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LA MANOEUVRE DE MAGENTA

(1859)

ETUDE STRATÉGIQUE (1).

S V. LES CONSÉQUENCES DU COMBAT DE MONTEBELLO.

a) Inquiétudes et tergiversations de l'empereur.

En apprenant, le 20 mai au soir, la nouvelle de l'avantage remporté par la division Forey, l'empereur eut un mouvement de joie qui dura peu. L'inquiétude s'empara de lui et, sous cette impression, il télégraphia au roi :

<< Sire, l'ennemi a attaqué Casteggio... Dans ces circonstances, il faut << être prudent à notre gauche (sur Verceil), mais toujours tenter le pas<< sage (de la Sesia) sans se lancer trop loin (2). »

Croyant l'armée autrichienne beaucoup plus avancée vers le Pô qu'elle ne l'est en réalité, Napoléon III redoute de la voir déboucher en masse sur la rive droite pour lui offrir la bataille. Il arrête en conséquence l'envoi des ordres préparés pour la marche vers le nord et, à 11 heures du soir, expédie au maréchal Baraguay-d'Hilliers la dépêche ci-des

sous:

<«< J'ordonne au maréchal Canrobert de porter ses troupes (3° corps) << à Ponte-Curone, au général de Mac-Mahon (2e corps) d'occuper Castel<< novo, afin d'être à même de vous soutenir si vous étiez attaqué de << nouveau. Tenez-moi au courant. »>

Le 21 mai, à 6 heures du matin, l'empereur, accompagné de trois officiers généraux ou supérieurs et du baron Larrey, médecin en chef de l'armée, débarque du chemin de fer à Voghera. Après avoir embrassé le général Forey et fait grise mine au commandant du 1er corps, qui s'est opposé, la veille, à la marche au canon de la division Bazaine, il va visiter le terrain du combat.

Ce n'est pas un beau spectacle qu'un champ de bataille le lendemain de l'action, mais l'âme vraiment forte ne se laisse pas émouvoir par la vue des morts, ni attendrir par les souffrances des blessés, parce qu'elle porte ses regards vers l'avenir, sachant que le plus sûr moyen d'avancer le terme des horreurs de la guerre consiste à mener la campagne avec une vigueur et une énergie extrêmes.

Napoléon III, bon, affectueux, sentimental et très peu réaliste, n'était nullement préparé au rôle de conducteur d'armée.

(1) Voir la Revue des Idées, no 9.

(2) Le maréchal Canrobert, par M. Germain Bapst.

La vue des tués, puis la visite qu'il fit d'une ambulance installée dans une grange produisirent sur lui une impression telle qu'il devint livide et s'en retourna, accablé de chagrin, sans dire un mot.

Pendant ce temps, trois corps français (1er, 2o, 3o) s'étaient déployés à Voghera, prêts à recevoir l'attaque des Autrichiens.

L'empereur, de retour à Alexandrie d'assez bonne heure, réunit un conseil de guerre composé des maréchaux Vaillant, Canrobert et des généraux Lebeuf (1), Frossard (2), Niel, de Martimprey. On discuta longuement, mais la séance fut levée sans qu'une décision quelconque eût été prise, et aucun ordre ne fut envoyé pour le lendemain.

Le 22 au soir, le général de Sonnaz, qui, à la tête de 6 escadrons sardes, opérait depuis le 14 pour le compte de la division Forey, fit des rapports rédigés d'après le dire des habitants, lesquels annonçaient le passage du Pô, le lendemain, par les Autrichiens en grandes forces.

Ces rapports arrivèrent à l'empereur vers la fin de la nuit et le bouleversèrent au point de lui suggérer l'envoi des trois télégrammes qu'on va lire :

<< Au général Niel,

« Alexandrie, 23 mai, 6 h. 10 matin.

« L'ennemi menaçant de nous couper (?), portez-vous immédiate<<ment (3) avec tout votre corps à Castel-Novo di Scrivia (Castelnovo), << où vous recevrez de nouveaux ordres. Abandonnez toute la rive du « Pô; faites diligence. >>

<< Au roi,

«Alexandrie, 23 mai, 6 h. 15 matin.

«< Repliez votre front; laissez une division à Casale et marchez avec « vos troupes (4) sur Alexandrie, en abandonnant toutes les rives du « Pô.

<< Ne perdez pas un instant et dirigez, si vous le pouvez, des troupes, << par le chemin de fer, à Alexandrie. Je vous envoie un officier. »

་་

<< Au commandant de la garde,

<«< Vous allez emmener toute la garde (5) à Ponte-Curone, le plus tôt possible, en vous servant du chemin de fer. >>

On ne peut guère imaginer un affolement plus complet.

L'empereur veut que les Sardes et la garde utilisent le chemin de fer,

(1) Commandant l'artillerie de l'armée.

(2) Commandant le génie de l'armée.

(3) Le 4 corps était, depuis la nuit du 19 au 20, à Bassignano, entre Valence et Casale.

(4) L'armée sarde était répartie entre Valence, Casale et Verceil.

(5) La garde se trouvait à Alexandrie.

comme si les transports de troupes par voie ferrée pouvaient s'improviser à la minute.

