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Puissant Erôs, dieu du Désir,
Ta chair fait frémir la lumière;
Et ta poitrine printanière,
Qui peut la baiser sans mourir?

Ton haleine ébranle les mondes,
Tes yeux, qu'aimante le soleil,
Suscitent l'avenir vermeil

Du sein des caresses fécondes.

O fleur suprême de la chair,
Forme idéale de la vie,

C'est par toi que l'âme ravie

Pour prendre un corps quitte l'éther.

Et c'est aussi par ta puissance

Que les esprits inférieurs

Montent vers les mondes meilleurs

De délivrance en délivrance.

Pourquoi donc sur ta lèvre en feu
Ce cruel et triste sourire?
Sur tes pieds sacrés je vois luire
Tes larmes et ton sang de dieu.

La terre en est tout arrosée,
Et sous ta bêche, par moments,
Se brisent de blancs ossements
Croulant dans la fosse creusée.

L'Amour travaille pour la Mort.
En vain, sans repos, il engendre,
Dans la tombe tout doit descendre.
Comme de la tombe tout sort.

Et jamais sous les cieux moroses
Ne cessent tes labeurs divers,
Ferment divin de l'univers,
O Siva couronné de roses!

GANYMEDE

Comme le bel enfant marchait nu, rose et leste
Dans les champs violets et verts d'iris en fleurs,
Un aigle impétueux de la voûte céleste

Fond jusqu'à ses yeux bleus, qui se mouillent de pleurs.

Cher jeune homme, dit-il, tes chairs éblouissantes
Ont enflammé d'amour les Désirs dévorants.
Viens! je t'enlèverai dans mes serres puissantes!
Viens! je t'emporterai dans les cieux fulgurants!

Ne crains pas, doux ami, l'orage de mes ailes
Qu'habitent l'ouragan, la nuée et l'éclair;
Je t'élève au plus haut des sphères éternelles,
Où les dieux souriants rayonnent dans l'éther.

Au séjour lumineux des formes idéales
Assieds-toi, dieu nouveau, dans ta gloire exalté,
Et répands à jamais sur les âmes royales
Mon grand rêve éperdu d'amour et de beauté!

L'ÉGLISE

Me voilà dans l'église. Elle est énorme et sombre,
Toute rouge; piliers, voûtes, dalles, vitraux,
Tout est rouge; on dirait que je tâtonne à l'ombre
D'une immense forêt de monstrueux coraux.

O ténèbres! ô nuit de pourpre! ô nef immense!
Tout au fond, à l'autel, vacille un prêtre blanc.
Est-ce qu'une douleur saigne dans le silence?...
Personne. Tout est vide et muet et tremblant.

Une rumeur : des pleurs, des sanglots et des râles S'élèvent lentement et formidablement...

Voici des hurlements horribles, par rafales...

Puis, la clameur s'éteint, longuement, sourdement...

Je frissonne!... On dirait que quelque chose bouge Sur les sombres piliers et reluit en passant.

Y mettrai-je la main? Horreur! ma main est rouge! Elle est toute mouillée! Elle est pleine de sang!

L'église est toute en viande et saigne à larges gouttes. Le sang filtre partout, il coule en longs ruisseaux, Vivant, rouge et fumant, du haut des rouges voûtes, Le long des lourds piliers et des sombres vitraux.

L'église rouge, on l'a construite en chair humaine.
Elle saigne sans trève et mêle au sang les pleurs.
Le sang ruisselle et monte; elle en est presque pleine;
Et l'orgue hurle l'hymne éternel des douleurs.

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