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Godolphin, et bientôt après il fut nommé grandtrésorier. Dès lors commença le règne de ces deux hommes, étroitement unis. Leur puissance, d'abord basée sur la faveur de la duchesse de Marlborough, commença à décliner vers 1706, lorsque la duchesse se fut aliéné l'affection de la reine. Cependant, l'administration de Godolphin était excellente; le crédit public se trouvait dans l'état le plus florissant; Godolphin avait su inspirer une confiance entière dans les billets de la banque et de l'échiquier. Godolphin et Marlborough, voyant la reine moins bien disposée pour eux, quoiqu'elle vint d'accorder à Godolphin le titre de comte, abandonnèrent tout à coup le parti tory, et s'entendirent avec les whigs. En 1707 le secrétaire d'État Marley essaya sous main de réunir contre eux toutes les fractions du parti tory; Godolphin devina ces menées, et il exigea le renvoi de Marley, menaçant de se retirer avec Marlborough. La reine dut céder; mais elle en fut profondément blessée. En 1710 enfin, lorsque le clergé se fut déclaré contre les whigs, elle commença à laisser percer sa rancune. Les capitalistes, qui avaient une confiance absolue dans les capacités de Godolphin, se concertèrent pour retirer le même jour tous leurs fonds de la banque. Mais cela ne fit que différer pendant quelque temps la disgrâce du lord trésorier. Le 8 août 1710 il reçut brusquement, par l'entremise d'un simple domestique, la notification de sa destitution. Il n'y survécut que deux ans. Nous ne pouvons mieux faire que de transcrire l'appréciation impartiale donnée par M. Macaulay sur le caractère de Godolphin : « Godolphin avait été élevé à la cour en qualité de page, et il y avait acquis de bonne heure toute la souplesse et tout le sang-froid d'un courtisan consommé. Laborieux, perspicace et parfaitement au courant du détail des finances, tout gouvernement pouvait trouver en lui un secrétaire utile, et rien dans ses opinions ni dans son caractère ne s'opposait à ce qu'il servit un gouvernement quelconque.

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Sidney Godolphin, disait le roi Charles II, ne fait jamais obstacle et ne fait jamais défaut. » Cette remarque, pleine de finesse, est une excellente explication des succès extraordinaires de Godolphin. Il fut à différentes époques dans les rangs des deux grands partis politiques, mais il ne partagea jamais leurs passions. Comme tout homme circonspect et prospère, il était très-disposé à soutenir ce qui existait. Abhorrant les révolutions, il abhorrait aussi les contre-révolutions. Grave et réservé d'aspect, ses goûts étaient cependant bas et frivoles : tout le temps qu'il pouvait dérober aux affaires publiques, il le passait à faire courir des chevaux, à faire battre des coqs, à jouer aux cartes. » Godolphin n'a pas toujours trouvé des juges aussi bienveillants que M. Macaulay. Swift entre autres l'a poursuivi de ses sarcasmes. La famille Godolphin est éteinte depuis 1785. E. G.

Birck's Lives. Burnet, History of his own times.

GODOMAR. Voyez GONDOMAR.

GODONESCHE (Nicolas), graveur français, né à Paris, à la fin du dix-septième siècle, mort dans la même ville, le 29 janvier 1761. Il fut enfermé à la Bastille en 1732, pour avoir gravé les estampes de l'Explication abrégée des principales questions qui ont rapport aux affaires présentes, par l'abbé Boursier. Godonesche ne resta pas longtemps en prison; mais il perdit sa place de garde des médailles du cabinet du roi. Il avait publié les Médailles du règne de Louis XV; Paris, 1727, in-fol., ouvrage dont il donna une nouvelle édition en 1736, et qui a été continué par Fleurimont jusqu'à la paix d'Aix-laChapelle, en 1748. Le duc de La Vallière possédait de Godonesche un manuscrit sur vélin, qui contenait Idée du Cabinet du Roi pour les médailles; tétes des douze Césars, dessinées sur l'antique; pierres antiques du Cabinet du Roi. L. L-T.

