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condition de ne les amener que lentement et pour ainsi dire à la longue.

Cette dernière circonstance distingue l'intoxication de l'empoisonnement. Celui-ci, en effet, est caractérisé par la rapidité de l'action de l'agent morbide, et, lorsqu'il n'entraîne pas promptement la mort, il laisse quelquefois après lui des altérations dont j'aurai à m'occuper de quelques-unes, alors que j'examinerai l'impuissance consécutive.

En cette place, mon attention ne doit être acquise qu'à l'impuissance-symptôme.

A l'occasion du mot virus, que j'ai écrit plus haut, je n'entrerai pas dans une discussion stérile ici, sur l'existence, la nature, les propriétés, etc., des virus je prends, je le répète, le mot intoxication dans son acception la plus large, soit que l'agent morbide tombe sous nos sens, comme l'arsenic, le plomb, etc., soit qu'il déjoue toute analyse, comme le virus syphilitique; soit qu'il pénètre dans l'économie par la respiration, par les premières ou les secondes voies, etc.

1o Intoxication syphilitique.

L'action que le virus syphilitique exerce sur la fonction génitale, tantôt est limitée aux organes génitaux, et tantôt ne retentit sur eux qu'après avoir pénétré l'organisme tout entier.

Il ne peut être ici question de l'action purement locale qui m'occupera dans l'un des paragraphes suivants, et je ne dois m'arrêter, en cette place, qu'à l'imprégnation générale de l'économie.

L'intoxication syphilitique se manifeste sous des formes diverses dont la majeure partie a une importance à peu près nulle au point de vue qui m'occupe. Si l'on excepte, en effet,

les exostoses intracrâniennes qui, par la compression qu'elles exercent sur le cerveau, troublent les facultés intellectuelles, amènent des paralysies soit générales, soit partielles, et, par suite, l'impuissance; si l'on excepte encore, avec les accidents limités aux organes génitaux et dont j'ai remis à plus loin l'examen, la chlorose, dont parle M. Ricord, et la cachexie, dont je vais m'occuper, nous n'avons que faire de tous les accidents secondaires et tertiaires, adoptés par les syphiliographes.

Les faits de cachexie syphilitique ne sont pas rares, mais il en est bien peu qui attaquent profondément la fonction copulatrice; quelquefois, il est vrai, le malade perd ses propriétés fécondantes, mais le sens génital est respecté dans ses désirs et dans son énergie.

Cependant il est des cas où la faculté copulatrice participe elle-même à l'altération générale, et je ne sais pas, sous ce rapport, d'exemple plus frappant que celui que M. Bourguignon, alors interne des hôpitaux, communiqua à l'Académie de médecine, le 12 juillet 1842.

Cette observation, excessivement curieuse, mérite de trouver place ici; qu'on me permette de la transcrire en entier et dans toute son intégrité :

» Le nommé Prince (Charles), âgé de trente ans, est couché à l'hôpital des vénériens, dans la salle 8, lit 4, service de M. Puche.

» A vingt ans, en 1830, après trois jours d'un coït suspect, douleurs dans le canal de l'urèthre, plus vives dans l'excrétion des urines. Quatre jours après l'apparition de ces douleurs, une ulcération se montre au méat urinaire, et plusieurs autres, quelques jours après, à la base du gland. - Entrée à l'hôpital des vénériens. Traitement injections d'un liquide caustique dans le canal de l'urèthre, suivies d'un bain de siége pendant quinze jours, jusqu'à cessation des douleurs; charpie sèche sur les ulcères; frictions mercurielles sur la

partie interne des cuisses pendant vingt jours; la salivation les fait supprimer; cicatrisation et sortie de l'hôpital après deux mois de séjour.

» En 1832, uréthrite (Prince est entré au service, il va au Val-de-Grâce) : traitement émollient, puis antiblennorrhagique. Guérison.

> En 1833, ulcère de l'impasse du prépuce. Traitement onguent mercuriel, bains locaux avec solution d'acétate de plomb. Guérison en quatre jours; mais une marche forcée amène une adénite volumineuse. - Entrée à l'hôpital. Traitement: ponction du bubon; liqueur de Wan-Swieten à la dose d'une cuillerée à bouche pendant ving-quatre heures, jusqu'à salivation; frictions mercurielles sur les cuisses quelques jours après. Guérison. Durée du traitement soixante-trois jours.

» A la fin de 1833, mal à la gorge. Traitement : gargarismes acidulés, tisane de Feltz, cautérisation de la gorge avec un pinceau trempé dans un acide. Guérison après trois semaines de traitement.

