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« Sache tuer en toi la volonté de vivre;
« Aime sans désirer; supporte sans souffrir;
<< Libre de tout espoir, toujours prêt à mourir,
« Va, consolé console et délivré délivre! »

Nous t'écoutons! Nous te croyons! nous te suivons!
N'es-tu pas
la lumière éternelle du monde?
Ah! Parle! Sauve-nous! Et laisse dans l'immonde
Cloaque où, malgré nous, encore nous vivons,

Sur leurs grabats d'ordure et leurs couches de soie
Hennir les cœurs lascifs, hurler les cœurs haineux,
Criant: « Maudit soit-il, l'ennemi de nos dieux!
« Qu'a sauvé ce Sauveur? Il a tué la joie! »

- Et voici qu'on entend le Temple épouvanté
Retentir jusqu'au fond des abîmes funèbres
Et redire en l'horreur des tombales ténèbres :
« Homme, que feras-tu de ta Divinité? »

HIVER

Quel supplice oublié de nouveau me réclame?
Quelle jeune chaleur fond les anciens glaçons?
J'entends, j'entends au loin les antiques chansons
Et je te reconnais aussi, terrible flamme!

Les baisers d'autrefois m'ont empoisonné l'âme.
Des plaisirs défendus redoutables rançons,
Mes souvenirs amers sont gonflés de soupçons.
J'ai le cœur à jamais traversé d'une lame.

Comment croirais-je encore à l'amour simple et pur? Ma foi d'enfant est morte. Au fond d'un puits obscur Les vieilles trahisons lâchement l'ont noyée.

O toi qui viens trop tard, ô douce fleur d'hiver,
Tu te dessécheras sur la cendre broyée

Où ce qui fut l'amour me ronge comme un ver!

LA CHIMÈRE

Nulle herbe sur le sol; nul oiseau dans le ciel;
Entre les rouges rocs de la gorge terrible

Où souffle, âcre et brûlant un simoun éternel,
Seul, le sable en feu coule ainsi qu'un fleuve horrible.

La flamme du soleil a calciné l'azur.

L'air est tout poudroyant de cendre et de poussière.
Mais la roche écarlate est comme un corail dur
Qui sur ses flancs polis fait saigner la lumière.

Sous les blocs sombres s'ouvre un gouffre ténébreux,
Porche noir des flots noirs de la nuit souterraine;
Des rugissements sourds et des chants amoureux
Y font naître et mourir une rumeur lointaine.

C'est là qu'aux soirs maudits appelé par l'enfer,
Je vais, dans la terreur des tortueux abîmes,
Abreuver de mon sang et nourrir de ma chair
L'épouvantable monstre enfanté par mes crimes.

Le corps squammeux entr'ouvre au fond de sa prison
Une âpre gueule rouge où mille dards phalliques
Mêlent hideusement leur bave et leur poison;
Des yeux saignants il pleut des larmes faméliques.

Et tu n'es point venu de l'azur chaste et clair,
O purificateur des cavernes profondes,

Jeune homme éblouissant, lumière faite chair,

Beau saint Georges, tueur des chimères immondes!

L'AMOUR FOSSOYEUR

La joue en fruit comme une pêche,
Les bras rythmés comme les flots,
Le beau jeune homme arquant le dos
Dans le sol enfonce la bêche.

Salut, divin adolescent!

Sur ton épaule lisse et ronde
Roule ta chevelure blonde
En fleuve d'or éblouissant.

Elle ondule et baigne tes ailes Pavoniennes, aux grands yeux fous, Dans leurs battements lents et doux Ouvrant des milliers de prunelles.

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