Il ne se rend pas compte que le passage d'un fleuve comme le Pô demande beaucoup de temps et que l'armée autrichienne, à supposer qu'elle dispose, le 23, de deux ou trois ponts de bateaux à Vaccarina, ne saurait attaquer les 1er, 2e et 3° corps français avant le 26 mai. On n'a d'ailleurs aucune certitude sur le passage des Autrichiens.

L'inexpérience, le défaut de prévision, la nervosité, et, pour tout dire, l'insuffisance militaire de l'empereur, éclatent dans les télégrammes que nous venons de reproduire.

Un peu plus tard les bruits de débouché des Autrichiens au sud du Pô ne se confirmant pas, Napoléon III télégraphie coup sur coup à VictorEmmanuel.

<< Au roi,

Alexandrie, 23 mai, 8 h. 15 matin.

« Les nouvelles sont que l'ennemi ne se présente nulle part. Suspen<< dez les mouvements ordonnés. »

«< Au roi,

« Alexandrie, 23 mai, 11 h. 45 matin.

« Si vous n'avez pas jeté un pont à Candia, il est inutile de faire tuer « du monde (!). Croyez-vous à une attaque des Autrichiens?

Le passage du Pô à Candia se rapportait à cette circonstance que les Autrichiens ayant commencé à évacuer la rive gauche de la Sesia en face de Casale pour se concentrer vers le sud, la division sarde stationnée à Casale se préparait à franchir cette rivière sur un pont de bateaux à construire près de l'emplacement du pont fixe détruit par les Autrichiens.

Tous ces ordres et contre-ordres, outre qu'ils dénotaient l'irrésolution de l'empereur, portaient le trouble dans les esprits. Victor-Emmanuel en particulier fit part de ses alarmes au comte de Cavour dans une lettre du 23 mai qui contient ces mots :

« Décidément, rien n'est plus déplorable que de voir l'incertitude qui << règne dans le commandement suprême. Constamment soumis à des << ordres et à des contre-ordres, nous courons sans cesse le danger de << faire de grosses sottises (1)........ »

Cependant les 2o et 3° corps étaient venus, à la suite d'une marche de nuit, se former en bataille, le 23 de très bonne heure, à l'est de Voghera, sur la gauche du 1er corps. Ils restèrent en position, de 3 heures à 9 heures du matin, puis, l'ennemi ne paraissant pas, retournèrent à leurs camps de la veille.

A 11 heures du soir, le maréchal Baraguay d'Hilliers envoya un rapport

(1) Le maréchal Canrobert, par M. Germain Bapst.

à l'empereur lui annonçant l'attaque des Autrichiens pour la nuit même. Aussitôt, l'empereur fit expédier au maréchal Canrobert une dépêche ainsi conçue:

« Le maréchal Baraguay d'Hilliers annonce encore que l'ennemi s'a<< vance en forces. Si le fait se confirme, vous prendrez les mêmes dis« positions qu'hier. >>

Le maréchal Canrobert, dans le crainte de perdre un temps précieux à quérir des informations sur le bien fondé du rapport de son collègue du 1er corps, fit prendre les armes à ses troupes, un peu après minuit, et, pour la seconde fois en 24 heures, leur imposa une marche de nuit pour aller reprendre les positions du 23, sur la gauche du 1er corps.

En l'absence de tout mouvement des Autrichiens au sud du Pô, le 3o corps retourna, le 24, comme il avait fait la veille, à l'emplacement de ses camps.

Le 25 mai de très bonne heure, l'empereur sut, par un rapport d'espion, que le quartier général autrichien se trouvait à Garlasco, situé à 18 k. nord-ouest de Pavie et à 15 k. au nord du Pô.

Le maréchal Vaillant et le général de Martimprey qui logent au quartier impérial sont consultés sur ce qu'il convient de faire.

Le premier opine pour la marche sur Plaisance, le second pour un mouvement vers le nord.

Après déjeuner, l'empereur demande au général Frossard son avis sur la situation et le plan à suivre. Celui-ci penche en faveur de la marche vers le nord.

Non content de ces deux consultations et toujours perplexe, Napoléon III fait monter avec lui dans un train à destination de Voghera le maréchal Vaillant, les généraux de Martimprey, Leboeuf, Frossard et fait prévenir de son arrivée le maréchal Baraguay d'Hilliers ainsi que le général de Mac-Mahon.

A 3 heures, le train entre en gare de Voghera. Alors a lieu dans le wagon-salon impérial un nouveau conseil de guerre.

L'empereur retourne, au bout d'une heure de discussions variées, à Alexandrie.

Son indécision est plus grande que jamais.

Le grand mouvement sur Verceil l'épouvante et, d'autre part, en l'absence d'un équipage de siège, il comprend que l'opération sur Plaisance est impossible.

b) Projet de marche contre le gros des forces autrichiennes.

Cependant, le soir, sa résolution est prise. Il suivra la variante no 2 du plan Jomini, c'est-à-dire qu'il attaquera directement les Autrichiens, après avoir débouché sur la rive gauche du Pô avec le 1er corps, à Valence, et sur la rive gauche de la Sesia avec les 2°, 3°, 4° corps et garde,

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