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médicament dans les maladies aigues des voies aériennes, est, ainsi que j'en ai fait la remarque, applicable au rhus, comme aussi au croton tiglium; ce qui n'empêche pas qu'il puisse se rencontrer des cas, à la vérité très rares, où l'un ou l'autre de ces médicaments soit le spécifique de maladies qui jusqu'à présent n'ont encore reçu d'autres désignations que celles beaucoup trop vagues, comme on le voit, d'angine, de bronchite ou de pneumonie.

Rhus est souvent indiqué après Arnica, de même que Spigel., Zinc. et Colch. sont souvent indiqués après lui.

Les maladies auxquelles il s'adapte le mieux sont de celles que ramène le printemps, telles que le rhumatisme, la goutte, l'érysipèle, l'eczéma, etc. La plupart de ses symptômes sont exaspérés par la chaleur artificielle, comme ceux de l'arnica, du ledum, etc., quelquefois par le mouvement, plus souvent par le repos ils se manifestent parfaitement le soir et la nuit.

Bry., Camph., Coff., Sulph., mais surtout Ledum, sont les antidotes du Rhus.

Croton tiglium. Espèce du genre Croton, de la famille des Euphorbiacées de la monoécie monadelphie.

Les fruits de cet arbre, qui croît aux Indes orientales, sont de petites graines oblongues, noirâtres et rugueuses, connues, dans le commerce de la droguerie, sous les noms de graines de tigli, de tilli, de croton tiglium ou de petits pignons d'Inde. On en extrait une huile jaunâtre, d'odeur nauséeuse, d'une saveur âcre, brûlante, exécrable, et que les médecins allopathes ont la prétention d'utiliser comme drastique et comme rubéfiant.

Applications empiriques. Bien que mentionnée déjà dans la Matière médicale de Ferrein, publiée en 1770, l'huile de croton, importée en Europe par un médecin anglais de la Compagnie des Indes, nommé Cromwell, ne fut guère employée en France que depuis 1824, sur la foi d'une Notice lue, le 13 janvier de cette année, par M. Friedlander, à l'Académie royale de médecine (1).

De même que le suc du Rhus tox., l'huile de croton, mise en contact avec la peau, y détermine une éruption vésiculeuse, et, consécutivement à son absorption par cette voie, quelque chose d'analogue à la muqueuse des intestins ou tout au moins du rectum. << Il arrive assez souvent, observent MM. Trousseau et Pidoux,

(1) Voy. Journ. compl. des sc. médic., t. XVII, p. 340.

que, chez la personne chargée de faire des frictions, il se déve loppe une éruption vésiculeuse au visage, sans que le médicament ait été porté directement sur les parties irritées. M. le docteur Ernest Boudet, ajoutent les mêmes auteurs, a signalé aussi une éruption qui se manifeste au scrotum, lorsqu'on frictionne différentes parties du corps avec l'huile de croton. Il est probable que cette éruption est le transport de l'huile sur cette partie, etc. (1). » D'où il suit que, tout en étant forcés d'admettre les faits, ces messieurs ne paraissent pas comprendre qu'un médicament puisse produire un exanthème sans être immédiatement appliqué à la peau!

Les nègres de Bourbon se servent du croton contre l'hydropisie, pratique que les médecins anglais et français se sont empressés de s'approprier. On emploie cette substance en qualité de drastique dans la colique de plomb; contre le tania, qu'elle tue, dit-on, ce qui ne doit pas être toujours sans danger pour le malade; enfin, comme dérivatif (en embrocation) dans la cystite aiguë et chronique et l'urétrite. Fort heureusement, les bienfaits qu'on peut espérer d'un sage emploi du croton sont proportionnels aux dangers qu'il présente entre les mains des adversaires de l'homœopathie.

Il n'existe, à ma connaissance, aucune pathogénésie du croton autre que celle que M. Jahr a publiée, et à laquelle je renvoie le lecteur (2).

Applications homœopathiques. -Peu d'homœopathes jusqu'à présent paraissent s'être servis de croton. Au moins, dans les neuf volumes de la Clinique homœopathique du docteur Beauvais (de Saint-Gratien), n'existe-t-il pas une seule observation qui ait trait à ce médicament. Il ne serait donc pas impossible que je fusse au moins un des premiers à l'avoir employé à doses infinitésimales.

