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tinct, l'homme a cherché le plaisir en dehors de la loi naturelle, et malheureusement il ne l'a que trop souvent trouvé: l'onanisme, la sodomie, la pédérastie, la tribadie chez les femmes, sont des infamies qui se perpétuent à travers les civilisations, et qui soustraient celui qui s'y abandonne à l'excitabilité normale du coït. Tout le monde connait la répugnance du masturbateur pour tout ce qui n'est pas son plaisir solitaire, la répulsion du pédéraste pour la femme et de la tribade pour l'homme, et les préférences antinaturelles du vice honteux dont la mémoire poursuit et Gomorrhe et Sodome.

Je ne veux point insister sur ces tableaux qu'un voile épais doit toujours cacher: mais je dois signaler ces vices comme les causes les plus ordinaires de l'impuissance par perversion morale.

Parmi les exemples qu'il me serait facile de trouver soit dans mes notes, soit dans les annales de la corruption de tous les peuples, je me contenterai de rapporter le suivant, parce que d'un côté il ne contient aucun détail odieux, et que de l'autre il renferme un enseignement thérapeutique qu'il est bon de placer sous les yeux du lecteur.

«Un jeune homme, dit Alibert, élevé dans une pension, contracta dans son enfance l'habitude de l'onanisme. Le livre que Tissot a écrit sur ce sujet ayant été mis entre ses mains l'effraya sans le corriger entièrement. Cette lecture le porta néanmoins à plus de modération, et il ne se livra à la triste volupté de la masturbation qu'à de longs intervalles et lorsqu'il y était excité par des désirs très-violents. Cette attention fit que son tempérament n'en fut point du tout altéré; il demeura robuste, et ses facultés morales conservèrent toute leur énergie. Mais l'affreuse habitude qu'il avait contractée empêcha de se développer en lui le moindre germe du penchant qui attire un sexe vers l'autre. Il était parvenu à trente ans, et ses sens n'avaient jamais été émus par la vue

d'une femme; ils n'étaient vivement provoqués que par de vaines images ou des fantômes que lui créait son imagination déréglée. Il avait de bonne heure étudié le dessin, et il s'en était toujours occupé avec ardeur. La beauté des formes de l'homme, dans ce beau idéal des peintres, que la nature n'a jamais réalisé, le frappa et finit par lui inspirer une émotion extraordinaire, une passion vague et bizarre, dont il disait lui-même ne pouvoir se rendre compte et sur laquelle il répugnait à s'appesantir: il est nécessaire, néanmoins, d'avertir que cette passion n'avait aucun rapport avec les goûts des sodomistes, et qu'elle ne pouvait être provoquée par l'aspect d'aucun homme vivant. Telle était la situation aussi étrange qu'accablante dans laquelle se trouvait cet individu, lorsqu'il réclama mes conseils. Il n'offrait alors, je le répète, à l'extérieur aucun symptôme physique d'impuissance. Il était sain et bien constitué, et n'avait point été, à cet égard, maltraité par la nature; mais il avait tellement interverti l'usage de ses dons, qu'il ne connaissait plus les moyens de les ramener à leur véritable but. Le malade, d'ailleurs, connaissait et sentait vivement son état : « Il n'est aucun effort, m'écrivait-il, » que je ne fusse prêt à faire pour sortir de mon ignominieuse › situation, pour arracher de ma pensée les infâmes images

qui viennent l'assaillir malgré moi; elles m'ont privé jus» qu'ici des jouissances légitimes que procure l'union des >> deux sexes, et de la faculté dont jouissent les plus vils ani› maux, de reproduire leur espèce. Je me meurs de chagrin >> et de honte. »

< Pour ce qui me concerne, poursuit Alibert, je ne vis dans cette maladie qu'une perversion de l'appétit vénérien, et je pensai que l'indication la plus urgente était de replacer dans son vrai type la nature dérayée. En effet, l'individu était trèsrobuste à l'époque où il me consultait. Depuis longtemps il ne s'était livré qu'avec une extrême réserve aux plaisirs solitaires,

ROUBAUD.

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surtout depuis la lecture de l'Onanisme de Tissot; d'ailleurs, comme je l'ai dit, la beauté des formes idéales de l'homme excitait en lui des sensations voluptueuses à l'approche desquelles les organes de la génération s'érigeaient et éjaculaient, ce qui devait faire présumer un état réel d'énergie dans les forces radicales de son économie. Il n'y avait donc ni destruction, ni altération essentielle dans la sensibilité physique, mais plutôt fausse direction de cette faculté de l'organisme : voici en conséquence le traitement que je proposai. J'ai déjà dit que l'individu dont il s'agit aimait passionnément le dessin, et qu'il s'appliquait à ce genre d'occupation avec cette ardeur dévorante qui distingue les grands peintres et qui est le plus sûr garant du succès; j'exigeai de lui qu'il fit une étude approfondie des formes du sexe féminin pour les reproduire par son talent. Il lui en coûta sans doute pour rompre la chaîne de ses habitudes, et de renoncer à l'Apollon du Belvéder pour la Vénus de Médicis. Mais peu à peu la nature, plus forte que tous les penchants factices, reprit ses droits. Dès qu'il fut parvenu à préférer des bras faibles, mais gracieux, à des bras musculeux et redoutables, dès qu'il se plut à contempler l'élégance des formes et la mollesse des contours, alors sa guérison commença à s'opérer. Après s'être fait un modèle imaginaire, il le chercha dans le monde physique. Il fallut du temps, de la persévérance; mais il se rétablit entièrement (1). »

