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ne saurait approuver qu'au point de vue scientifique, — inoculé à des sujets sains le fluide, soit de chancres indurés, soit de lésions syphilitiques secondaires. Or, l'inoculation a quelquefois échoué, n'a rien produit au point piqué. Mais lorsqu'elle a produit quelque chose, quand elle a pris, qu'at-elle produit? Toujours, invariablement, un chancre syphilitique, puis, au terme ordinaire, les symptômes constitutionnels; mais jamais, jamais, entendez-vous! - pas une seule fois, un chancre simple! Sur ces vingt-six sujets d'âge, de sexe, de force, de santé si diverses, pris à Paris, à Lyon, à Prague, à Dublin, il ne s'en sera donc pas rencontré un seul pourvu des aptitudes idiosyncrasiques grâce auxquelles le virus, à en croire les unitéistes, ne peut plus engendrer qu'un chancre simple!

Contraste étrange! dans la contagion clinique, à l'hôpital ou en ville, sur trois chancreux on compte deux chancres simples contre un seul chancre infectant. Et dans ces vingtsix expérimentations, pas un chancre simple n'a été observé! A quoi tient cette bizarre anomalie? comment va l'expliquer l'unitéisme?... Oh! vous le comprenez, Messieurs, c'est que, en réalité, il n'y a pas d'autres chancres infectants capables de transmettre un chancre simple, que ceux dont on n'a pu constater la nature. C'est que, comme tous les autres, ce miracle-là s'évanouit dès qu'il est permis d'y regarder de près.

Mais, Messieurs, en présence de différences aussi profondes, est-ce assez d'une épithète pour les désigner, pour les graver dans l'esprit? A deux maladies qui n'ont rien de commun entre elles, est-il logique, est-il prudent de laisser la même dénomination? Je ne le pense pas. Si le néologisme est autorisé, c'est surtout quand il peut aider à une légitime réforme des idées. Continuer à appeler les deux ulcères du nom générique de chancre, c'est volontairement encou

Nomencla

ture.

rager une confusion qui n'a été sans danger ni pour la théorie, ni pour la pratique. D'ailleurs, est-il rien de plus impropre que l'épithète d'infectant, par laquelle on persiste à dénommer la première lésion de la syphilis? Le chancre est si peu la cause de l'infection que l'infection est déjà faite au moment où le chancre apparaît. En fait de chancre infectant, me disait un confrère trop expérimenté, atteint lui-même de syphilis, en fait de chancre infectant, je n'en connais qu'un vraiment digne de ce nom : c'est celui de la femme qui m'a donné le mien!

La différence essentielle entre les deux ulcères étant, pour l'un la constante localisation du mal, pour l'autre sa non moins constante généralisation, c'est ce caractère distinctif, d'ailleurs le plus important en pratique, que la nomenclature doit, avant tout, consacrer. Or l'analogie la plus naturelle, la plus souvent invoquée en syphiligraphie, nous en fournit le moyen. A côté de la variole, qui laisse de son passage dans l'organisme une trace profonde, prouvée par l'impossibilité d'en subir de nouveau l'atteinte, il existe une maladie qui lui ressemble sous quelques rapports extérieurs, la varicelle. Seulement, celle-ci ne détermine dans l'organisme que la réaction fébrile momentanée, effet commun de toutes les phlegmasies simples.

Eh bien! utilisons cette analogie. Laissons le nom de chancre à la lésion primitive de la syphilis (l'ancien chancre infectant); et appelons chancrelle l'ulcère local (l'ancien chancre simple). Cette terminologie a de plus l'avantage de laisser le nom de chancroïde disponible pour désigner une lésion d'ailleurs très-rigoureusement comparable à la varioloïde sous le rapport pathogénique, je veux dire la lésion que l'on voit naître de l'insertion du virus syphilitique sur un sujet qui a eu antérieurement la syphilis.

Veuillez donc en prendre note, Messieurs. Dans le cours

-

de ces leçons j'appellerai toujours chancrelle, ce que jusqu'à présent on a décrit sous les noms de chancre simple, chancre mou, chancre local, ulcère non infectant. Et j'appellerai chancre, sans aucun qualificatif, ce que jusqu'à présent on a décrit sous les noms de chancre infectant, chancre induré, chancre syphilitique.

Étude de la syphilis telle

porte abandonnée à son cours naturel.

2o COMMENT EST LA SYPHILIS?... La question vous paraîtra sans doute naïve, Messieurs, après les trois siècles qu'elle se comet demi d'études qui ont élevé notre spécialité au rang qu'elle occupe aujourd'hui. Je la maintiens, cependant, comme l'une des plus neuves qui méritent de vous inté

resser.

