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M. Valery vous a souvent fait entendre avant leur publication, des fragments de ses intéressantes Curiosités italiennes. Vous vous rappelez sur-tout les notices sur Paul Sgobba et sur le comte Castiglione.

M. Ploix, que de nouveanx loisirs et vos voix appellent à occuper dans ce rapport annuel, une place plus ample, vous a rendu compte des Mémoires de l'Académie de Rouen pour 1841;

Et M. Vannson, chargé par vous de cette tâche, a commencé l'analysie critique de la divine épopée de M. Soumet.

Des poésies originales vous ont été lues; elles sont de genres bien divers et me paraissent échapper à l'analyse; vous avez entendu un fragment de la Françoise de Rimini, de M. Christien Ostrowski, plein de chaleur et de verve, plusieurs pièces de M. Jaquelin, dont la facililé ne se dément jamais, un plus grand nombre de M. de Foudras, dont l'ame et le talent neuf et heureusement novateur, car il nous ramène au bon goût, vont tout à l'heure être appréciés par ceux qui n'ont pas encore eu le plaisir de l'entendre.

Ainsi un poète anonyme, trop modeste, vous a fait connaître, par l'organe de M. Bouchitté, deux charmantes pièces de vers, écrites de ce style aisé, coulant et gracieux que nous admirons dans les pièces fugitives de Voltaire. La première a pour titre : Le Bonnet de coton; la seconde On n'est pas malheureux pour ça. Sganarelle

avait dit :

Quel mal cela fait-il ?

La pièce que je vous rappelle mérite d'être lue, même après les vers de Molière.

Beaux-Arts.

Les beaux-arts se formulent par des productions propres à frapper nos sens, et sous ce point de vue les beaux-arts sont cultivés dans notre ville autant que dans aucun lieu du monde, et les talents ne nous manquent point. Votre Société ne peut s'occuper de l'art qu'en ce qui concerne son expression ou sa critique, formulée par écrit : cette dernière division de vos occupations a aussi été marquée par quelques travaux.

M. Coupin vous a présenté des considérations d'une grande portée sur l'art de la peinture, à l'occasion de plusieurs tableaux qui attirèrent, l'année dernière, l'attention publique, principalement celui de Stratonice et Antiochus, par M. Ingres, qui appartient à M. le duc d'Orléans.

M. Boisselier vous a rendu compte d'un volume des Mémoires de la Société libre des Beaux-Arts, et spécialement d'une curieuse et touchante notice sur Bernard de Palissy.

M. Vatel vous a lu la traduction de l'allemand en français d'un morceau critique, artistique et littéraire sur l'Espagne. M. Valery a tiré pour vous, de ses Curiosités italiennes, un morceau dans lequel il revendique, pour la musique française, le droit d'aînesse sur la musique italienne.

Enfin, car je ne voudrais rien oublier, M. de Chesnel et après lui M. l'abbé Caron vous ont entretenus d'un écrit scientifique, dont l'auteur est M. Desaulnée, tailleur à Versailles, et qui a pour objet l'exposition d'une méthode rationnelle pour la coupe des habits, sujet que l'auteur et après lui ses analystes ont su rendre piquant, et qui devait sur-tout vous intéresser, par cette raison que les philosophes, les savants et les gens de lettres sont généralement connus pour s'entendre peu à ces matières.

Je suis arrivé, Messieurs, à la fin d'un rapport de la longueur duquel je décline la responsabilité; vous avez parlé, j'ai tenu la plume, tout est dû à votre zèle pour notre Société, et si votre secrétaire a pu tout réunir, tout coordonner, il le doit à votre complaisance pour lui.

Prix de vertu.

Vous jouissez depuis votre fondation du bonheur de pouvoir décerner dans cette séance publique un et quelquefois deux prix de vertu. Honneur et reconnaissance aux auteurs anonymes des dons qui vous sont faits avec cette destination.

Un trop petit nombre de demandes vous a été adressé cette année, malgré les moyens de publicité que vous avez mis en usage; je voudrais que cet esprit général de bienfaisance publique, qui signale notre époque, ainsi que notre président d'honneur nous le faisait remarquer l'année dernière, fût la cause de ce peu d'empressement, et qu'il pût en résulter pour nous la conviction que toutes les misères sont secourues, que tous les pieux dévouements sont récompensés.

Toutefois deux demandes sur-tout ont arrêté l'attention de votre commission, composée de MM. Théry, Duhamel et l'abbé Caron, rapporteur; vous avez adopté les conclusions que ce dernier collègue a déduites dans le travail par lequel il a inauguré si noblement son heureuse convalescence.

La Commission, après avoir loué le tendre empressement avec lequel deux jeunes filles se sont dévouées à soigner un frère long-temps malade, vous a demandé de rappeler la mention honorable accordée par vous, il y a deux ans, à mademoiselle Eulalie Rouard, qui depuis dix-sept années prodigue les soins les plus assidus à une mère vieille et infirme, et lui consacre le modique produit de son travail manuel. Vous avez pensé avec elle que le sentiment de la piété filiale est commandé par la nature, que mademoiselle Rouard a le mérite d'une longue et pénible persévérance, dont il fallait signaler de nouveau la continuation, et qui pouvait aspirer un jour à l'obtention de votre prix, mais que la conduite de la demoiselle Angélique Maurice envers les jeunes Farcy, ses neveux, offre un tout autre caractère de moralité. Ce n'est point chez elle un devoir imposé par la nature, une dette de tendresse filiale ou maternelle; c'est un véritable dévouement, un acte de vertu inspiré par un sentiment religieux qui décèle une ame compatissante et capable des plus nobles sacrifices. Elle voit deux jeunes enfants abandonnés par une mère sans entrailles et sans pudeur, dont elle rougit d'être la sœur; elle se dévoue à la réparation de cet outrage fait à la nature, et remplace auprès d'eux la mère fugitive. Le père, simple manouvrier, vient à mourir; mademoiselle Mau. rice redouble de zèle et de sollicitude, et n'a pour remplir les vertueuses obligations qu'elle a contractées volontairement, que le produit de son travail à l'aiguille, que l'assistance précaire de quelques ames charitables; mais elle est soutenue par le généreux sentiment d'une confiance élevée dans la providence divine. Les soins de la tante ne sont point sans succès, les jeunes neveux se distinguent par leur tenue, leur sagesse, comme par leur application au travail dans les écoles. Vous avez pensé qu'elle avait mérité le prix de 150 francs mis au concours cette année.

La Société remercie M. Aubernon de l'intérêt qu'il témoigne sans cesse pour ses travaux, de la bienveillante confra

ternité qu'il veut bien venir accepter dans son sein, et elle prie le Premier Magistrat du département de remettre le Prix de vertu, qu'elle décerne à

Mademoiselle ANGÉLIQUE MAURICE.

Veuillez vous approcher, mademoiselle, et que vos jeunes pupilles sentent redoubler leur pieuse reconnaissance.

En remettant le prix à l'impétrante. M. le Préfet lui adresse des paroles d'encouragement et de bienveillance.

M. le marquis de Foudras donne lecture de quelques fragments poétiques.

La séance est levée à dix heures.

Signé AUBERNON,

Président d'honneur.

ANQUETIL, Président annuel.

B. DE BALZAC.
Secrétaire-Perpétuel.

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