Le croton est un médicament précieux, dont les effets purs sont pour ainsi dire intermédiaires à ceux du sumac et à ceux du soufre (3). Je ne l'ai expérimenté sur moi-même que pendant quel

(1) Traité de thérapeutique, t. I, p. 627.

(2) Nouveau manuel de médecine homœopathique, 5o édition. Paris, 1850, t. I, p. 275.

(3) Il est une autre substance sur laquelle j'ai fait quelques recherches, et qui dans la suite viendra se placer probablement à côté du rhus, du croton et peutêtre aussi du soufre : c'est l'huile essentielle de noix d'acajou.

ques jours. Faute d'indications assez précises, je ne m'en sers donc jusqu'à présent que dans des cas pathologiques de nature assez restreinte; mais comme ces cas sont de ceux qui se rencontrent le plus fréquemment dans la pratique, il en résulte qu'en définitive le croton est peut-être un des médicaments qu'il m'arrive le plus souvent de prescrire.

Le prurit causé par le croton est d'abord moins brûlant que fourmillant (ce qui est l'inverse pour le rhus) : je ne sache pas qu'il puisse y en avoir de plus insupportable. Il ressemble parfaitement à celui que provoque l'application sur la peau de la poudre, débitée par certains bateleurs sous le nom de poudre à gratter. Mais ce prurit se change en douleur brûlante, comme celui du rhus, si le médicament est pris à fortes doses ou employé extérieurement. Alors la peau s'enflamme, rougit, devient ardente, et laisse suinter une sérosité jaunâtre et plastique, surtout au creux des mains, aux parties génitales, au ventre, à la poitrine, entre les épaules et derrière les oreilles. De petites vésicules, parfaitement semblables à celles de l'urticaire, apparaissent sur les parties enflammées, et cette éruption peut rapidement s'étendre au corps entier.

Guidé par la connaissance de ces phénomènes qui résultent pour moi de l'emploi allopathique du croton, je l'essayai d'abord homœopathiquement, mais avec peu de résultat, contre l'érysipèle, puis avec le plus grand succès contre : 1° l'urticaire (1), surtout lorsque la peau du ventre était le siége de cette maladie ; 2o contre de larges taches d'un rouge cuivré, occupant également l'abdomen, pruriantes, surtout à leur pourtour, ayant assez bien l'aspect de taches hépatiques, et que le malade croyait (avec raison?) d'origine syphilitique, bien que la sépia, le mercure, le soufre, les acides sulfurique et nitrique eussent été sans action sur elles; 3° contre de petites papules rouges, peu apparentes, disséminées sur les cuisses, le ventre et les parties génitales, datant de plus de quinze ans, et causant d'insupportables démangeaisons, principalement à la vulve, chez une dame jeune encore, dont elles faisaient littéralement le désespoir; 4o contre la gale récente chez un grand nombre de sujets,

(1) C'est par suite d'une faute d'impression, ou plutôt d'un lapsus de ma part, que, dans mon Traité des maladies des enfants, j'ai indiqué le ledum contre l'urticaire: c'est croton qu'il faut lire au lieu de ledum.

mais concurremment avec Lobelia inflata et quelquefois Merc. corrosivus; 5o chez une petite fille de quatre ans, frêle, cacochyme essentiellement psorique. A la suite d'une éruption vésiculeuse à la poitrine et au cou, et qui, m'a-t-on dit, s'était passée d'elle-même en trois ou quatre jours, cette enfant avait été prise d'un coryza ou plutôt d'un écoulement fétide par les narines, qui, depuis cette époque, c'est-à-dire depuis plus de deux ans, durait encore, et cela sans interruption. Pendant l'hiver, cet écoulement perdait un peu de son abondance et de sa fétidité, mais dès les premières chaleurs les choses se rétablissaient dans leur premier état. Sulph., solub., Calc. carb., que je conseillai d'abord, furent absolument sans effet. Puis, la circonstance de l'éruption qui avait précédé l'écoulement m'ayant fait songer au croton, je le prescrivis, mais, je dois le dire, sans en espérer beaucoup. Or l'événement trompa heureusement ma prévision; car, en moins de quinze jours, les symptômes avaient perdu les trois quarts de leur intensité, bien que nous fussions au cœur de l'été, c'est-à-dire au moment de l'année qui jusqu'alors s'était montré le plus défavorable à ma petite malade. Je dois d'ailleurs ajouter qu'il fallut environ six mois pour compléter la guérison. Croton, Lobel. inf. et Creos., prescrits alternativement, et à des intervalles convenables, furent les seuls médicaments employés.

