Imagens das páginas
PDF
ePub
[blocks in formation]

M. Aubernon, Préfet du Département, Président d'honneur, s'exprime en ces termes :

MESSIEURS,

RÉUNIS pour entendre le précis de vos travaux de l'année écoulée, vous allez vous rappeler ces aimables soirées passées dans l'étude variée de la morale et de la philosophie, de la législation et de la jurisprudence, de la littérature et des beaux-arts, de l'histoire et de ses vieux monuments.

Livrés aux nobles émotions que fait naître et développe dans l'ame le dévouement habituel de la pensée au culté du bien et du beau, vous voulez exprimer votre reconnaissance envers ceux d'entre vous qui vous ont communiqué les fruits de leurs recherches, et ont su donner de l'attrait à vos assemblées.

Votre société réalise ainsi et poursuit avec zèle le but sérieux qu'elle s'est proposé; elle répand autour d'elle le goût des études littéraires, morales et philosophiques. Au milieu

de grands souvenirs, auprès du foyer de lumière que reflète au loin la capitale, et libre pourtant de jouir sans trouble des paisibles solitudes qui s'ouvrent de tous côtés sous ses pas, elle cherche à donner à ses travaux ce caractère particulier et original que la méditation peut seule produire. Et vous n'en êtes plus, sur ce point, Messieurs, à vos premiers débuts: aux charmes de la nouveauté vous avez ajouté les liens de la confiance et de la durée : vous possédez un honorable passé qui répand son éclat sur le présent et ses espérances sur l'avenir.

C'est, Messieurs, ce qui se manifeste en toutes choses. Et la puissance du passé et des souvenirs ne joue-t-elle pas un rôle immense dans les affaires humaines, dans la destinée des associations littéraires, comme dans celle des familles et des grands états? On voit toujours et partout dominer le même principe et la même puissance. Les travaux remarquables par lesquels les réunions scientifiques se distinguent, sont une excitation à des travaux encore plus parfaits; le mérite, les hauts faits et les vertus des ancêtres perpétuent le renom et l'honneur dans les familles; les vicissitudes qu'une grande nation a éprouvées et le rôle qu'elle a su jouer parmi les autres peuples; son histoire et les monuments que ses richesses et son génie ont répandus sur son territoire, sont autant de points d'appui et de forces qui la soutiennent et la dirigent dans la voie des mémorables entreprises, de la gloire et de la grandeur.

Que d'intérêt et de charme vos études savent trouver dans nos brillants souvenirs ! et que nous sommes heureux de posséder dans l'histoire et les monuments des générations qui nous ont précédés, dans le génie des hommes d'état, des guerriers, des magistrats, des poètes, des savants et des artistes qui ont illustré notre patrie, un dépôt immense et sacré de sciences, de puissance et d'honneur que nous devons nous montrer si jaloux de conserver, d'enrichir et de transmettre à nos successeurs!

Notre histoire, en effet, remonte aux temps les plus reculés, et nos aïeux firent trembler à son berceau l'antique Rome. Issue des Gaules, de Rome et de la Germanie, la France tient le nom qui nous est si doux de cette énergique nation des Franks qui sut défendre et protéger ses conquêtes. C'est à cet acte de génie et de vigueur que Clovis doit le juste titre de fondateur de la monarchie française, et la nation son territoire, son existence et sa vieille renommée de quinze siècles.

Dans cette longue et pénible lutte de la civilisation antique et des mœurs primitives des peuples nouveaux qui couvrent le sol de l'Empire romain, la France ne résiste pas seulement aux invasions des hordes du Nord et des conquérants du Midi; elle ne se borne pas à repousser de son territoire la domination des Allemands, et des Huns et des Arabes; mais, victorieuse de ces rudes épreuves, elle fait sortir de son sein une société nouvelle, une organisation politique régulière et puissante; l'empire de Charlemagne enfin qui donne ses lois, non-seulement à la Gaule, mais à une partie de l'Espagne, à l'Italie et à la Germanie.

Les débris de cet empire, qui ne s'affaisse que sous sa propre grandeur, donnent naissance plus tard à la majeure partie des états de l'Europe moderne; mais dans le morcellement et la confusion du moyen-âge et de la féodalité, la France occupe toujours un des premiers rangs dans les annales du monde : sa couronne est la suzeraine d'autres puissantes couronnes; ses vassaux deviennent des rois de Naples et de Sicile, des rois de Jérusalem et de Chypre, des empereurs de Constantinople et d'Orient, des rois de l'Angleterre même, dont ils font la conquête ; elle porte partout la gloire de ses armes et de son nom; et ce sont encore ses rois qui font entendre au peuple ces premières voix de justice, d'ordre et de franchises, au retentissement desquelles se sont élevées l'unité, la force et la liberté de notre pays.