Chaudon et Delandine, Diction. univ. hist. GODOUIN. Voy. GOUDOUIN. GODOUNOF (Boris), tzar de Russie, né en 1552, mort en 1605. Issu d'une famille mogole, beau-frère du tzar Fédor Ier, il sut prendre un tel ascendant sur ce faible prince, habile seule. ment à sonner des cloches, que c'est sur lui que retombe toute la responsabilité des actes de son règne. Jusqu'à cette époque, le servage était inconnu en Russie; c'est Godounof qui l'institua réellement, l'an 1595, en attachant le paysan à la glèbe et en le donnant légalement au maître de la terre. Pour dominer seul le tzar, il exila ou fit périr ses conseillers; pour se ménager une grande influence sur le peuple, profondément religieux, il plaça une de ses créatures, Job de Rostof, sur le siége métropolitain de Moscou, et l'éleva à la dignité de patriarche, indépendant de Constantinople; pour se rapprocher davantage du trône, il relégua à Ouglitch et y fit assassiner le frère puîné du tzar, âgé de sept ans, appelé naturellement à lui succéder. Quand Fédor mourut, en 1598, d'une maladie de langueur, attribuée à un verre de vin empoisonné que lui aurait administré son favori, la race des Rurik n'était pas éteinte : il restait plusieurs maisons issues de ce premier souverain de la Russie; mais, dispensateur de toutes les places, prodigue de caresses envers le peuple, Godounof fut facilement élu tzar avec le concours du patriarche. Une fois sur le trône, objet de sa longue convoitise, il s'appliqua à faire oublier les crimes qui l'avaient servi à y monter. Le bruit d'une invasion tatare, répandu adroitement par lui-même, lui fournit l'occasion de rallier un moment tous les partis sous les drapeaux de la patrie menacée; il éblouit la nation en élevant de splendides et pieux monuments; il lui vint libéralement en aide quand elle eut à subir en 1601 une famine si terrible que la chair humaine trouvait des acheteurs et des vendeurs également avides; il chercha surtout à se consolider en étendant en même temps les rela

tions de l'empire. Dans ce but, il voulut marier sa fille, d'une remarquable beauté, au fils d'Éric XIV, roi de Suède; mais ce prince, quoiqu'exilé, refusa la chance qui lui était offerte de conquérir son royaume à condition de trahir sa foi religieuse; moins scrupuleux, le frère de Christiern IV, roi de Danemark, était sur le point de se soumettre à cette clause lorsqu'une fièvre violente l'emporta en quelques jours à Moscou. Cependant, la justice divine allait atteindre l'usurpateur après sept ans de succès. Dmitri, le frère du tzar, n'avait pas été égorgé, du moins on le crut, quelques-uns le supposent encore, et celui qui se présenta comme le légitime héritier des Rurik fut assez habile pour rassembler une armée considérable, assez vaillant pour s'approcher, sans se décourager de quelques revers, jusqu'aux portes de la capitale. A cette nouvelle, les nobles abandonnèrent avec bonheur Godounof; le peuple mit à le maudire une fougue égale à celle qu'il avait apportée naguère à l'applaudir. Prévoyant une cbute imminente, Godounof eut alors recours au poison, qu'il avait si souvent employé pour les autres, et expira le 23 avril 1605. L'Église russe livre encore à l'anathème sa mémoire certain jour du Carême. L'impératrice Catherine a écrit: « Ce prince a été malheureux : les malheureux ont toujours tort; beaucoup d'historiens ont rapporté de lui des choses sur des ouï-dire et sur des bruits répandus par ses ennemis ou par des factions qui lui étaient opposées. La conduite de l'illustre famille de Romanow à son égard nous donne un exemple digne d'être rapporté. Lorsque la flatterie proposa de faire déterrer et ôter de la sépulture impériale le corps du tzar Boris, elle ne voulut jamais y consentir, disant que quoiqu'il eût été l'ennemi de leur famille, cependant il avait été le souverain reconnu de tout l'empire. Pendant les voyages de l'empereur Pierre le Grand l'on fit des réparations à la grande tour de Moscou, bâtie par le tzar Boris, où il y avait une inscription à son honneur taillée dans la pierre; on la couvrit de plâtre. Lorsque l'empereur en fut informé, il la fit rétablir, disant, en propres termes, qu'on devait respecter la mémoire d'un grand homme (Antidote, Amsterdam, 1771, 1, 149). » L'histoire ne saurait ratifier ce jugement: Godounof n'était qu'un fort habile usurpateur.

