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CHAPITRE III

RAPPORTS DE LA FONCTION GÉNÉRATRICE AVEC LES AUTRES
FONCTIONS DE L'ORGANISME.

L'homme n'est appelé à reproduire son semblable que lorsque toutes les fonctions de l'organisme s'exécutent avec une énergie suffisante; la fonction génératrice est la dernière à entrer en exercice et la première à disparaître de la scène de la vie, parce que la nature a voulu que le produit de cette fonction portât l'empreinte de la vitalité la plus forte, et que la grande et sublime mission de la perpétuation de l'espèce s'accomplit au milieu des conditions les plus favorables de

toutes sortes.

Avant la mise en jeu des organes génitaux, l'homme, pour ne parler ici que de lui, n'a qu'une vie individuelle, ne participe au monde extérieur que pour la satisfaction de ses besoins personnels, et, par cet égoisme d'un instant, il s'ouvre la voie de l'existence dont le but unique, aux yeux de la nature, est la production d'un être nouveau et semblable à lui. Avant, a puberté, l'homme, si je puis ainsi dire, n'est pas une réalité, ce n'est qu'une espérance; il n'est rien dans le passé, il est peu dans le présent, il est tout dans l'avenir. Confondus sous a dénomination commune d'enfants, les deux sexes se ressemblent au physique et au moral; mais à mesure qu'ils avancent vers l'époque où chacun d'eux aura à remplir une fonction spéciale, les formes extérieures se modifient, la vie végétative semble ne plus obéir au même courant, et des tendances différentes dirigent leurs jeunes esprits; ces divergences se prononcent de plus en plus tous les jours, et lorsque la fonc

tion génératrice apparaît, ces dissemblances se montrent plus prononcées et plus caractéristiques chez la jeune fille, une hémorrhagie périodique se produit; les seins se développent, leurs mamelons deviennent plus larges et plus gros; l'auréole, qui était rosée chez les blondes et jaunâtre chez les brunes, devient, dans le premier cas, d'un rouge sale, et dans le second, d'un brun plus foncé; le mont de Vénus acquiert plus d'élévation et de largeur; les poils qui le garnissent deviennent plus roides, plus frisés et plus foncés en couleur; chez l'homme, les formes perdent leurs contours et deviennent anguleuses; la barbe croît à la figure, et des poils se montrent à la poitrine, aux aisselles et sur les membres; la voix devient grave, la marche plus assurée, et la raison tempère la fougue de l'imagination.

Et la preuve que tous ces changements sont dus à l'éveil de la fonction génératrice, c'est que, chez les castrats, le système adipeux l'emporte sur le système musculaire, et conserve aux formes extérieures ces contours moelleux qui sont l'apanage de la femme; leur figure ne se garnit pas de barbe, et les poils manquent aussi ou sont rares et mal plantés aux autres parties du corps; chez la femme stérile, au contraire, par atrophie ou absence congénitale des ovaires, des poils naissent sur la lèvre supérieure et au menton, et ses habitudes. extérieures ont tellement perdu le cachet du sexe féminin, qu'elles lui ont valu chez les anciens le nom de virago, et chez nous celui d'hommasse.

Des changements analogues, mais en sens contraire, ont également lieu lorsque la fonction génératrice est éteinte. Chez les deux sexes, les formes gracieuses qui les distinguaient s'effacent peu à peu sous des rides nombreuses; les cheveux et les poils accusent l'affaiblissement des forces vitales par leur chute ou leur changement de couleur; les fonctions digestives, plus languissantes, ralentissent la circulation et diminuent,

par conséquent, la caloricité (1); l'intelligence s'affaiblità son tour, et quand la décrépitude est assez avancée, et quand sont éteints tous les signes distinctifs de l'un et l'autre sexe, l'homme et la femme tombent en enfance, selon l'heureuse expression populaire, c'est-à-dire dans cet état amorphe où les deux sexes se confondent dans un mutuel oubli de leurs attributs.

Malgré ce tableau ébauché à grands traits, on doit comprendre le rôle important que joue la fonction génératrice dans l'histoire de l'homme une fonction qui tient ainsi sous sa dépendance l'accroissement et le dépérissement de l'organisme doit avoir avec toutes les autres fonctions des rapports intimes qui établissent entre elles des influences réciproques. Ce sont ces rapports que je me propose d'examiner dans ce chapitre.

Je les étudierai d'abord au point de vue des fonctions de la vie organique, comme aurait dit Bichat, ou de la vie plastique, comme dit Burdach; et je terminerai par l'examen des relations de la fonction génératrice avec les fonctions de la vie animale.