Mais le résultat le plus significatif que j'aie obtenu de croton est le suivant :

Au mois de mars 1850, je fus consulté par un négociant d'une quarantaine d'années, fortement constitué, sujet à des accès de goutte qui revenaient invariablement chaque printemps, depuis quinze années. Deux fois seulement, à quatre ans d'intervalle, cet accès de goutte avait manqué à l'époque habituelle, mais sans profit pour le malade, car un exanthème des plus fatigants et des plus opiniâtres l'avait remplacé. Cet exanthème consistait dans une rougeur vive du corps entier, accompagnée d'un prurit ardent, principalement au creux des mains, à la poitrine et derrière les oreilles. Ces parties étaient le siége d'une exsudation jaunâtre et plastique, que fournissaient une multitude de petites vésicules, serrées les unes contre les autres, et qu'on n'apercevait distinctement que dans les places où elles étaient moins nombreuses, et où la résistance plus considérable de l'épiderme leur donnait une certaine persistance. A chaque fois, cette éruption avait duré trois

mois, nonobstant des purgatifs, des bains de Baréges et une saison aux eaux d'Aix en Savoie. A l'époque où je vis le malade, il n'avait ni sa goutte ni son eczéma, mais une toux sèche, ébranlante, presque convulsive et incessante. Il y avait un peu de chaleur à la peau, de la soif, un peu de céphalalgie, de l'ardeur dans la poitrine sans dyspnée; parfois, surtout le soir, mais seulement pendant quelques jours, de la tendance à la syncope, ce qui était une singularité chez un sujet éminemment robuste; enfin, peu ou pas de fièvre (60 ou 65 pulsations par minute). Je prescrivis d'abord Nux vom., puis Bryon., puis Coral., puis je ne sais quel autre médicament encore, et le tout en vain, car après trois semaines passées, le résultat obtenu pouvait être considéré comme complétement négatif. De patience lasse, le malade qui, il faut en convenir, était bien dans son droit, s'avisa de suspendre un jour son traitement homœopathique pour s'ingérer de son chef trois ou quatre cuillerées de sirop de pavot blanc, le soir en se mettant au lit. L'effet de cette préparation ne se fit pas attendre, et il fut réellement curieux. La toux cessa complétement pendant quelques heures pour revenir ensuite, il est vrai, avec la même intensité qu'auparavant. Mais pendant cette suspension de la toux, une explosion de la maladie s'était faite à la peau, et dès le matin, au point du jour, le malade était couvert de la tête aux pieds de ce redoutable eczéma dont il avait déjà été atteint. Je dois dire qu'il était méconnaissable et dans un état d'angoisse, de désespoir impossible à décrire. L'expérience du passé lui donnait en effet la certitude qu'il avait en perspective trois ou quatre mois d'intolérables tortures. Or ce fut alors que je donnai le croton, et en moins de cinq ou six jours, il ne resta plus vestige, ni de la toux, ni de l'éruption, dont l'affreux prurit cessa presque dès la première journée (1).

Ce fait est remarquable en ce sens qu'il nous présente une même maladie sous trois formes différentes : la goutte, l'eczéma, la bronchite, et cette maladie polymorphe cédant à un seul médicament.

(1) Le malade dont il est ici question ayant depuis quitté Paris, j'ignore s'il a été repris de sa toux, de son eczéma, ou de ses douleurs de goutte. Ce n'est malheureusement pas impossible. Il est même plus que probable que le principe de sa maladie est encore existant; mais je n'en reste pas moins persuadé qu'à l'époque où je l'ai traité, le croton ne l'eût pas moins guéri momentanément de sa goutte qu'il n'a fait de sa bronchite.

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