Prince A. GALITZIN.

Margeret, L'Estat de la Russie et grand-duché de Moscovie; Paris, 1607.-P. Mérimée, Un Episode de l'Histoire de Russie; les faux Demetrius.

GODOUNOF (Théodore), fils du précédent, n'avait que seize ans à la mort de son père. Le patriarche de Moscou, Job, réussit à le faire proclamer tzar, sous la régence de sa mère; il régna trois mois, et, victime innocente, fut étouffé, le 20 juin 1605. Sa mère fat pendue; tous ses parents furent exilés, à l'exception de sa sœur, la belle Ahsinia, qu'on réserva pour le nouveau tzar, que la Russie croyait légitime; mais ce dernier vait déjà

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funestement pris pour épouse une Polonaise, ce qui ne contribua pas peu à sa perte. Pr. A. G. Margeret, L'Etat de la Russie, etc. — Lettre du faux Démétrius au palatin de Sandomir (Bibl. imp., manusc. Dup. 776, fol. 23).

GODOY (Pietro y), théologien espagnol, né à Aldeanneva (Estramadure), entre 1615 et 1620, mort vers 1686. Il prit l'habit de dominicain à Salamanque, et bientôt professa la théologie dans les principales universités d'Espagne. En 1664, Philippe IV le prit pour confesseur et le créa évêque d'Osma. Plus tard il lui confia le siége de Siguenza. Godoy s'était acquis une trèsgrande réputation comme prédicateur et comme canoniste. On a de lui Disputationes theologicæ in D. Thoman; Venise et Paris, 1686, 7 vol. in-fol.

Échard, Scriptores ordinis Prædicatorum, t. II, p. 613. -Journal des Savants, année 1686, p. 252 et 206. chard et Giraud, Bibliothèque sacrée.

-Ri

GODOY (Don Manuel DE), Alvarez de Faria, Rios Sanchez y Zarsosa, prince de la Paix et de Bassano, duc de l'Alcudia et de Sueca, etc., favori de Charles IV, roi d'Espagne, né le 12 mai 1767, à Badajoz (Estramadure), mort à Paris, le 4 octobre 1851. Issu d'une famille noble et ancienne, mais pauvre, il reçut, scus les yeux de son père, qui le confia à un instituteur habile, une éducation soignée et une instruction solide. Venu à Madrid à l'âge de dixsept ans, il fut incorporé dans une compagnie des gardes du corps, où servait depuis 1784 son frère aîné, Louis-Diego Godoy. Sa belle prestance, la régularité de ses traits, ses manières douces, élégantes, et son caractère aimable le mirent en faveur auprès des femmes, même à la cour. La reine Louise-Marie le remarqua, et le roi Charles IV le prit en si grande affection que la voie des honneurs lui fut ouverte large et spacieuse, au point d'avoir bientôt une influence plus grande que celle d'aucun autre favori en Espagne. Ce n'est point du reste son talent pour la guitare qui fut l'origine de sa fortune : il a affirmé, de la manière la plus positive, dans ses Mémoires, n'avoir jamais eu aucun talent pour la musique, ni su jouer d'aucun instrument. Devenu major général des gardes du corps, grade le plus voisin du roi, qui ne prenait que le titre de colonel dans le même corps, Godoy fut bientôt appelé au conseil d'État. Dans cette position nouvelle, due tout entière à la faveur, il montra une assurance fort au-dessus de son âge. Loin de se laisser éblouir par la fortune, il suppléa à l'expérience qui lui manquait par un jugement sain, une mé moire prodigieuse, un tact exquis et une conception vive et prompte : l'esprit d'intrigue, auquel on se forme si vite à la cour, l'aida pour tout le reste. La reine, dont il était l'amant, instruite de tous les secrets du gouvernement, dirigea ses premiers pas dans la carrière des affaires. Habile à mettre à profit ses instructions, Godoy put au sein du grand conseil ouvrir des avis, émettre des opinions qui faisaient honneur à

