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temps démenti les faits sur lesquels s'appuient les trois paragraphes de l'Organon que j'ai cru devoir rapporter. Ainsi :

1° S'il est vrai, comme le dit Hahnemann, que les influences morbifiques ne possèdent point d'une manière absolue la faculté d'altérer la santé, et qu'elles ne nous rendent malades qu'autant que notre organisme est suffisamment prédisposé à subir leur atteinte, il n'en est pas moins avéré pour tous les bons observateurs, que lorsque vient à se manifester une épidémie d'une certaine violence, comme le choléra, par exemple, tous les individus qui n'ont pas, soit par le fait de quelque affection préexistante (ordinairement chronique), soit par celui de conditions physiologiques ou de mesures hygiéniques particulières, une raison d'immunité contre la maladie régnante, sont plus ou moins (et à des degrés très variables, il est vrai) affectés par cette dernière.

2° Il est également constant, pour tous les médecins qui se sont livrés d'une manière un peu suivie à l'expérimentation pure des médicaments (à doses infinitésimales), que non seulement ceux-ci n'agissent sur tous les sujets, ni exactement de la même manière, ni surtout avec la même intensité; mais encore qu'il n'est

vation, au moins momentanée, des symptômes? Or, quel praticien n'a vu fréquemment les maladies les plus douloureuses, des névralgies, par exemple, disparaître instantanément, et sans la plus fugitive apparence d'aggravation; sous l'influence d'un médicament bien choisi? Je vais même plus loin je suis convaincu que l'aggravation médicamenteuse n'a lieu que dans les cas seulement où le médicament prescrit n'est qu'imparfaitement homœopathique. Au surplus, je ne m'arrêterai point à combattre plus longuement une théorie que Hahnemann lui-même, plus éclairé par l'expérience, n'a point hésité à désavouer. La méthode substitutive n'est plus aujourd'hui que la propriété de MM. Trousseau et Pidoux, à qui, je le crois volontiers, l'aggravation médicamenteuse ne fait jamais défaut.

pas rare de rencontrer des individus complétement réfractaires, autant du moins qu'on en peut juger, à l'action médicamenteuse (1). D'où nous sommes forcés de conclure que l'influence des médicaments, tout aussi bien que celle des autres causes morbifiques, ne se fait sentir qu'à la condition expresse d'une sorte de réceptivité particulière, en d'autres termes, d'une certaine aptitude à la subir.

Il est donc très contestable, comme on le voit, que l'organisme humain ait, ainsi que le dit Hahnemann, beaucoup plus de propension à se laisser désaccorder par les puissances médicinales que par les influences morbifiques telles que les miasmes contagieux.

Enfin, quant à cette prépondérance d'activité que Hahnemann attribue aux médicaments sur les autres causes morbifiques, elle est assurément de toutes ses assertions en faveur de la doctrine des substitutions, celle qui supporte le moins le double contrôle du raisonnement et de l'expérience. Quoi! de ce que Hahnemann a vu la belladone prévenir l'invasion de la scarlatine, il en conclut que la belladone agit sur l'organisme d'une façon ou plus certaine ou plus énergique que ne le fait le miasme scarlatineux ! « Pour que des médicaments, dit-il, puissent préserver d'une maladie épidémique, il faut que leur puissance de modifier la force vitale soit supérieure à la sienne (2). » Eh! pas le moins du monde. Le médicament et le miasme contagieux sont simplement deux principes qui se neutra

(1) Ce qui n'empêche pas ces individus, lorsqu'ils tombent malades, de devenir sensibles à l'action médicamenteuse, au point d'être guéris par des substances et des doses dont ils n'eussent ressenti, se portant bien, aucun effet appréciable.

(2) Organon, p. 120, en note.

lisent réciproquement; car si la belladone prévient les effets du miasme scarlatineux, celui-ci, de son côté, s'oppose au développement des symptômes propres à la belladone (1), qui ne se manifesteraient que dans le cas seulement où le premier n'aurait pas encore été absorbé. Le vaccin, dont l'inoculation prévient la petite vérole, posséderait-il à plus haut degré que cette dernière la puissance de modifier la force vitale? Personne, j'espère, ne le supposera. Une seule objection suffirait d'ailleurs pour renverser cette hypothèse erronée, car n'est-il pas au su de tout le monde que si le vaccin prévient le développement de la variole, la variole prévient à son tour le développement du vaccin? Ce n'est donc pas dans la supériorité relative de leur puissance dynamique que les agents morbifiques, naturels ou artificiels, puisent leur efficacité contre les maladies semblables à celles qu'ils produiraient en agissant isolément, s'ils ne rencontraient précisément dans l'existence de ces maladies un obstacle insurmontable

au développement de leurs propres effets.

