Si vous saviez cependant, mon fils, que je vous attends depuis dix ans dans cette épouvantable maison où vous naquîtes. J'espérais, ne sachant par quel moyen vous découvrir, ayant perdu la trace de ceux qui vous enlevèrent à moi la fatale nuit de votre naissance, j'espérais que vous seriez venu me chercher dans cette maison, guidé par une lumière plus sûre. Chaque nuit je suis allée à la même place m'asseoir, languir et espérer. La nuit passée, la rencontre d'un jeune homme au milieu des circonstances les plus étranges, m'a révélé votre retraite. C'est lui qui m'a conduite ou plutôt entraînée ici. -Et ce jeune homme? - Il a votre âge, il vous connaît; c'est lui qui, dans l'égarement de l'ivresse, m'a appris que vous viviez, et qui m'a déposée à votre porte. Ce jeune homme est mon frère, madame, la reconnaissance encore plus que mon frère par vous n'êtes ma mère par le sang. Son père est le mien, et je les aime mieux l'un et l'autre que toute ma race, fût-elle présente devant moi. La porte de la chambre s'ouvrit, et la supérieure entra; elle venait annoncer à Socrate qu'il allait partir pour le Havre; la voiture du duc l'attendait dans la cour. - Adieu, ma véritable mère! dit-il à la supérieure; et en s'adressant à l'autre femme : Ma mère, c'est celle-ci, qui vous a suppléée dans les soins que vous n'avez jamais eus pour moi; c'est celle-ci, bonne et pieuse créature, qui m'a veillé pendant la maladie, et rappelé deux fois de la mort sans m'imposer jamais une affection factice fondée sur le hasard d'avoir donné le jour. Adieu, ma mère! dit-il en tombant aux pieds de la supérieure, adieu; je n'ai qu'un témoignage de reconnaissance à vous offrir, et Dieu et mon cœur m'en inspirent l'idée, c'est de vous nommer de ce doux nom de mère devant celle qui s'appelle ma mère, et que je ne Il sortit, et laissa une femme évanouie dans les bras d'une autre femme qui pleurait. |