Ausus quin etiam voces jactare per umbram, Obstupui, steteruntque comæ, et vox faucibus hæsit. Tum sic adfari, et curas his demere dictis: " Quid tantum insano juvat indulgere dolori, O dulcis conjux? non hæc sine numine divum Longa tibi exsilia, et vastum maris æquor arandum; Sed me magna deum genetrix his detinet oris (49). Autour de cet amas de dépouilles captives Se pressent les enfants et les mères plaintives : que, plein d'amour, d'horreur et de pitié, Je vole sur les pas de ma chère moitié, Un spectre s'offre à moi : quelle surprise extrême! Plus grande que jamais ne la virent mes yeux. A l'aspect du fantôme envoyé par les dieux, Je frémis, ma voix meurt, et mes cheveux se dressent; Mais l'ombre calme ainsi les douleurs qui m'oppressent: « Pourquoi t'abandonner à de si vains regrets? C'en est fait, du destin la volonté jalouse Jamque vale, et nati serva communis amorem. » Si sa mère t'aima, qu'il te soit toujours cher. Le jour naît: je retourne à ma troupe fidéle, Qu'avoit encor grossie une foule nouvelle, Femmes, enfants, vieillards, restes infortunés, Chargés de leurs débris, à l'exil condamnés; Aux plus lointains climats, sur les plaines de l'onde, Prêts à suivre en tous lieux ma course vagabonde. Déja l'Ida s'éclaire, et de l'astre du jour L'étoile du matin annonce le retour; Les Grecs de toutes parts ont investi les portes. « C'en est fait, m'écriai-je : ô destin! tu l'emportes. Je " pars, reprends mon père, et, guidé par les dieux, Transporte sur l'Ida ce fardeau précieux. NOTES DU LIVRE DEUXIÈME. Ce second livre est généralement regardé comme le plus beau de l'Énéide. Le sujet n'en pouvoit être ni plus majestueux, ni plus touchant: c'est la dernière catastrophe d'un des plus grands empires de l'Asie; ce sont les derniers moments du meilleur et du plus puissant des rois; c'est pendant la nuit que se passent ces épouvantables scènes. Les autres livres de l'Énéide ne sont que la suite de l'histoire lamentable des Troyens; celui-ci en présente le moment le plus intéressant. Achille, Hector, ne sont plus; mais Pyrrhus remplace Achille, Hector revit dans Énée. C'est le courage et la piété tour-à-tour, l'impétuosité de la rage guerrière, et le courage du désespoir; tantôt l'adresse des pièges militaires; les Grecs et les Troyens se méconnoissant dans l'ombre, et combattant contre leur propre parti. Là, c'est le siège d'une vaste tour, que les assiégés font écrouler et précipitent à grand bruit sur les assaillants écrasés par sa chute; ailleurs, on attaque l'antique palais des rois. Aux peintures du carnage qui entasse les mourants et les morts dans les places publiques succède le tableau lamentable des palais livrés à la furie des vainqueurs; dans ces sanctuaires augustes d'infortune et de douleur, pères, mères, enfants, vieillards se pressent ensemble autour du même autel. Le dernier fils du roi, tombant sous le fer de Pyrrhus, souille de son sang les cheveux blancs de son malheureux père. Ce père lui-même, armant pour venger son fils ses mains glacées par l'âge, mêle son sang à celui de cet enfant, au pied même de l'autel consacré par ses mains. Enfin, Énée |