sa pénétration. Le roi le prit en si grande estime, qu'il voulut en faire son premier ministre. Alarmé de l'essor que prenait la révolution française, frappé surtout des dangers que courait Louis XVI, Charles IV voulut un homme à lui, qui fût sa créature et l'expression de sa volonté nette et franche. Le jeune Godoy, sur lequel tomba son choix, fut nommé premier ministre, à la place du vieux comte d'Aranda, disgracié (15 nov. 1792). Décidé à venger la mort de Louis XVI, qu'il n'avait pu conjurer, le nouveau ministre inaugura sa politique par une déclaration de guerre à la Convention.

Sous les ordres du général Ricardos (voy. ce nom), les armées espagnoles commencèrent la guerre par de brillants succès à Masdeu et à Trouillas (1793); mais la victoire appartint décidément à la France dans la campagne suivante. Le traité de paix signé à Bâle (22 juillet 1795) valut à Godoy, déjà prince de l'Alcudia, les titres de prince de la paix et de grand d'Espagne de première classe. En outre, Charles IV gratifia son favori de l'ordre de la Toison d'Or et d'un domaine de 60,000 piastres de revenu. C'en était trop. L'opposition, qui s'était tenue sur la réserve pendant la guerre, se souleva plus violente et plus acharnée. Elle avait accusé de trahison le traité qui réconciliait l'Espagne avec son alliée naturelle, en la dégageant de toute obligation envers l'Angleterre, qui lui débauchait ses colonies; elle cria au scandale à la vue de tant de récompenses. Nonobstant, le premier ministre, signa à Sainte-Ildefonse, 19 août 1796, un traité d'alliance offensive et défensive avec la république française. Il profita ensuite du retour de la paix pour augmenter la marine de l'Espagne, reconstituer son armée, affaiblie, afin de protéger ses relations avec l'Amérique et tirer tous les avantages possibles des nouveaux traités.

C'était une tâche difficile et délicate en Espagne que de réparer des finances obérées, relever le crédit ruiné, le commerce en souffrance et l'industrie anéantie, tout en luttant contre les complications de la politique extérieure et les complots du parti hostile au favori. Dans une situation si périlleuse, le prince de la Paix, louvoyant habilement entre deux grandes puissances dont la rivalité bouleversait l'Europe, maintint son pays dans un état assez satisfaisant. Mais, s'isolant trop dans la faveur royale, il eut contre lui tous les partis. Les nobles, qu'irritait sa prépondérance exclusive dans le gouvernement, brûlaient de le renverser. Les novateurs, persécutés, le clergé, lésé par la vente des propriétés de main-morte, l'inquisition, qu'il bravait, le détestaient; et le peuple, qui lui imputait tous ses maux, lui pardonnait encore moins de s'être montré irrévérencieux envers le pape, qui intervenait trop directement dans les actes du gouvernement par ses bulles. Tous étaient révoltés de voir un parvenu déployer un faste et une magnificence qui contrastait avec la misère pu