Plusieurs causes ont empêché, empêchent de bien connaître la syphilis.

Elle a d'abord subi le contre-coup des tendances ultra-fusionnistes que je critiquais tout à l'heure. Nos prédécesseurs immédiats, il y a vingt ans, avaient trouvé la syphilis confondue avec deux autres maladies. Ils l'en ont séparée; et ce fut leur gloire. Mais ils la condensèrent pour mieux l'isoler; et il n'en faut accuser que l'éternel penchant de l'esprit humain. C'est le fait de toutes les réactions d'outrepasser le but; c'est le propre de toute nationalité à l'état naissant de s'affirmer une et indivisible. La syphiligraphie est-elle menacée de pareille déviation? Nous pourrions le craindre, à voir l'attitude de quelques ardents dualistes. Oubliant le renom triséculaire de protéïforme, mérité et obtenu par la vérole, ils ont voulu en faire une affection toujours et dans tous les cas identique. « Il n'y a pas de maladie, écrivait l'un d'eux l'an dernier, dont l'individualité soit aussi tranchée. » De peur de laisser détruire le genre, ils refusent d'y admettre des espèces, voire des nuances. Opposant aux distinctions que révèle, qu'impose la pratique,

de subtiles ou magistrales fins de non-recevoir, ils renient leur passé à force de vouloir en sauvegarder les conquêtes; et les mêmes hommes qui se vantent d'avoir promulgué la pluralité des maladies vénériennes, s'étonnent, se formalisent, en sont presque à s'indigner quand on vient leur parler de l'inégalité des véroles!

D'autre part, je vous l'ai déjà dit, depuis bien longtemps on ne connaît la syphilis que telle qu'elle se comporte soumise à l'influence du mercure. Tel est l'engouement irréfléchi des médecins pour ce prétendu spécifique, qu'aucun d'eux n'oserait publier une observation où l'hydrargyre ne figurerait pas. Ce sont même les plus expérimentés qui en donnent le plus et le plus longtemps; de telle sorte qu'un cas de syphilis abandonnée du commencement à la fin à sa marche naturelle, et suivie dans cette évolution par un spécialiste compétent, est non-seulement une rareté, mais un fait inouï, à une époque où l'on se flatte cependant d'avoir porté la syphiligraphie au terme le plus rapproché de sa perfection.

Ces causes, naturellement, ont produit leur effet; et voici, Messieurs, ce que vous êtes habitués à croire, ce que vous entendrez chaque jour professer, comme articles de foi, dans les chaires les plus autorisées, classiques ou semiclassiques :

A. « La syphilis, vous dit-on (la syphilis acquise, bien entendu), commence par une lésion primitive toujours identique.

B. « A part les variations résultant des influences thérapeutiques, l'évolution de la syphilis, généralement, est la même dans tous les cas.

C. « L'emploi des spécifiques, du mercure, est rigoureusement indiqué chez tous les syphilitiques.

D. « Lorsque ce traitement est convenablement ordonné,

régulièrement suivi, il opère la guérison en quelques mois (de trois à six).

E. « Les récidives qu'on observe quelquefois résultent d'une faute commise, soit dans la direction, soit dans l'exécution du traitement.

F. «Non traitée, la syphilis s'aggrave et passe à l'état tertiaire. >>

Moi, tout au contraire, en face de celles-ci, j'énonce les six propositions suivantes :

A. La syphilis commence, il est vrai, par une lésion primitive (lésion apparaissant au point par où le virus a pénétré); mais cette lésion offre, selon les cas, une grande diversité dans sa marche et dans ses caractères objectifs.

B. L'évolution et surtout l'intensité ainsi que la durée de la syphilis sont extrêmement variables.

C. L'emploi des spécifiques, du mercure, n'est pas nécessaire chez tous les syphilitiques.

D. Le traitement spécifique le plus hâtif, le plus régulier, le plus complet, le mieux toléré, ne peut répondre d'opérer, en quelque espace de temps que ce soit, la cure radicale.

E. Les récidives sont, non pas un accident, un contretemps, qui suppose un tort du médecin ou du malade, mais bien un effet ordinaire, prévu, à peu près constant, de la marche régulière de la maladie.

F. Non traitée par les spécifiques, la syphilis, dans la majorité des cas, guérit; et elle ne passe à l'état tertiaire que dans des circonstances et sous l'empire de causes déterminées.

Telles sont mes convictions, Messieurs; tel est, chez moi, l'inébranlable résultat d'une pratique de vingt ans. Mais quand je vous expose sans détours ce qui est, au lieu de ce qu'on vous enseigne, quand je dévoile sous vos yeux l'in

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