tend à prononcer i les finales il qui deviennent mouillées dans les composés; par conséquent, il est plus français de prononcer avri que tout autrement.

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fication identique, qui sont : rat, auquel il donne le sens de << avare, homme intéressé », et rapiat, qu'il définit « cupide, avare, un peu voleur même ».

Or, en remarquant que le premier de ces mots a le même radical que le second, et que celui-ci vient évidemment du verbe latin rapere, enlever, ravir, piller, il me semble pouvoir en conclure avec certitude que rat (mal orthographié ainsi sans nul doute) a également ce verbe pour étymologie.

Il y a plus j'incline fortement à croire que rat, terme d'argot, désignant celui qui vole la nuit, dans l'intérieur des auberges, les rouliers et les marchands forains, a été tiré aussi de la même source.

PASSE-TEMPS GRAMMATICAL

Phrases à corriger

trouvées dans la presse périodique et autres publications contemporaines.

1. Il nous paraît que les conservateurs n'ont d'autre devoir à remplir qu'à adjurer le maréchal de Mac-Mahon de tenir ferme contre tout sentiment de lassitude, contre toute velléité de défaillance, même toute impression de dégoût.

2. Si les ancêtres de la famille d'Audiffret ont appartenu aux provinces de langue d'oil, surtout à l'ouest de la Gaule, leur nom a dû se composer de d'autres éléments.

3 Dans des petits livres de comptabilité qu'on voit à l'étalage de tous les papetiers, on lit, en tête d'une colonne : Aumônes.

4. Son début, en cette matière, nous indiquera de suite la nature de ses impressions : « Dans tout ménage du grand monde français, dit-elle, l'homme et la femme se conviennent à peu près comme un coup de poing sur le

nez.

5° S'en tenir à des avertissements ou à des conseils, c'est une dérision, et vouloir se faire moquer de soi de Constantinople à Saint-Pétersbourg.

6o Le dandynisme qui, jadis, nous offrait les gandins, en est arrivé aux petits crevés, puis aux gommeux; tout cela ne présente-t-il pas à nos yeux éblouis matière à critique et par conséquent à comédie?

7. L'opérette-bouffe est un genre excessif, et tout excès a sa limite qu'on ne peut dépasser. Est-il possible désormais de faire plus qu'on a fait?

8° Ajoutez à cela les soins, le temps matériel qu'exige, et par conséquent les difficultés que comporte l'exécution de ces illustrations, et vous comprendrez sans peine.

9. Il n'est pas jusqu'au sexe enchanteur créé à seule fin de faire damner l'autre qui n'oublie sa mission providentielle pour sacrifier à la passion régnante.

10 Il lui suffit que l'œuvre grandiose qu'il a entreprise et qui lui a réussi jusqu'à ce jour soit empêchée, interrompue, discréditée, voire même mise en péril par le Saint-Siége.

11. Elle consistait en une caisse de vis-à-vis à fond d'or, orné des plus belles et délicates peintures.

12. Quand ce serait votre histoire, insista le vieux garçon en esquissant un sourire équivoque, je compte que vous n'hésitériez pas à recourir à ma bourse.

(Les corrections à quinzaine.)

FEUILLETON.

BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS

SECONDE MOITIÉ DU XVII SIÈCLE.

Laurent CHIFFLET.

Il naquit à Besançon en 4598, et mourut dans le couvent de son ordre (compagnie de Jésus), à Anvers, le 9 juillet 4658.

Il se trouvait à Dôle pendant le siége de cette ville par le prince de Condé, en 1636. Son zèle et sa piété ingénieuse ne contribuèrent pas peu à soutenir le courage des habitants. Boyvin, qui a écrit l'histoire du siége, lui donne les plus grands éloges.

Le P. Chifflet a composé un grand nombre d'ouvrages ascétiques, en français et en latin, souvent réimprimés dans le xvne siècle, et même pour la plupart traduits en espagnol et en italien, mais oubliés aujourd'hui.

Il a eu part à la révision du dictionnaire de Calepin, en huit langues, dont il y avait eu plusieurs éditions en deux volumes.

Ce savant religieux avait fait une étude particulière de la langue française, et il en avait composé une grammaire qui fut imprimée pour la première fois par les soins de quelques-uns de ses confrères, sous le titre d'Essay d'une parfaite Grammaire de la langue françoise (1659).

C'est cet ouvrage que je me propose d'analyser ici. Après avoir exposé son dessein au lecteur, et avoir fait l'éloge de Vaugelas, dont il a mis les Remarques à profit pour composer son livre, Chifflet entre immédiatement en matière.

Il divise en deux parties sa grammaire : l'une, où il examine en huit chapitres ce qui est relatif aux parties du discours, et l'autre, où il s'occupe principalement de la Prononciation et de l'Orthographe.

comme

Je vais le suivre pas à pas, notant çà et là, d'habitude, ce qui me paraîtra propre à exciter la curiosité de ceux à qui je destine ce travail.

EXPLICATION DES TERMES DE LA GRAMMAIRE.

En parlant des lettres, Chifflet dit que le s'appelle zéta, et que l'y s'appelle y grec ou y psilon.

Le discours, d'après lui, n'est composé que de neuf espèces différentes de paroles; le nom est la désignation commune du substantif et de l'adjectif.

Les cinq premières espèces se peuvent decliner, c'està-dire qu'elles souffrent divers changements de terminaisons ou d'articles, selon les divers usages auxquels on les emploie. Les « autres quatre » sont indeclinables. La déclinaison du verbe s'appelle plus proprement conjugaison.

Suit une définition des diverses espèces de mots, qui doivent être expliqués au moins « grossierement avant de traiter de chacune d'elles en particulier.

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