L'ange adolescent du désir Soulève son visage pâle,
Dont la fluide chair d'opale
Meurt sous les lèvres du plaisir.
Ses yeux de soir, d'ombre et de songe, Où luisent des flammes obscures, Ouvrent leurs bleuâtres blessures Que l'éternel mensonge ronge.
Beaux yeux malades d'horizon, Bouche que gonfle un cher poison, Induisez-nous en pâmoison.
Et vous, effeuillez, mains pieuses, Sur nos douleurs mystérieuses La pourpre en deuil des scabieuses.
Prophétique, ô martyre! et si triste! apparue Sur l'angoisse des eaux nocturnes, dans l'angoisse De la sinistre nuit sur l'eau noire, qui poisse Ses plis épais et mous; si triste, insecourue,
Flottant dans ses longs pleurs phosporescents et vagues, Bouche expirante, yeux clos, d'où coule comme un fleuve Une douleur immense, inconsolable et veuve; Tête en songe, là-bas, sur l'oreiller des vagues;
Soulevant ton front vierge et lucide, que baigne Tant d'ombre, ton cher front percé d'un clou qui saigne Ces clous sanglants! les clous cruciaux des calvaires! -
Prédis-tu, dans l'horreur des ténèbres sévères, Qu'un jour je meurtrirai d'un cruel sacrilège L'éternelle candeur de ton rêve de neige?
En vain tes paupières jalouses Voilent tes regards anxieux; Mes yeux pareils à des ventouses Sucent les secrets de tes yeux.
Je vois ainsi qu'une rivière Couler ton sang dans ton cerveau; Et je promène une lumière
En ton cœur comme en un caveau.
J'y vois des richesses étranges, De l'or et des bijoux royaux Ignorés des yeux bleus des anges Gardiens des célestes joyaux.
J'y vois des bontés et des crimes, Des viols, des blessures, des morts, Et sur les bouches des victimes Les doux baisers de tes remords.
O dents qu'enivrent les morsures, O lèvres soûles de péchés, De tortures et de luxures
Et du vin des pardons cachés,
Fleurissez sans inquiétude,
Fleurs du bonheur triste et charnel
Qui parfumez ma solitude,
Car mon silence est éternel,
Et je sais pencher sur les hommes,
Dont les lâches confessions
M'ont appris quels monstres nous sommes,
Mon cœur fait d'absolutions.
Mais moi, faux prêtre et faux prophète, Qui connais le néant des dieux, Et qui porte, hélas ! sur ma tête Vos forfaits et le poids des cieux,
Quand je crierai vers l'azur vide, Quand l'angoisse fendra mon cœur, Quand tombera mon front livide Sur mon sein gonflé de rancœur,
Quel enfant épris de mensonge, Angélique étancheur de fiel, Me tendra, sur ma croix, l'éponge Pleine de vin et d'hydromel?
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