L'exemple que je viens de rapporter, d'après Alibert, est sans contredit un des plus remarquables que je connaisse en ce genre; il me dispense de tout développement et prouve que le traitement de l'impuissance par perversion du concessus intime doit être surtout un traitement moral, car, je le répète,

(1) Alibert, Nouveaux éléments de thérapeutique et de matière médicale, 2e édit., t. II, p. 556 et suiv.

l'excitabilité physique n'est jamais malade dans ce cas, ou du moins elle n'est pervertie que secondairement à la perversion de l'excitabilité morale.

En dehors des aberrations sensuelles qu'amène la perversion de cette excitabilité chez le masturbateur, le sodomiste, le pédéraste, etc., il est d'autres circonstances qui peuvent détourner momentanément et incomplétement le consensus du but qu'il doit poursuivre; ici l'érection n'est pas entièrement rebelle à ses excitants naturels: mais tantôt, après s'être produite plus ou moins parfaitement, elle tombe à la porte même du sanctuaire féminin, après quelques instants à peine de durée; tantôt au contraire, elle se soutient assez longtemps dans le vagin même, et disparaît, comme chez ces présomptueux qui veulent montrer coup sur coup une valeur qu'ils n'ont pas, au moment même où ils croient toucher au but; dans tous les cas l'éjaculation n'a pas lieu et l'homme est frustré du plaisir qu'il se promettait. Un malade à qui j'ai donné des soins, pour ne pas perdre le fruit de son érection et peut-être plus encore pour sauver son honneur, m'a avoué que, sous prétexte d'attouchements préparatoires au coït, il se faisait masturber par sa maîtresse, et obtenait ainsi une éjaculation impossible pendant l'accouplement, et qui le dispensait honorablement d'un acte qu'il se sentait inhabile à accomplir.

D'autres fois un coït commencé dans toutes les conditions physiologiques ne peut se terminer que par un effort de l'imagination qui, se détournant de son but, va chercher un supplément d'excitation dans le spectacle de formes imaginaires ou dans le souvenir de pratiques honteuses.

Presque toujours la cause de cette perversion incomplète se trouve dans l'usage plus ou moins répété de certains moyens préparatoires au coït et inventés par un raffinement de débauche. Tandis que les manœuvres du masturbateur, du pédéraste

et du sodomiste amènent une perversion complète, parce que le but est en dehors des lois de la nature, les circonstances auxquelles je ne puis faire qu'allusion n'entraînent qu'une perversion incomplète, parce qu'elles ne sont, pour ainsi dire, que l'exagération des excitants naturels, et que le but définitif est toujours le coït, malgré cette exagération, malgré le raffinement et quelquefois même malgré la folie des moyens que suggèrent la lubricité et la débauche.

Mais pour n'être qu'incomplète, la perversion sensuelle du débauché n'en est pas moins difficile à surmonter que la perversion complète du masturbateur, du pédéraste et du sodomiste. Il faut avant toutes choses et presque exclusivement arracher les uns et les autres à leurs vices odieux et les faire rentrer dans la règle commune, car, dans toutes ces circonstances, l'impuissance, c'est-à-dire l'impossibilité du coït physiologique, a sa source, non dans une incapacité physique, mais dans une aberration de l'excitabilité morale.

Les éléments de la thérapeutique se trouveront donc dans les considérations de l'ordre le plus élevé; et le médecin sera bien souvent obligé de faire appel, selon l'occurrence, aux croyances religieuses, aux idées de morale, aux sentiments d'honneur et de famille, en un mot aux facultés morales, intellectuelles et affectives de son malade.

Quelquefois, comme chez le masturbateur et le débauché, il faut recourir à l'intimidation et étaler les maux et la honte qui sûrement attendent ceux qui transgressent les lois de la

nature.

Enfin il est quelquefois nécessaire de faire quitter au malade le milieu dans lequel il trouve les excitants de sa sensualité pervertie, et dans ce cas il faut ordonner des voyages, le séjour à la campagne, et en même temps des occupations qui fatiguent le corps et distraient l'imagination.

Mais, je le répète, un bon résultat n'est obtenu qu'au prix

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