Non moins que des plaisirs, tu nous fais des devoirs. Pour soûler les soldats de généreux espoirs, Tu leur verses, ô Dieu du sang, tes poisons noirs. Ton aile rouge passe à travers les tueries Et sur les fronts martyrs flotte en palmes fleuries Pour stimuler l'ardeur des esprits curieux, Tu caches si bien Dieu sous les décors du culte, De toi, dieu de l'argent, vient la prospérité; O civilisateur, ta suprême malice Qui vers le ciel sanglant font fumer le supplice. Tu rives tour à tour et tu brises nos fers, Sans ta rébellion Dieu n'aurait pu rien faire. Ne te devons-nous pas notre rédemption, Satan! Satan! Satan! Toi seul es charitable! Toi seul es généreux! Toi seul es redoutable! Il faut connaître Dieu pour adorer le diable! Satan, écoute-nous! Satan, exauce-nous! LUCIFER Il cria d'une voix qui brisa mes vertèbres : En ton sommeil, dans la vaste paix des ténèbres Où ton repos attend les fleurs du lendemain, Me voici, le bras haut, une flamme à la main : Je viens toucher ton cœur de ma main lucifère ; Regarde maintenant, comprends et désespère ! Ah! ton futile esprit se plaisant à l'erreur, Tu t'osais supporter toi-même sans horreur! Tu ne voyais ni tes lâches supercheries, Ni tes vils appétits de voluptés flétries, Ni tes dols, ni tes vols, ni tes faux dévoûments Singeant le sacrifice et la soif des tourments, Ni les paons vaniteux et fous faisant la roue Dans la nuit noire de ton âme et dans sa boue, Ni tes songes cruels, sensuels et jaloux, Traîtreusement couverts d'un sourire si doux Qu'il a fait longtemps croire à ta bonté mauvaise. -Seigneur, que répondrai-je au démon de phosphore? J'ai soufflé sur sa flamme et vous attends encore. |