blique. Lorsque la guerre avec l'Angleterre entravait le commerce, écrasait l'industrie en interceptant les communications avec l'Amérique; lorsque les produits de la terre et du travail pé rissaient faute de bras et de débouchés, le palais du prince de la Paix était le centre des plaisirs, la vénalité des honneurs et des charges contribuant à ses énormes dépenses, avec les dons répétés du roi. Godoy aimait les femmes, et, avec tous les moyens de séduction qu'il réunissait, il n'eut que de trop nombreux succès. Ses amours avec dona Josefa Tudo firent plus de bruit qu'aucune autre de ses aventures galantes. Le père de cette jeune et belle personne, ancien militaire, qui sollicitait depuis longtemps une position, eut à la fin l'idée de se présenter avec sa fille devant le tout-puissant favori. Aussitôt il fut nommé gouverneur de la maison royale le Retiro, où son protecteur fit bientôt de fréquentes visites. Mais la jeune dona Josefa, qui était devenne l'objet des attentions les plus délicates et des soins les plus empressés du trop galant ministre, montra autant de fierté et de vertu qu'elle avait de beauté et d'amabilité. Le prince, qui n'en devint que plus amoureux, ne parvint au comble de ses désirs qu'après un mariage secret. Et tel fut l'empire de ce mystérieux amour que ni la jalousie de la reine, ni les brillantes qualités de dona Thereza de Bourbon, que, dans son engouement, le roi imposa à son favori pour épouse avouée, n'en purent triompher. C'est par le scandale de ce double hymen, qui n'atténua en rien les faveurs royales, que Godoy donna particulièrement prise à la malignité publique.

En vain il réduisait par l'exil le nombre toujours croissant de ses ennemis. La cabale qui se forma contre lui, recrutée parmi les plus grands seigneurs de l'Espagne et les hommes les plus entreprenants, entretenue, excitée par les intrigues du cabinet de Saint-James, devint bien plus menaçante quand elle eut, avec le concours d'une partie de la famille royale, le prince des Asturies pour chef (voy. FERD. VII). La marche des événements ajoutait encore aux difficultés de sa position.

Allié de la France, le ministre espagnol eut à soutenir la guerre avec l'Angleterre, et lui opposa une défense si vigoureuse qu'il ne laissa perdre à l'Espagne que l'île de La Trinité, cédée à sa rivale par le traité d'Amiens (27 mars 1802). Il songeait à diriger une expédition en Portugal, qui, par ses relations avec l'Angleterre, compromettait le gouvernement espagnol vis-à-vis du gouvernement français. Mais Charles IV préféra recourir à la persuasion pour ramener à lui un trône sur les marches duquel sa fille était assise. Godoy quitta le ministère ( 28 mars 1798), par suite d'une intrigue du cabinet français. Don Francisco de Saavedra et don Gaspard de Jovellanos (voy. ces noms ) lui succédèrent, mais ne gardèrent pas longtemps leur portefeuille. Urquijo, qui vint après, très-favorable à la révolution française, fut exilé,

et le prince de la Paix revint au pouvoir. Le roi, poussé par la reine, voulut se l'attacher plus étroitement : il lui fit épouser dona Maria Thereza de Bourbon, princesse âgée de quinze ans, issue d'un mariage secret entre l'infant don Luis, oncle du roi, et dona Sallabriga, demoiselle de qualité. Ce mariage, purement politique, ne pouvait être que malheureux. A sa rentrée aux affaires, le prince de la Paix trouva une situation tout autre qu'à l'époque où il les avait quittées. La France avait Napoléon pour premier consul, et Lucien Bonaparte, arrivant à Madrid en ambassade extraordinaire, fit décider, par le traité de Badajoz, la guerre avec le Portugal. L'expédition s'ouvrit en 1800, sous les ordres du prince de la Paix. Mais Napoléon n'avait voulu qu'intimider l'Angleterre par cette manifestation et la décider à la paix. Après la perte de quelques places, le Portugal put traiter moyennant un subside de 25,000,000 de francs payé à la France et la cession à l'Espagne d'Olivenza et de la partie de son territoire en deçà de la Guadiana. L'Espagne, qui est depuis restée maîtresse de cette clef du Portugal, obtint ensuite l'évacuation de son sol par les troupes françaises. Godoy, général en chef de l'expédition, nommé déjà un peu avant grand'croix de l'ordre de Charles III et de celui de Malte, eut, avec le titre de comte d'Evoramente, une augmentation de revenu de 100,000 piastres. Charles IV lui donna en outre deux drapeaux à ajouter à ses armes, et voulut lui-même lui attacher un sabre d'honneur.