§ I. Rapports avec la vie organique.

A. Nutrition. « La nutrition et la génération, dit Burdach, sont des directions opposées de la vie. Cependant il y a sympathie entre elles. Une nutrition abondante et une bonne digestion sont des circonstances favorables à la procréation, car la formation de l'individualité est la condition nécessaire de toute formation dirigée dans les intérêts de l'espèce. Le défaut de nutrition commence par suspendre la sécrétion du sperme et éteindre les désirs; puis les testicules commencent par se flétrir. La fécondité dépend aussi de la nutrition, car

(1) Voy. Reveillé-Parise, Traité de la vieillesse, hygiénique, mora! et philosophique. Paris, 1853, p. 52.

elle est plus grande quand la nourriture abonde ou chez les animaux qui trouvent facilement à se nourrir, ceux par exemple qui habitent la mer (1). »

Il ne faut pas ici confondre la nutrition avec un résultat quelquefois exagéré de cette fonction, le développement trop considérable du tissu graisseux, car leur influence sur la fonction génératrice est complétement opposée.

Cette réserve admise, doit-on accepter comme expression de la vérité les paroles de Burdach? Je ne le pense pas. Sans chercher mes exemples dans les hautes classes de la société, où le luxe, la paresse et mille autres causes d'innervation peuvent masquer l'action de la nutrition, je citerai la fécondité proverbiale des paysans et du peuple, qui ont une nourriture souvent insuffisante et quelquefois malsaine. L'Irlande, les contrées les plus pauvres de l'Allemagne et de la Russie fournissent toutes les années, sans s'amoindrir et s'éteindre, des contingents considérables à l'émigration.

Cette influence d'une nutrition trop abondante sur la fonction reproductrice n'est pas spéciale à l'espèce humaine; elle se retrouve dans l'histoire de tous les êtres organisés, et l'industrie l'a su mettre à profit pour multiplier outre mesure certaines espèces dont elle tire parti : « Les étangs de la Sologne, dit le docteur Alex. Mayer, sont si favorables à la croissance des carpes, que la rapidité du développement de leur taille LUXE les rend tout à fait infécondes, et qu'ils sont obligés, eux propriétaires, pour conserver de la graine de leur poisson, d'avoir des carpières de misère, où ils tiennent les carpes exclusivement destinées à la reproduction. Ces carpières spéciales à la reproduction sont d'étroites pièces d'eau où les carpes femelles sont entassées par myriades, sont les

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(1) Burdach, Traité de physiologie, trad. par Jourdan. Paris, 1837, t. V, p 11.

unes sur les autres, meurent de faim, en un mot. Ne pouvant profiter, ces carpes pondent; et ces pondeuses fécondes ont été baptisées en Sologne du nom significatif de peinards (1) »

Cependant, que l'on n'exagère pas ma pensée : je suis loin de prétendre que des privations prolongées, que des carpières de misère, pour me servir de l'expression des habitants de la Sologne, sont des conditions heureuses, sinon les plus favorables à la reproduction; non, telle n'est pas ma manière de voir; mais je suis convaincu qu'une nourriture frugale, gro-sière même, mais suffisante, est infiniment préférable, pour le but à atteindre, que ces raffinements culinaires inventés par les palais blasés, et que ces excès de table dont toute civilisation avancée donne le triste spectacle. On a depuis longtemps fait la remarque que Rome eût péri avant la fin de la République, si les étrangers n'eussent continuellement comblé les vides que son intempérance creusait sans cesse. Mais il ne suffit pas, pour que la faculté procréatrice atteigne sa plus haute énergie, que la nourriture réunisse les conditions que je viens d'énumérer; il faut encore que les fonctions digestives s'accomplissent dans leur intégrité. Je dirai ailleurs, alors que j'exposerai les causes de l'impuissance, combien les affections de l'estomac et des intestins influent sur l'acte de la copula tion, et je raconterai l'histoire d'un garçon de café, soumis à mon observation, qui, sous l'empire d'un état morbide de l'estomac, était incapable d'entrer en érection, et qui, cet état. s'améliorant, ne pouvait exercer le coït que dans les positions où l'épigastre était soustrait à toute espèce de pression.

De son côté, la génération influe aussi sur la nutrition. L'exercice de cette fonction, quand il est modéré et en rap

(1) Alex. Mayer, Des rapports conjugaux considérés sous le triple point de vue de la population, de la santé et la morale publique, 6o édit. Paris, 1874, p.

223.

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