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Non moins que des plaisirs, tu nous fais des devoirs. Pour soûler les soldats de généreux espoirs,

Tu leur verses, ô Dieu du sang, tes poisons noirs.

Ton aile rouge passe à travers les tueries

Et sur les fronts martyrs flotte en palmes fleuries
Dans les temples de Dieu changés en boucheries.

Pour stimuler l'ardeur des esprits curieux,
Ta main de flamme écrit des mots mystérieux
Qu'épèle en bégayant le savant anxieux.

Tu caches si bien Dieu sous les décors du culte,
Qu'échangeant à l'envi la torture ou l'insulte,
Les clergés ennemis te servent en tumulte.

De toi, dieu de l'argent, vient la prospérité;
Tu fais puissant l'État et riche la Cité;
Tu dispenses la gloire et l'immortalité.

O civilisateur, ta suprême malice
Inventa la morale et l'humaine justice

Qui vers le ciel sanglant font fumer le supplice.

Tu rives tour à tour et tu brises nos fers,
Martelant sans relâche aux forges des enfers
La contradiction, pivot de l'univers.

Sans ta rébellion Dieu n'aurait pu rien faire.
Tous les êtres sont nés du feu de ta colère.
Nous te glorifions, Satan, notre vrai père !

Ne te devons-nous pas notre rédemption,
Toi, qui crucifias l'homme-dieu de Sion.
Grâce à Judas, ton fils de prédilection?

Satan! Satan! Satan! Toi seul es charitable! Toi seul es généreux! Toi seul es redoutable! Il faut connaître Dieu pour adorer le diable!

Satan, écoute-nous! Satan, exauce-nous!
Satan, étends ton bras sur ton peuple à genoux!
Et donne-nous la paix des sages et des fous!

LUCIFER

Il cria d'une voix qui brisa mes vertèbres :

En ton sommeil, dans la vaste paix des ténèbres Où ton repos attend les fleurs du lendemain, Me voici, le bras haut, une flamme à la main : Je viens toucher ton cœur de ma main lucifère ; Regarde maintenant, comprends et désespère ! Ah! ton futile esprit se plaisant à l'erreur, Tu t'osais supporter toi-même sans horreur! Tu ne voyais ni tes lâches supercheries, Ni tes vils appétits de voluptés flétries, Ni tes dols, ni tes vols, ni tes faux dévoûments Singeant le sacrifice et la soif des tourments, Ni les paons vaniteux et fous faisant la roue Dans la nuit noire de ton âme et dans sa boue, Ni tes songes cruels, sensuels et jaloux, Traîtreusement couverts d'un sourire si doux

Qu'il a fait longtemps croire à ta bonté mauvaise.
Ignorant de ton cœur, tu laissais croître à l'aise
Ta force et tes instincts de naïf animal.
Mais je suis l'Éclaireur formidable du Mal :
Je t'apporte le don fatal de la Science;
Tâche de supporter désormais l'existence,
Misérable! Le vieux dogme n'avait pas tort :
« Le crime de savoir sera puni de mort! »
Ah! quand je songe à la grimace si cocasse
Que va faire, en crevant, ta sordide carcasse,
Mes dents bavent de joie et je danse et je ris
Et mes ailes aux doigts mous de chauve-souris
Allongent les rubis de leurs ongles phalliques,
Et j'exulte et m'exalte en hymnes catholiques :
« Te Deum! Te Deum! Le ciel a fait la Loi ;
Mais l'Euvre et son angoisse et sa chute, c'est moi! >>

-Seigneur, que répondrai-je au démon de phosphore? J'ai soufflé sur sa flamme et vous attends encore.

GLAS

O cloches lourdes, cloches lentes,
Dolentes,

Râlantes,

Cloches des sinistres journées,

Damnées,

Damnées,

Cloches de deuil, cloches d'alarmes,

En armes,
En larmes,

O cloches de sang, cloches d'âcres

Massacres,

Massacres,

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