Cette expédition, qui prêta tant à rire aux malins, donna pourtant à l'Espagne une augmentation de territoire et la paix,en plaçant le pays dans les meilleurs termes avec la puissance qui commandait à l'Europe. Le traité de Lunéville en échange de la Louisiane, cédée par l'Espagne à la France, donnait la Toscane au prince de Parme. Pour se rendre dans leurs nouveaux États, les infants don Luis et dona Maria de Bourbon passèrent par Paris, où ils furent reçus au milieu des fêtes et des honneurs.

Cependant le premier ministre essayait de poursuivre ses réformes administratives et financières, lorsque le mariage du prince des Asturies avec dona Marie-Antoinette de Naples vint troubler la situation. La prédilection passionnée pour l'Angleterre de la jeune princesse jeta la discorde dans la famille royale, et rendit Napoléon froid et défiant à l'égard de l'Espagne. Aussi, à la rupture de la paix d'Amiens, le gouvernement espagnol ne put éviter sa participation à la guerre qu'au prix d'un subside annuel de dixhuit millions de francs. Le cabinet de Saint-James rompit cette neutralité illusoire. Au mépris du droit des gens, il fit attaquer et saisir en pleine paix quatre frégates espagnoles revenant du Mexique, chargées d'or,en vue du port de Cadix, au cap Sainte-Marie (1er octobre 1804). Le premier ministre était si éloigné de vouloir la guerre, avec l'Angleterre surtout, qu'il ne s'y dé

cida qu'après avoir épuisé les voies de négociation.

En voulant conjurer la ruine de la dynastie bourbonienne, Godoy ne fit que la précipiter avec la sienne. Cédant à l'invitation d'une quatrième coalition contre l'empire français, il lança (6 oct. 1806) à toute l'Espagne un appel aux armes contre un ennemi qui, sans être désigné, n'était que trop facile à deviner. « Venez, disait-il, mes chers compatriotes, vous ranger sous les bannières du meilleur des souverains. » Mais, après la bataille d'Iéna, il se hâta de retirer et de désavouer sa proclamation, et dut recourir à des actes plus réels que les vains prétextes qu'il allégua d'abord, pour conjurer le courroux du maître de l'Europe. Godoy n'eut dès lors qu'à subordonner toute sa conduite à la politique des Tuileries. Joseph fut reconnu pour roi de Naples, et seize mille Espagnols, auxquels s'adjoignirent les six mille que commandait O'Farril en Étrurie, furent envoyés dans le Nord, sous les ordres de La Romana, pour recruter l'armée impériale après la bataille d'Eylau (1807). Godoy, qui aurait voulu quitter le ministère, fut retenu au pouvoir par Charles IV, qui le nomma grand-amiral de l'Espagne et des Indes, protecteur du commerce, avec le droit d'avoir une garde d'honneur pour sa personne. « En croyant ainsi, dit-il (Mémoir., trad. d'Esmén.), à force de grâces et de distinctions accumulées, m'élever au-dessus de toutes les atteintes de mes ennemis, le roi ne fit que m'exposer davantage à leurs atteintes, en excitant surtout les alarmes du prince des Asturies, qui, poussé par d'insidieuses dénonciations, craignait que je n'aspirasse à le devancer surle trône. » — « Godoy, mon sujet, disait l'astucieux Ferdinand, me dérobe l'affection du peuple; il s'empare de tous les hommages. >>-« Ne t'en inquiète pas, repartit don Carlos, son frère; plus on lui donne, plus tu lui ôteras sous peu. » Les suggestions du marquis de Beauharnais, ambassadeur de France en Espagne, achevèrent de tourner la tête au prince des Asturies, qui adressa à Napoléon la fameuse lettre du 12 octobre 1807. Celle qu'adressa au même souverain le roi Charles IV décida du sort de l'Espagne et de son gouvernement. Il fit négocier par Duroc avec Izquierdo (voy. ce nom), chargé d'affaires d'Espagne, le traité de Fontainebleau (27 oct. 1807), en vertu duquel le Portugal était cédé à la France, à l'exception des Algarves et de l'Alemtejo, dont la souveraineté était dévolue au prince de la Paix, pour prix de la participation qu'il devait prendre à la conquête de ce royaume. « Il faut en finir, dit-il à Duroc... J'envoie les petits Bourbons d'Etrurie à l'extrémité nord du Portugal, sous le nom de rois de la Lusitanie septentrionale; ils seront à bord de la mer. Juno va occuper Lisbonne et l'embouchure du Tage... Il tiendra le pays, je verrai ensuite... Qu'est-ce que ce prince de la Paix en Espagne? Il a fait le rodomont l'année dernière : c'est luimême qui mène cette cour de Madrid. Dites-lui

