Voici mon front dur, forteresse Où mon invincible vouloir Masque son dangereux pouvoir D'un fard de joie et de tendresse. Tour d'ivoire des hauts concepts, Cathédrale des saints mystères Où l'encens bleu de mes prières Monte au vertige des transepts. Dans le reflet où j'étudie L'essence occulte de mes traits J'entrevois les signes secrets De mon étrange maladie; Et ces stigmates douloureux Dénonçant mes œuvres coupables Avec les poisons redoutables Cachés en mon cœur ténébreux, Sur la toile ma main sincère Les retrace inflexiblement Pour éterniser le tourment Qui me ronge comme un ulcère; Car mon magnétique pinceau Mieux que la baguette d'un mage Fait dans sa symbolique image Jaillir mon âme à fleur de peau. III Dans la salle austère et claustrale, Loin de la fenêtre augurale. Unique objet de mes pensers, Il m'enveloppe et me pénètre Ses yeux s'élancent dans mes yeux, Sa voix parle au fond de mon être. Il dit : « Contemple sans désir; << Veux-tu la couronne suprême << Cherche ton bonheur en toi-même. << Sans vœux, sans haines, sans amours, « Veuillons être ce que nous sommes ; « Va! dans les ténèbres des hommes « Sois la lumière de tes jours. »> Ainsi parle ma sage image Et toujours mes yeux plus hagards Et s'hypnotisent davantage. Et dans l'étrange envoûtement LA LYRE Dans la ville nocturne où j'erre, épouvanté, La rue, au loin, descend, puis remonte et s'évase Chaque lampadaire est un clou diamanté Du magique instrument qui pour mes yeux s'embrase. O ma ville natale, ô muse ténébreuse, Chantons, créons ensemble une musique affreuse Ton vertige me soûle et je sens que je suis, EN WAGON Un triste enfant se meurt de voir Site élu d'un poignant vouloir, Passé! Mon extase inutile Quel crime pourrait, quel courage, Arrêter le brutal voyage Qui nous voue aux forts inconnus, Quand l'heure décevante abdique Les chers paradis entrevus Par l'étroit carreau tantalique? |