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HYMNE

Mon passé, je le vois dans tes yeux souriants,
Dans ta bouche de rose où l'amour rit d'éclore,
Dans ta joue aux fraîcheurs d'aurore
Et dans tes blonds cheveux où voltigent encore
Mille essaims de baisers friands.

Mon passé t'asseyait souvent sur ses genoux,
Riait à ton cher rire et demandait tes lèvres.
Nos chants, nos rêves et nos fièvres
Bondissaient à l'envi comme de jeunes chèvres,
Dans nos sentiers joyeux et fous.

Mon présent est encore ivre de ta beauté,
De ta chaude tendresse et des pensers sublimes
Qui bercent au bord des abîmes

Nos deux cœurs palpitants sur les plus hautes cimes
De l'art et de la volupté.

MON FILS

A Robert Sand.

Par les lugubres nuits sans espoir, où j'écoute,
Dans mon lit solitaire, âpre, stérile et froid,
D'où le divin sommeil est banni par l'effroi,
Mon cœur, mon cœur blessé, qui saigne goutte à goutte;

Par les jours désolés de torture et d'amour,
Où le désir cruel, brisant ses vaines roses,
Enfonce dans les chairs des épines moroses
Dont le noir poison brûle et glace tour à tour;

Par les moments bénis, par les heures trop brèves
Où les chagrins, laissant leur fouet pendre au côté,
Accordent la furtive et chaste volupté

De cueillir quelques lys au doux jardin des rêves;

Quand les sens abreuvés d'un dégoût plus amer
Que l'absinthe et le fiel, maudissent la nature;
Quand portant sa pensée ainsi qu'une blessure
L'âme implore les cieux interdits à la chair;

Quand la terre apparaît comme un charnier immonde Où la vertu pourrit à côté de la foi,

Je pense à toi, le cœur en feu, je pense à toi,

O mon fils idéal qui n'es point de ce monde!

Enfant trois fois heureux, qui ne vis qu'en mon cœur,
Enfant que nul péché ne forcera de naître,
Dans mon rêve ébloui, qui seul te donne l'être,
Tu rayonnes d'amour, de joie et de bonheur.

Je te vois tout mignon, mêlant tes boucles blondes
Aux rayons chaleureux et dorés du soleil,

Dansant parmi les fleurs comme un oiseau vermeil
Et ravissant les bois de chansons vagabondes.

Tu ris d'un rire clair, qui réjouit l'azur;
Tes baisers radieux s'en vont à tire d'ailes

Aux quatre coins des cieux comme un vol d'hirondelles ;
Tes yeux d'ange sont bleus comme un ciel toujours pur.

Puis, je te vois plus beau que les beautés célèbres, Éphèbe éblouissant de grâce et de fierté,

Joyeux dans la noblesse et la sérénité

Comme un jeune soleil qui se rit des ténèbres.

Beau jeune homme, mon fils, ô mon royal enfant,
Vigueur divine, corps de marbre, cœur de flamme,
En ton âme fleurit le plus pur de mon âme
Et tu fais rayonner mon rêve triomphant.

Tu sauras accomplir ce que je n'ai pu faire.
Tu ne seras qu'amour, clémence et charité.
Tu prêcheras sans peur l'ordre et la vérité,
N'exposant que toi-même aux coups de l'adversaire.

Ta bouche adoucira les maux les plus amers;
Ta bonté calmera le plus brûlant supplice;
Ton plaisir le plus cher sera le sacrifice;
Tu sauveras les cours! tu sauveras les chairs!

Ah! je te vois si beau, si sublime et si tendre
Que je pleure d'amour en t'appelant tout bas!
Il me semble parfois que tu me tends les bras
que du haut des cieux vers moi tu veux descendre.

Et

Les lèvres des désirs m'environnent de feu!
Je sens frémir en moi l'avenir qui veut vivre!
Vivant, te voir vivant! Oui, la terre m'enivre!

Et je veux te faire homme, ô toi qui n'es qu'un dieu!

Mais quoi! pour quelques jours d'une égoïste ivresse J'oserais t'arracher au bienheureux néant

Et te précipiter, sous l'azur effrayant,

Dans l'horreur de ce monde et sa noire détresse?

J'oserais engendrer avec ton corps chéri

Les germes d'où naîtront tes futures souffrances,
Tes larmes, tes sanglots et tes désespérances
Jetant aux cieux muets leur inutile cri?

Quoi! je te livrerais aux douleurs de la terre;
J'incarnerais en toi les maux de l'univers ;
J'offrirai aux démons ton sang pur et tes chairs
Innocentes, ô ma victime involontaire,

Et je pourrais prévoir sans mourir de remord
Ton pauvre cœur brisé, brûlé de mille fièvres,
Tes pauvres yeux en pleurs, tes pauvres douces lèvres
Saignant sous les baisers féroces de la Mort?

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