Ainsi donc, conformément à ce que nous avons établi déjà, il n'existe aucune différence essentielle entre le médicament dynamique et le miasme contagieux, et, par conséquent, point de différence essentielle entre la maladie médicamenteuse et la maladie naturelle. Aussi bien est-il reconnu que la nature elle-même s'est plus d'une fois servie d'une des maladies qu'elle engendre

(1) N'est-il pas d'ailleurs évident que l'individu qni avale un médicament, ou à qui on inocule un virus (le vaccin), favorise volontairement l'absorption de l'agent modificateur, tandis qu'il fera généralement tout son possible pour se soustraire à l'infection du miasme épidémique? Dans le temps où la variole était inoculée, il arrivait souvent, surtout dans les campagnes, d'envoyer les enfants au foyer de l'épidémie, sans qu'il fût nécessaire, pour la leur faire contracter, de procéder à l'insertion du virus.

pour détruire une maladie analogue préexistante; de telle sorte que la première est réellement devenue relativement à la seconde une maladie médicamenteuse, c'est-à-dire une de ces infections salutaires dont nos médicaments sont les virus. J'aurai du reste plus d'une fois peut-être l'occasion de revenir sur cette assimilation des maladies médicamenteuses aux maladies naturelles; car elle est une des données fondamentales de la systématisation que j'ai conçue.

C. Similia similibus curantur. -(( Il Ꭹ a eu de temps en temps des médecins, dit Hahnemann, qui ont soupçonné les médicaments de guérir les maladies par la vertu dont ils sont doués de faire naître des symptômes morbides analogues (1). » Soupçonner n'est pas assez dire. La loi des semblables a été nettement formulée : 1° par Hippocrate, ou, si l'on veut, par l'un des auteurs de la collection hippocratique ; 2° par Paracelse; 3° par Stahl (2). Mais bien que l'application de cette loi, la plus générale et la mieux démontrée qui existe en médecine, ait plusieurs fois été couronnée de succès entre

(1) Organon, p. 100.

(2) Hippocrate, après avoir exposé les règles de la thérapeutique des contraires, s'exprime ainsi : « Autre procédé : la maladie est produite par les semblables, et par les semblables, que l'on fait prendre, le patient revient de la maladie à la santé. Ainsi, ce qui produit la strangurie qui n'est pas, enlève la strangurie qui est; la toux, comme la strangurie, est causée et enlevée par les mêmes choses. » (OEuvres d'Hippocrate, traduct. de M. Littré, t. VI, p. 335.) Stahl est plus explicite encore: « La règle admise en médecine, dit-il, de traiter les maladies par des remèdes contraires ou opposés aux effets qu'elles produisent (contraria contrariis), est complétement fausse et absurde. Je suis persuadé, au contraire, que les maladies cèdent aux agents qui déterminent une affection semblable (similia similibus), les brûlures par l'ardeur d'un foyer dont on approche la partie, les congélations par l'application de la neige et de l'eau froide, les inflammations et les contusions par celle des spiritueux. C'est ainsi que j'ai réussi à faire disparaître la disposition aux aigreurs par de très petites

les mains des praticiens de l'ancienne école, elle ne pouvait avoir à leurs yeux qu'une portée excessivement restreinte, attendu que dans l'immense majorité des cas, le peu de notions qu'ils possédaient sur les propriétés physiologiques des médicaments la frappait nécessairement de stérilité. En effet, à l'exception de certaines vertus spécifiques attribuées à tort ou à raison à un petit nombre de substances thérapeutiques dont le mode d'action sur l'économie était absolument inconnu, tout ce qu'on savait des médicaments, c'est que les uns provoquaient le vomissement et les autres la diarrhée, que ceux-ci poussaient aux urines et ceux-là aux sueurs, etc. On savait en outre, il est vrai, qu'on avait vu les vomitifs arrêter le vomissement, les purgatifs la diarrhée, les diurétiques et les diaphorétiques des urines surabondantes ou des sueurs profuses. Mais, en définitive, le vomissement, la diarrhée, la diurèse ou les sueurs, symptômes communs à une foule de maladies, ne pouvaient guère que dans des cas exceptionnels et très rares

doses d'acide sulfurique, dans des cas où l'on avait inutilement administré une multitude de poudres absorbantes. » (J. Hummel, Comment. de arthrit. tam tartarea quam scorbutica, etc. Buding, 1738, in-8°, p. 40-42.) Hahnemann, qui rapporte ce passage, après avoir cité Hippocrate, mentionne encore, comme ayant émis des assertions plus ou moins semblables, Boulduc, Detharding, Bertholon, Thoury et Stoerck, mais il ne parle point de Paracelse. Cependant Paracelse est de tous ses ascendants scientifiques celui dont il a le plus fidèlement reproduit les idées. Hypothèse d'un double principe immatériel dans l'homme; guérison des maladies par les substances capables de les faire naître chez l'homme sain; réduction matérielle de ces substances portée aussi loin que possible (quintessences) : tout cela se trouve dans le livre de Paracelse intitulé Archidoxe. Que manqua-t-il donc à cet homme extraordinaire pour fonder la doctrine dont Hahnemann fut le père ? Une seule chose, mais une chose capitale, immense, celle qui manqua à toute la lignée de ses successeurs, depuis Van Helmont jusqu'à Tommasini, et qui restera à tout jamais la grande gloire de Hahnemann : l'expérimentation physiologique des médicaments à doses infinitésimales.

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