qu'il aura les Algarves; qu'il s'en aille. Je m'ar-
rangerai sans lui avec Charles IV et son fils,
qui ne s'entendent pas entre eux et qui m'ap-
pellent l'un l'autre. »>

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Izquierdo courut à Madrid dévoiler au roi, à
la reine et au ministre, son protecteur, le danger
auquel les exposait, eux et l'Espagne, sa trop fa-
cile confiance. Aussitôt le prince de la Paix et le
couple royal de faire leurs préparatifs de départ
pour Cadix, d'où l'on pouvait au besoin se trans-
porter au Mexique. On n'attendait que l'heure du
départ. Mais le prince des Asturies dévoila le
projet à ses partisans. L'infâme! crièrent-ils
au peuple, vous le voyez, il a vendu le pays,
il brûle de le livrer sans défense à l'acheteur! >>
Ils ameutent la foule, et le comte de Montijo,
déguisé sous le nom de l'oncle Pierre, en-
vahit, dans la nuit du 17 au 18 mars 1802, le
palais d'Aranjuez. Au jour, la foule pénètre
dans le palais du prince de la Paix, aux cris
de Meure Godoy! Le prince, qui se tenait ca-
ché dans un grenier, sous un tapis, y fut dé-
couvert, mourant de faim, après trente-huit
heures. Arraché de sa retraite et accablé de coups,
il fut exposé aux insultes d'une foule exaspérée,
qui lui lança des pierres, et fut même atteint
de deux coups d'épée à la poitrine. Mais Char-
les IV, informé du danger que courait le favori
de la reine, abdiqua en faveur de son fils, en lui
imposant pour condition de sauver Godoy. Au
comble de ses vœux, Ferdinand se rendit à la de-
meure de Godoy, qu'il fit amener devant lui: «< Sais-
tu bien, lui dit-il, que je suis ton roi, roi d'Espagne
et des Indes »>? - « Et comment se portent les
parents de votre Majesté ? » répondit le prisonnier.
Ferdinand ordonna de conduire Godoy au château
de Villaviciosa et de l'y garder étroitement, pro-
mettant de le livrer aux tribunaux et d'en ob-
tenir bonne justice. Sur ces entrefaites Murat
arriva à Madrid, à la tête de 30,000. Pendant
que Ferdinand partait pour Bayonne, le grand-
duc de Berg réclama Godoy de la junte, qui
n'osa le lui refuser, et l'envoya avec dona Josefa
Tudo, comtesse de Castillo-Fiel, à Bayonne,
où il rédigea la nouvelle abdication de Char-
les IV, en faveur de Napoléon. Godoy partit en-
suite pour Compiègne, puis pour Marseille avec
Charles IV et l'ex-reine, qu'il suivit enfin à
Rome. Là, naguère possesseur des riches duchés
d'Albufera, de l'Alcudia, de Soto-Roma et de deux
des plus somptueux palais de Madrid, complé-
tement ruiné, Godoy ne vécut que des bienfaits
de ses royaux amis. « Je suis cause de tous tes
malheurs, lui disait Charles IV, qui lui voua
jusqu'à la fin la plus tendre amitié. Le prince
et le roi déchus habitèrent ensemble le palais
Borghèse. La comtesse de Castillo-Fiel, qui les
avait rejoints avec ses deux fils, y remplit les
fonctions de dame d'honneur de l'ex-reine Louise-
Marie. Outre les deux fils que lui avait donnés
dona Josefa, qu'il épousa publiquement après la
mort de dona Thereza, Godoy élevait encore
NOUV. BIOGR, GÉNÉR. - T. XX.

