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contrôle périt par son abus; alors, une nouvelle forme s'annonce; une combinaison de pouvoirs succède au pouvoir unique, et les divers éléments de la société sont représentés dans son gouvernement. Nul ne pourrait affirmer aujourd'hui que ce mode, si supérieur à tous ceux qui l'ont précédé, ne subira pas dans l'avenir quelque modification sérieuse. Même sans altérer sa nature, il peut admettre une grande variété de ressorts, et chacun de ces ressorts peut être modifié dans son énergie. Mais ce qu'il est toujours possible d'affirmer, c'est qu'un grave changement social ou politique ne saurait être que l'œuvre nécessaire du temps. Des signes certains ne manquent jamais de l'annoncer à la société qui doit le subir; la volonté de l'homme y fait peu de chose; chacun est averti secrètement du travail qui s'opère dans les convictions, dans les croyances sociales. Partout l'œuvre; nulle part l'artisan. Et il arrive un jour où les conséquences sortent d'elles-mêmes de leurs principes, et où la société s'éveille en possession d'un progrès nouveau.

De quels admirables instruments l'esprit d'invention n'a-t-il pas enrichi l'industrie et l'intelligence? depuis l'imprimerie, qui a rendu impérissables les fruits de la pensée, jusqu'à la puissance de la vapeur qui, en supprimant les distances, ne fera de plusieurs peuples qu'un seul peuple, ne voyons-nous pas l'humanité toujours à la poursuite de nouveaux trésors? il suffit de jeter les yeux autour de nous, et d'observer cette activité merveilleuse qui précipite nos contemporains dans le champ des grandes découvertes, pour reconnaître que ce champ n'est pas stérile. Non, Messieurs, l'éducation sociale n'est pas terminée. Il y a encore beaucoup à décou¬ vrir, beaucoup à perfectionner. L'humanité n'a pas trouvé des remèdes à toutes ses misères, je parle de celles dont

la Providence ne lui interdit pas la guérison. L'instruction n'a pas encore fait pénétrer assez avant une lumière modeste et pure. Qui oserait dire que la condition du pauvre, de l'ouvrier, fût une condition définitive? la réforme des prisons n'est-elle pas une question actuelle et vivante ? Qui sait ce que deviendront au dehors les vieilles traditions de la guerre, de la diplomatie, et jusqu'où se modifieront au dedans le combat des intérêts et les développements rivaux de la pensée ? Personne peut-être ; et les plus hardis feront l'inventaire du présent pour conjecturer l'avenir.

Dans le présent, un double jugement peut être porté sur l'ensemble des faits sociaux; deux classes de juges peuvent se présenter pour en apprécier le caractère, et se transformer en deux classes de prophètes à qui l'avenir ne se peindra pas non plus sous les mêmes couleurs.

Les uns, que nous appellerons les pessimistes, déclarent que le monde empire tous les jours. Ils redisent, avec toutes les variantes que peut fournir une pensée uniforme, ce refrain déjà vieux du temps d'Horace, lorsqu'il s'écriait: Le siècle de nos pères, plus corrompu que celui de nos aïeux, a produit notre race plus mauvaise encore, et de nous il va naître des enfants qui seront pires que nous. Ni les conquêtes de l'industrie, ni l'adoucissement des mœurs publiques, ne désarment ces hommes de bonne foi, qui d'ailleurs, l'esprit libre et le teint fleuri, pleurent par habitude sur les ruines de la société détruite. Ils nous disent avec une mélancolique ironie: toutes vos brillantes inventions ne nous touchent guère. Qu'en avions-nous besoin pour être heureux ? Les unes matérialisent le siècle, et ce sont les plus nombreuses et les plus populaires ; les autres lui fournissent de nouveaux moyens de licence, et il nous semble qu'il en possédait

déjà bien assez. Attendez quelques années encore; vous verrez, vous verrez ce qu'auront produit vos lois, vos livres, vos découvertes! déjà les crimes se multiplient; les liens les plus sacrés se relâchent; la foi est morte; l'argent est roi. Tout va mal, tout penche vers l'abîme. Le XIX.e siècle a reculé dans les ténèbres. Dieu sait ce que le XXe siècle réserve à nos misérables neveux !

Je ne connais guère d'optimistes à tout prix qu'il soit possible d'opposer à ces intrépides pessimistes, incrédules à tout progrès. Je ne puis donc mettre en regard que les optimistes raisonnables, entre lesquels j'ai la hardiesse de me ranger.

