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AUGURE

Pourquoi consulter ma science?
Le savoir des mages fiance
Le silence à l'expérience.

Malheur! Malheur à l'homme fort! Les Destins ont tissé ton sort

De deuil, de souffrance et de mort.

Tu fuis la coupe? Crains l'épée !
O Roi, salut! les astres-dieux,
Pour le triomphe et l'épopée
Couronnent ton front radieux.

Voici l'heure sainte. Exécute
L'œuvre, et péris exécuté...
- Le monde ébloui répercute
Le verbe de ta volonté.

LES ADIEUX DE SAPHO

D'après Swinburne.

L'Amour frôlera-t-il encor ces lèvres molles
Que frôleront bientôt les lèvres de la Mort?
Reste!... ou pars, si tu veux!... Mes lèvres étaient folles.
Aime où tu voudras, vis ta vie et suis ton sort!

Éloigne-toi !... Mais tes cheveux, tes yeux, ta bouche

Nourrissent mes désirs et calment mes douleurs.
Avant de me quitter, si le passé te touche,

Un plein baiser! Tes yeux ne verront point mes pleurs.

Qu'importe que les doigts des filles étrangères, Comme jadis les miens, passent dans tes cheveux? Ou sur ta bouche en feu que leurs lèvres légères Mêlent, comme j'ai fait, leurs baisers et leurs vœux?

O mon amante, fuis ou demeure, qu'importe?
Avant tous ces amours le mien sut te lier,

Et, la nuit ou le jour, soit vivante, soit morte,
Seule, avec toi, sans toi, je ne puis oublier.

Notre amour fut trop doux pour que je me lamente.
Je te souris encore et cependant je meurs.
Quels que soient désormais ou l'amant ou l'amante
Qui cueille tes baisers comme de rouges fleurs,

Mords de tes pâles dents d'autres lèvres qui saignent, Suce fiévreusement des seins plus savoureux,

Que d'autres bras plus doux te bercent ou t'étreignent, Tu n'en trouveras pas qui soient plus amoureux!

TABLEAU ANCIEN

D'APRÈS UN PRIMITIF ITALIEN

A Valère Gille.

L'Efféminé divin, pensif, pâle et plus pur
Qu'un lys d'eau balancé sur un étang d'azur,
Tel qu'un fils d'empereur légendaire, traverse
Les cités, qu'éblouit sa beauté vierge, et verse
Sur les femmes, sur les vieillards, sur les enfants,
Baignant leurs yeux soumis dans ses yeux triomphants,
Un fleuve de pardons, d'espoirs et de tendresses;
Et ses mains qu'amollit la langueur des caresses
Angéliques, ses mains maternelles, qui font
Expirer tout orgueil et fléchir chaque front,
D'un geste auguste, plein de baisers et de lèvres,
Chassent de tous les cœurs les démons et les fièvres,
Tandis qu'à ses doigts fins, ignorés du travail,
A ses bras lumineux, cerclés d'or et d'émail,
Et sur son lilial vêtement de soieries

Rêvent les larges yeux sacrés des pierreries.

Ah! si frèle et si femme, il est 'beau jusqu'aux pleurs! Et son souffle, exhalant l'âme exquise des fleurs,

Et sa bouche, où sourit le sang sucré des mûres,
Câlinent lentement de magiques murmures:

<< Heureux les cœurs aimants, car ils seront aimés! « Fleurissez vos labeurs de songes parfumés,

« Cueillez les perce-neige et les roses en flammes,
« Les lèvres des enfants et les lèvres des femmes !
<< Laissez venir à moi les beaux adolescents.
« Qu'importent les péchés? Vous êtes innocents,
<< Puisque votre sourire a cherché mon sourire.
<< Souriez, pardonnez, passez et laissez dire. »

Il parle; et ses doux yeux ensorcellent, ses yeux
D'héliotrope, où meurt le mâle azur des cieux.
Sa fraîche haleine, où traîne un velours de verveines,
Filtre languissamment un philtre dans les veines
Même des Violents, même des Envieux,
Ployés sous ses regards miséricordieux.
Et si les lâches mains de ces jeteurs de pierres
S'efforcent de tirer un pleur de ses paupières,
Il sait que le frisson de sa passive chair
Desséchera leurs os mieux qu'un feu de l'enfer.

Et le voilà qui va par les villes jonchées
De bouquets effeuillés sur des palmes couchées,
D'argent éparpillé, de bijoux écrasés,

D'armures, ô triomphe! et de glaives brisés,
Il va, le calme Éphèbe, à travers les mystiques.
Tourbillons de l'encens et des tendres cantiques,
Lys vierge épanoui dans les rosiers charnels,
Par le royaume en fleurs des baisers éternels.

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