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Jamais tu n'entreras dans les villes célèbres

Tout ruisselant d'amour, de grâce et de beauté,
Délivrant les yeux clos des funèbres ténèbres,
Ranimant d'un baiser la vie et la santé,

Versant sur les pécheurs, de tes beaux grands yeux calmes,
Les pardons souverains qui rouvrent le ciel bleu
Et vers ton doux royaume, aù triomphe des palmes,
Conduisant les élus qui te confessent Dieu.

Jamais les affligés, les filles orphelines,
Les pauvres, les lépreux et les pestiférés,
Faisant de leurs douleurs des voluptés divines,
N'expireront de joie à tes pieds adorés.

Et jamais dans ton ciel d'yeux et d'ailes de flammes
Ne t'éblouiront comme une forêt de fleurs,

O millions de lys et de roses! les âmes

Dont ta bouche en baisers aurait changé les pleurs!...

Oui, pleure, dieu tombé! Ta vie est révolue.
Car voués désormais à l'œuvre de la mort,
Tes reins engendreront pour la tombe voulue.
Va! l'antique sentence a proclamé ton sort.

Pleure le paradis fermé, dont tu fus l'hôte.
Le sphinx garde le seuil de l'Éden déserté.
Comment reviendrais-tu ? Châtié par ta faute,
Tu ne crois plus toi-même en ta divinité.

Vois! ta chute a brisé ton divin diadème!
Retourne dans la Nuit. Et moi, pontife en pleurs
Qui puis faire des dieux mais non l'être moi-même,
Par ce beau soir mourant, plein d'oiseaux et de fleurs,

Courbant ma tête, hélas! désespérée et vieille,
Sur les cadavres de mes songes trépassés,

Du fond de la vallée adorable et vermeille
Jusqu'au temple éternel où veillent mes pensers,

J'entends venir à moi, comme un grand vent qui gronde, Les râles, les sanglots, les blasphèmes d'horreur

Et les longs cris de mort du misérable monde

A qui j'avais rêvé de donner un Sauveur !

REQUIESCAT

Interroge les sphinx, va combattre les guivres
Et cueillir les fruits d'or des baisers défendus.
- A quoi bon? Je reviens des paradis perdus.
Je me meurs du dégoût des lèvres et des livres.

N'entends-tu pas le choc des glaives et les cuivres Sonnant la charge aux cœurs par la gloire attendus? Que de cerveaux fêlés et de crânes fendus!

Je n'ai rien de commun avec ces brutes ivres.

Mes

yeux se sont brûlés à fixer le soleil.

Des corbeaux furieux viennent, dans mon sommeil, Plonger leur bec goulu dans mon vieux corps sans âme.

Mais rien ne me torture autant que les efforts
Des caresses cherchant dans ma cendre une flamme
Pour réveiller mon cœur pourri d'entre les morts.

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LA PENSÉE

L'ange noir m'a tendu la coupe d'onyx noir
Où bout sinistrement la liqueur cérébrale.
J'ai versé la mort dans ma bouche sépulcrale :
O charme des terreurs ! Splendeurs du désespoir !

Pensée, acre poison, rongeur des énergies,
Qui détruis le bonheur, l'amour et la santé,
Tu dissous tout espoir et toute volonté
Dans les cœurs altérés de tes sombres magies.

Quelle odeur de cadavre en cet horrible vin!

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J'ai vu. J'ai lu. J'ai su. Je sais que tout est vain. Tous les plaisirs pour moi meurent avant de naître.

Qu'importent les printemps à mon âme d'hiver
Qui ne peut plus jouir et ne veut plus connaître
Et qui préfère aux fleurs l'acier d'un revolver!

DIALOGUE

L'être d'ironie et de haine

Qui pour cible a choisi mon cœur,
De l'arc de sa bouche d'ébène
M'a décoché ce trait moqueur :

« Cet enfant tout en fleur d'enfance, Divin de joie et de santé,

Qui t'adore sans méfiance,
Crédule en ta fausse bonté,

-A son abandon simple et tendre,
Au doux velours des doux baisers
Que son sourire laisse prendre,
Que répondent tes sens blasés?

Que répondent tes lèvres lasses, Veuves de tant de baisers morts, Et qui bleuissent de leurs glaces Les lèvres fraîches que tu mords?

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