dans le même palais la duchesse de l'Alcudia,
sa fille, issue de dona Maria-Thereza de Bourbon,
morte dans un couvent, lieu de sa retraite. Go-
doy, qui ne quitta ses bienfaiteurs qu'à leur mort,
vint à Paris en 1835. Il fixa sa résidence dans la
rue de La Michodière, à un troisième étage. L'ar-
gent que lui avait laissé la famille royale n'avait
pu suffire à l'éducation de sa famille; il obtint
de Louis-Philippe une pension de 5,000 fr. C'est
à Paris qu'il publia ses mémoires, plaidoyer
assez diffus et médiocre, dont Godoy n'a été que
l'auteur nominal.
V. MARTY.

Cuenta dada de la Vida política de D. Man. Godoy,
principe de la Paz, o sean memorias criticas y apolo-
geticas por la historia del reinado del Sr. D. Carlos IV
de Borbon; Madr., 1836-38, 5 vol. in-8°; ibid., 1842, 6 vol.
quatre volumes, trad. d'Esménard, en ont été publ. en
français; trad. en allem. par Diesman, Leipzig, 1886, 4 vol.;
en anglais, 1836, 5 vol.- Ovilo y Otero (Manuel), Vida po-
litica y militar de D. Man. Godoy, principe de la Paz;
Madr., 1844, 4 vol. Toreno, Guerra, Revoluc. y Levan-
tam. de España, t. Ier et V. - Jay, Biograph. des Con.
temporains. Rabbe et Boisjolin, Biogr. univers, des
Contemporains. Encyclopédie des Gens du Monde,
art. GODOY.

* GODRAN ( Charles), poëte latin moderne,
né à Dijon, dans les premières années du seizième
siècle, mort en février 1577. Sa vie est peu con-
nue. L'on sait toutefois qu'il avait la dignité de
chanoine de la Sainte-Chapelle au lieu de sa nais-
sance. Les ouvrages qu'il a laissés ne manquent
pas de mérite: De Auspicato regis Caroli IX
in urbem Divionem, bene atque feliciter ex-
cepti, Ingressu Euphemia, sive gratulorium
carmen; Dijon, 1564, in-4°; Epicedium in
præmaturam, et omnibus sæculis deploran-
dam, mortem Francisci a Lotharingia, Gui-
siani ducis, adjectis aliquot ex iis quæ non
ita pridem scripsit episcopus Regiensis; 1564,
ibid., in-4°;-Historia Crucis dominicæ, quam
Passionem vocant, versibus heroicis expressa
ex D. Joannis 18 et 19 capitibus, adjectis ali-
quot per transennam ex sacris litteris;
ibid., 1565, in-4°. L'auteur ajouta 500 vers à
cette pièce; l'année suivante il la fit réimprimer
sous ce titre : Encomium Crucis ; ibid., 1566,
in-4°; - Mysterium Evangelicum, in dialogos
distributum; ibid., 1569, in-4°; Judith vi-
duæ Historia, heroicis versibus expressa;
ibid., 1569, in-4o;— Susannæ, Helchiæ filiæ,
Tragica-Comœdia, ex cap. XIII Danielis ; ibid.,
1571, in-4; Tobia Nephtalii, Raphaele
Archangelo prænuntio, felix Epithalamium,
in argumentum feliciss. epithal. Caroli IX
ac Isabellæ Austrasiæ; ibid., 1571, in-4°;
Sacrificii Abrahami Hypotyposis, sive imagi-
naria repræsentatio, etc.; ibid., 1572, in-4°.
Louis LACOUR.

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Papillon, Biblioth. des Aut. de Bourg., t. I, p. 258.
GODWIN (Le comte), homme d'État anglais,
né vers la fin du dixième siècle, mort le 7 avril
1054. Il était fils de Wulfnoth, le child (fils
du chef) des Saxons méridionaux, qui, fuyant
les persécutions dirigées contre lui par Edric
Stréon, sous Ethelred II, s'était révolté contre

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