» En 1835, après deux ans d'une santé parfaite (Prince est en garnison à Alger), nouvelle infection; les ulcères siégent sur le corps du gland. Le malade les conserve trois semaines sans songer à les guérir. - Entrée à l'hôpital. Traitement: bains locaux, charpie avec onguent mercuriel; prompte cicatrisation des ulcères. Mais pendant le traitement, éruption de boutons sur le cuir chevelu; des croûtes leur succèdent. Huit jours de frictions mercurielles, après avoir au préalable rasé la tête, en font justice.

» En 1836, réapparition de l'éruption pustuleuse; d'abord bornée à la tête, elle gagne bientôt le tronc et les membres. — Entrée à l'hôpital. Traitement : frictions mercurielles de la tête aux pieds, pendant dix-huit jours; tisane de salsepareille, pilules de 1 à 8 (le malade ne sait pas dire quelle était leur nature et pendant combien de temps il les a prises). — Guérison.

» En 1838, céphalalgie des plus vives, d'une activité extrême la nuit. - Entrée à l'hôpital du Dey. Traitement vésicatoire à la nuque, vésicatoire monstre sur toute la tête; leur effet est nul, et déjà commence pendant ce traitement l'étonnante transformation qui doit s'opérer chez Prince.

» Il était bien développé, vigoureux; sa barbe était noire, longue et bien fournie, et cependant, au bout d'un mois, ses formes athlétiques ont disparu, ses membres sont chétifs et grêles; sa barbe s'en est allée poil à poil; ses favoris, ses moustaches ne laissent plus trace de leur existence. Le principe morbifique porte encore plus profondément son action destructive Prince voit ses organes génitaux menacés d'une atrophie presque complète. Il en est des poils du pubis comme de ceux de la face; ils tombent tous, sans exception. Sa verge, d'une dimension autrefois ordinaire, perd surtout de son volume, et ses bourses jadis grosses et pendantes, sont petites et fortement revenues sur elles-mêmes. Ce travail atrophique dure ainsi plusieurs mois, sans que la céphalalgie perde de son intensité; elle ne cède qu'à l'application d'un moxa derrière l'oreille droite, au sixième mois environ.

Délivré de ses douleurs céphaliques, Prince reprend des forces, et obtient son congé définitif à la fin de 1839; il revient à Paris, où sa santé s'améliore encore. Mais son étrange caractère, sa répulsion pour les plaisirs de son âge, contrastent d'une manière étrange avec ses antécédents. Chacun s'en étonne et le lui fait remarquer; il le voit, il le comprend, veut prendre sur lui de se faire l'homme d'autrefois, et ses efforts ne lui font que mieux sentir son impuissance.

>> Chose étrange! quoique la convalescence et l'embonpoint se maintiennent, l'atrophie des organes génitaux n'en marche pas moins activement. Inquiet sur les suites de cette diminution progressive de ses organes sexuels, Prince se décide à faire l'épreuve de ses moyens, à constater ce qui lui

reste de ses vertus prolifiques. Il se rend dans une maison publique, y rencontre une ancienne connaissance qu'il choisit de préférence, comme il le faisait dans des temps meilleurs. Mais aujourd'hui c'est pour un tout autre motif : il a besoin de sa discrétion, peut-être de sa complaisance. En effet sa nature lui fait complétement défaut; une masturbation prolongée a pu seulement lui procurer une légère sensation voluptueuse sans la moindre éjaculation.

>> Quelques mois se passent ainsi sans apporter de changement à son état; mais au commencement de 1840, une tumeur lacrymale se montre à gauche; de vives douleurs, plus intenses la nuit, se font sentir au niveau des os propres du nez; enfin il rejette, au milieu du mucus nasal, des débris osseux, noirs, infects, sortant par la narine droite. - Tisane de Feltz; guérison. -Durée du séjour à l'hôpital: deux mois.

» En octobre, même année 1840, la céphalalgie reparaît plus intense qu'elle n'a jamais été; la tumeur lacrymale se montre de nouveau; des exostoses se sont développées sur le front à droite et à gauche, ainsi que sur les os propres du nez, et sont le siége de douleurs lancinantes. Entrée du malade à l'hôpital; traitement : sangsues sur la tumeur lacrymale, tisane sudorifique, iodure de potassium (110 gr. dans l'espace de six semaines). Le malade sort notablement soulagé de ses douleurs; les exostoses se sont affaissées.

» En 1841, après dix mois d'une santé passable, les exostoses déjà existantes reviennent à leur premier volume; elles sont aussi douloureuses qu'autrefois. Entrée à l'hôpital. Au dire du malade, Cullerier aurait fait remarquer aux élèves un ramollissement du frontal; les doigts, en comprimant le front au niveau des exostoses, faisaient céder la table externe. Traitement frictions d'onguent mercuriel sur le front, pilules de Vallet. Les accidents sont palliés pour huit mois, et c'est le 26 janvier 1842 qu'il entre à l'hôpital des Vénériens pour la

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