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ils paraissaient occupés à des affaires de peu d'importance, et qui s'expédiaient sans débat. Cette chambre (the House of Commons) m'a paru avoir 40 pieds de large sur 60 pieds de long. La tribune où j'étais est élevée de 15 à 18 pieds; elle occupe un des bouts de la chambre en face des fenêtres, à travers lesquelles on voit la rivière et quelques arbres. Une longue tribune ou galerie, plus étroite que celle du public, et supportée par des piliers de fer, règne de chaque côté; elle est occupée par des membres, lorsque la chambre se trouve trop pleine, ou bien lorsqu'ils sont disposés à faire un somme, ce qui se pratique à la face du public avec une hardiesse inconcevable. L'honorable membre arrange les coussins, se fait un oreiller, puis se couche tout de son long, et ronfle à son aise et tout aussi long-temps qu'il lui plaît, sans s'inquiéter des débats. Le siége du président (Speaker), qui ne parle que sur les points de formes relatifs à la conduite des débats, et au maintien de l'ordre et des priviléges de l'assemblée, fait face à la tribune, et a les fenêtres derrière, ou plutôt au-dessus de lui. Tout autour de la chambre règnent cinq rangs de bancs en amphithéâtre, couverts de coussins de maroquin vert. Les murs sont lambrissés d'un bois brun; un grand lustre est suspendu dans le mi lieu, et trois chandeliers de chaque côté audessus des galeries. Devant le Speaker, est une grande table, couverte de livres et de papiers, à laquelle sont assis deux personnages, clercs ou

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secrétaires, en robes noires et en perruques poudrées à blanc, ce qui est aussi le costume du président; tout le reste de l'assemblée est habillé comme il lui plaît. La masse repose à l'extrémité de la table, quelquefois dessus, quelquefois dessous, suivant que le président préside ou non. A la droite du président, sont les bancs ministériels ; à la gauche, ceux de l'opposition; c'est-àdire, que les membres prennent ordinairement ces places, mais l'ordre n'est point obligatoire. Voici l'esquisse d'une vue générale de la salle, prisc de la tribune publique où j'étais. *

Je vis bientôt un membre, grand, mince, et d'un extérieur assez distingué, se lever, et annoncer une motion qu'il se propose de faire la

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semaine prochaine, relativement à un grand abus d'autorité commis par le capitaine d'un vaisseau de guerre contre un de ses matelots. Il ne dit que quelques mots. C'étoit sir Francis Burdett, personnage très-connu dans ce moment.

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L'affaire de Walcheren est venue ensuite à être discutée, par le général T** contre, et par le général C** et M. R** pour le ministère; tous ont discouru fort au long, et, à ce qu'il m'a paru, bien pesamment; puis quelques jeunes membres sont descendus dans l'arène (si on peut dire descendre, puisqu'ils ne sortent pas de leurs places), lord T., lord G. G., M. F**; ce dernier a parlé avec une grande véhémence en faveur des ministres; tous trois avec une sorte d'éloquence de collége, assez bien pour s'exercer, mais certainement en pure perte, quant à persuader ou à changer l'opinion de qui que ce soit. Après ces jeunes orateurs, un vétéran s'est levé, vieux, édenté, parlant comme un juif, de mauvaise grâce, négligemment, sans apparence d'art ni de méthode, mais ardemment, avec beaucoup d'esprit, et de cet air de persuasion intime et forte, qui est inséparable de la véritable éloquence. Avancé de quelques pas vers la table, il a accompagné son discours de gestes animés un peu à la française, ou au moins très-différens de la manière anglaise, qui est simple et tranquille M. Grattan est Irlandais. Tout cela a duré jusqu'à environ onze heures. Las, fatigué et les jambes engourdies par l'attitude contrainte

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dans laquelle il faut rester, car on ne peut se tenir debout un instant, ni remuer que pour sortir, j'ai abandonné la partie, et descendant l'escalier, je me suis retiré chez moi, traversant l'immensité sombre et solitaire de cette salle gigantesque de Westminster, qui a 275 pieds de long et 74 de large, et qui, éclairée à cette heure par deux ou trois lampes dont les faibles rayons percent à peine l'obscurité, ressemble à l'antichambre des enfers. C'est dans le fait l'antichambre des cours de justice, dont les portes sont distribuées tout à l'entour, ainsi que l'antichambre du Parlement. C'est là que les grands procès criminels par impeachment sont plaidés et jugés; c'est là que la sentence régicide fut prononcée contre Charles Ier, et c'est aussi là que Richard II donnait un dîner à dix mille convives, qui sont morts depuis quatre cents ans !

Ce matin j'apprends que M. Can** et M. Whit** ont parlé après que je me suis retiré, la Chambre des Communes ayant siégé jusqu'à deux heures du matin. Je regrette beaucoup de n'avoir pas entendu ces deux orateurs, quoique le sujet (Walcheren) soit à présent tout-à-fait rebattu et usé. Je ferai un autre effort pour tâcher de les entendre. Le sacrifice est grand, deux ou trois heures debout sur un escalier, puis monter à l'assaut par une brèche étroite et escarpée; enfin pour se refaire, rester immobile et pressé sur un banc huit à dix heures pour n'avoir peutêtre à entendre que des écoliers, et sur le point

d'atteindre l'objet de tant de souffrances et de patience, être mis dehors comme des chiens at premier mot d'un des membres, qui peut demander au président l'ordre de vider la galerie, sans donner aucune raison. M. Windham, qui s'est fait une mauvaise affaire à ce sujet avec le public, et avec les rapporteurs, est un de ceux que je désire le plus d'entendre, d'autant plus que l'on ne peut plus que l'entendre, les rappor teurs s'étant ligués entre eux pour ne plus rapporter ses discours.

Il est juste

Qu'on soit puni par où l'on a péché.

Et ce n'est pas une punition insignifiante pour M. W, qui se plaisait autant que personne à voir ses discours rapportés correctement, et qui s'est plus d'une fois donné la peine de reviser le rapport avant son impression. M. Windham est à peu près le dernier vivant d'une certaine classe d'hommes d'état qui ont illustré le sénat anglais pendant ce règne. Fox, Burke et Pitt furent des hommes de talens et de caractères totalement différens les uns des autres, et M. W-, l'un des grands luminaires de cette constellation brillante, est presque également différent de chacun d'eux. Ils se ressemblèrent en ceci, que la plupart commencèrent leur carrière dans l'opposition, et furent plus ou moins réformateurs; deux d'entre eux aspirèrent à donner une base représentative, plus pure et plus populaire au Parlement, avant d'arriver au pouvoir aucun d'eux, ce

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