Sous la monarchie absolue, sa puissance, sa politique, la

magie de son nom, s'étendent de toutes parts. Elle reprend ses limites, elle fait monter ses rois sur le trône d'Espagne, et donne des exemples de grandeur, de science et de vertu au monde entier ; et même quand sa politique faiblit, quand le pouvoir absolu décline, ses chefs-d'œuvre littéraires lui assurent de nouvelles conquêtes, et son langage et ses mœurs dominent de toutes parts.

Durant les discordes civiles, religieuses et politiques qui l'ont parfois agitée, nous la voyons sans cesse, dans ces moments critiques d'anarchie où la prudence et la raison sont dédaignées, où la fougue des aveugles passions semble ne vouloir plus laisser entendre la voix du bien public, nous la voyons toujours conserver l'instinct de son unité et de son indépendance, et sauver ces biens précieux du chaos des plus terribles commotions sociales.

Sous cet Empereur dont les grandes actions, si voisines de nous, semblent cependant déjà effacer dans l'histoire ancienne l'héroïsme d'Alexandre et la grandeur de César, elle soumet de nouveau à sa puissance ou à sa politique presque tous les Etats de l'Europe, et donne ses lois et ses rois à l'Italie, à l'Espagne, à l'Allemagne, à la Hollande, à la Pologne, et elle ne fléchit un moment que devant les efforts unis du monde entier.

Depuis cette longue paix, enfin, dont les bienfaits ont assuré à l'Europe une prospérité si féconde, la France ne tient-elle pas encore une des premières places, ne fondet-elle pas en Afrique un nouvel empire, et ne voyons-nous pas les autres peuples imiter son exemple, suivre son impulsion et rendre justice à son industrie, à sa littérature, à ses monuments et à son génie ?

Il n'est aucune de ces époques, Messieurs, qui ne nous rappelle la grandeur de notre pays; il n'en est aucune qui n'ait caractérisé son passage par de nombreux monuments, devenus maintenant l'objet de votre vénération et de vos études.

Ces monuments druidiques, qui nous reportent à l'origine de notre existence; ces arcs de triomphe, ces amphithéâtres, ces temples, ces indestructibles chaussées qui rappellent si bien la grandeur de la domination romaine; ces tourelles, ces donjons et ces vieux créneaux dont les débris nous racontent d'eux-mêmes l'esprit guerrier, les passions rudes, et tout à-la-fois la loyale et généreuse courtoisie des temps chevaleresques; ces églises plus ou moins ornées selon le goût des différents siècles, mais élevant toujours vers le ciel, dans les villages comme dans les cités, leurs voûtes et leurs flèches hardies, comme pour exprimer l'élan pieux de la pensée de l'homme vers le Sauveur du monde ; ces remparts, ces forteresses, ces ports, ces routes et ces innombrables édifices que les diverses époques ont laissés derrière elles de toutes parts; tous ces vénérables témoignages du passé, fruits d'une longue suite d'événements et de sacrifices, ne nous remplissent-ils pas d'amour pour notre noble pays? ne nous inspirent-ils pas cette ardeur sacrée de les connaître, de les étudier, de nous en entretenir, et de veiller à la prolongation de leur durée ?

Non, Messieurs, je ne commettrai pas l'indiscrétion de chercher à vous inspirer des sentiments que chacun de vous possède déjà dans son cœur. Il en est parmi vous de plus particulièrement adonnés aux études de l'histoire et de l'archéologie; ils vous ont soumis d'utiles et savants essais sur les monuments qui nous entourent; et vous connaissez nonseulement les richesses monumentales de la Frauce, mais vous vous êtes occupés de rechercher celles que renferme le département que nous habitons.

Du faîte de ce palais de Louis XIV d'où, pendant plus d'un siècle, partirent les décrets qui ont régi la politique et la destinée de notre pays, et où tant de personnages éminents et parfois ennemis vivent maintenant en paix face à face les uns des autres; du faîte de ce palais dans lequel la grandeur de Louis XIV a reçu un si beau mausolée de la piété d'un de ses

« AnteriorContinuar »