Nous oserons donc répondre que la recherche de la perfection ici-bas ést tout simplement la recherche de l'impossible, mais que l'impossibilité de la perfection n'exclut pas le perfectionnement. Or, ce perfectionnement qui s'opère dans les institutions sociales, dans les habitudes de la vie commune, dans les relations entre les peu-ples et entre les individus, dans la situation morale et dans la richesse industrielle, est pour nous chose plus évidente que la lumière. Il y a en tout temps dès époques de crise où l'horizon se charge de nuages, où les progrès acquis semblent s'effacer et s'éteindre dans l'obscurité, au milieu des ruines; mais, quand la bourrasque a cessé, et qu'on voit un siècle jeune retrouver, recueillir tous ces fruits dispersés, et reprendre sa course vers des destinées nouvelles, on peut dire que le genre humain a fait un pas.

Nous croyons fermement qu'il en est ainsi de nos jours. L'avenir religieux et moral de l'humanité ne peut être présumé avec certitude; mais ce qui est indubitable, c'est la défaveur des doctrines matérialistes dans un siècle accusé de tout subordonner au bien-être matériel;

le besoin de croire, qui tourmente de nouveau les ames, et que l'un de nos plus éloquents penseurs, M. Guizot, signalait il y a peu de jours en disant: le XVIII. siècle aimait les hommes, mais négligeait le Père des hommes; le XIX.e siècle aussi aime les hommes, mais il se souvient de notre Père qui est aux cieux.

Voilà pour les croyances, et il serait inutile d'objecter que ce progrès n'est que dans les esprits d'élite; car, d'abord, ce sont les esprits d'élite qui, en définitive, mènent le monde, et en outre tout observateur peut remarquer que l'éducation des masses, ce qu'on appelle la raison publique, gagne chaque jour en étendue et se manifeste spontanément dans les occasions décisives, comme dans ce respect habituel de l'ordre, vertu si rare en des temps qui sont déjà loin de nous.

Mais aussi, et sur une ligne parallèle, se développent les rapides progrès de l'industrie. Renfermés dans leur cercle naturel et légitime, ils viendront à l'aide de la morale, au lieu de se substituer à elle. Le bien-être n'est pas ennemi du bien-faire. L'ouvrier mieux nourri, mieux vêtu, est plus près d'être et de demeurer honnête homme que le manœuvre nu et affamé. La division des propriétés est favorable au solide esprit d'ordre, à celui qui s'établit sur la conscience de ce qu'on est et de ce qu'on possède. La loi morale par excellence, celle du travail, qui met en relief la valeur personnelle, est imposée plus que jamais et aux bras et aux intelligences.

Nous vous l'avons dit il y a trois ans, Messieurs, et nous regardons comme une bonne œuvre de le répéter encore que sont, en présence de ces résultats sociaux, les exceptions individuelles, exceptions enflées, propagées par la puissance, autrefois inconnue, de la publicité? elles n'empêcheront pas de reconnaître que l'hu

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manité, dans sa marche progressive, ajout aux dons naturels de la Providence les fruits rieuse éducation.

Voilà ce que nous disons, nous optimist peut-être, mais du moins hommes de conv bonne-foi. Quittons maintenant les considéra rales, et regardons plus près de nous.

Si l'homme, à tous les âges de sa vie, I toutes les époques de sa durée, apprennent s grossissent d'acquisitions nouvelles le trés passés, ne nous étonnons pas que les plus be qu'un Platon, qu'un J.-J. Rousseau aient cette question vaste et toute sociale de l'édu méditations immortelles. Rien ne mérite plu en tout temps les hommes graves et instrui cette question reposent comme en germe l de toutes les autres.

C'est aussi, Messieurs, il faut le dire, la donne naissance aux Académies, aux Sociét des noms divers, ont pour objet la culture gences, l'éducation des esprits. Que fait-on dans les savantes compagnies dont je parle, nous de faire nous-mêmes dans nos réunions que d'élever nos ames, de former nos esprit pléter nos connaissances, de rectifier nos err choses qui constituent véritablement l'éduca tionnée ? Nous nous instruisons mutuellement renvoyons tour à tour les idées que nous croy justes et les plus utiles, les enseignements qu blent les plus solides et les plus moraux. Qu nous dit que ces rapports si doux, si affed aussi des rapports fructueux pour chacun de n la fin de l'année chacun a profité du concour

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